[Orcanie] Une lettre de notre père III

 
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Le palefrenier de la forteresse de Caer Gothwaite m'indiqua le chemin pour me rendre vers la forteresse d'Avalon. Il me précisa qu'il fallait passer la frontière de l'île de Verre et me mis en garde :
"Au-delà, Dame, soyez prudente... Car vous serez en zone envahie par les démons..."
Je le remerciais et enfourchais la jument alezan que j'avais louée.
J'arrivais au grand galop, vers les postes frontières défensifs de l'île de Verre que m'avait indiqué le jeune palefrenier.
Passé les fortins entourés de pics défensifs, je sentis une odeur âcre et écoeurante remplacer l'air marin des plages voisines.
Mon destrier ralentit l'allure et je vis de l'inquiétude dans les réactions de l'animal. Arrivée au détour d'un sentier, la jument s'arrêta net et malgré mes encouragements refusa de repartir. Puis ma monture se cabra en hennissant d'effroi. Je m'accrochais pour ne point chuter et cherchais du regard ce qui pouvait bien paniquer l'animal.
Rien... Si ce n'est cette odeur infecte qui me donnait des hauts le coeur. De plus, le soleil déclinait et faisait jouer les ombres, masquant une possible créature qui aurait pu effrayer le cheval.
J'arrivais à calmer avec beaucoup de difficulté la jument. J'en profitais pour descendre et d'essayer de percevoir quelque chose ou quelqu'un dans les alentours.
C'est alors que je les vis : trois créatures se déplaçant à pas lents à une portée d'arbalète de moi.
J'ai combattu et exterminée bien des monstres sur les terres d'Albion, mais jamais je n'en avais vue de pareil.
Dressée sur leurs pattes arrières, un cuir couvert d'écailles bleuâtres et verdâtres, une gueule de dragon, un corps difforme et élancé, les créatures soufflaient bruyamment échangeant entre elles des grognements rauques en guise de langage.
Il s'agissait de drakorans : les fameuses créatures de Morgane la fée dont on parle dans les légendes de l'île d'Avalon.
Ainsi, elle les avait invoqué et introduit ici pour arriver à ses fins.
L'un des monstre s'immobilisa et sembla humer l'air. Il se tourna dans ma direction et tendit sa patte griffue dans ma direction : il m'avait reniflé et vu. Je sortis mon épée de son fourreau, prête à montrer à ces monstres que je ne les craignais point.
Usant de magie et de fourberie, les trois créatures se ruèrent sur moi, le premier choc fut rude, et mon bouclier projeta le premier des drakorans au sol, la tête éclatée par le choc. Je ne pus par contre éviter les griffes du deuxième qui entaillèrent mon bras. Sa tête vola au loin sous le tranchant de ma lame. Le troisième, un magicien, commençait à invoquer je ne sais quel sort. Je ne lui en laissais pas le loisir et lui perforais l'abdomen en vrillant mon épée.
Je n'eus pas le temps de me reposer et de panser ma plaie au bras car j'entendis au loin d'autres monstres qui arrivaient, alertés sans doute par le bruit du combat.
Je montais à la hâte sur mon destrier et évitait le sentier en passant dans un sous-bois...
C'est à la lueur de la pleine lune que j'arrivais saine et sauve après une chevauchée infernale au village de Wearyall.
Le petit village avec sa place centrale ou patrouillait quelques gardes dormait sous le ciel étoilé. Je demandais à un garde le lieu ou résidait le maître des lieux. Il me désigna une maison de bois et de torchis à l'aspect délabrée. Une lumière vacillante était visible par les volets.
Je frappais à la porte.
J'entendis le raclement de pas et la porte s'ouvrit sur le visage d'un homme âgé qui me détailla du regard.
"Désolée de vous déranger, messire, mais je cherche quelques renseignements sur un moine du nom de Leonis... Avez-vous déjà entendu ce nom en cette contrée ?"
L'homme ne répondit pas et continuait à m'observer des pieds à la tête avec un regard hagard.
"Jamais entendu parler... Une dame de votre qualité ne devrait pas venir en des endroits pareils... Pas un endroit pour vous ici..."
Et il ferma lourdement la porte.
J'allais frapper de nouveau et insister tant l'hésitation de l'homme me semblait suspect. Quand j'entendis des voix dans la maison.
"Albart, pourquoi ne lui as-tu rien dit ?
- Elle n'est pas d'ici... encore une de ces paladines d'Albion avides d'aventures et de prouesses... Je suis la de ces soi-disant chevaliers de la Lumière...
- Peut-être que non Albart ? Elle connais le nom du moine... Peut-être qu'elle a de bonnes raisons ?"
La deuxième voix était celle d'une femme et était suppliante. Je sentais à travers cette voix, des malheurs et des tragédies, accumulées toute une vie.
"Où étaient-ils tout ces beaux messires et dames quand nous avons subit l'assaut des troupes démoniaques ? Nous avons du faire face seuls et enterrer nos morts..."
La voix de l'homme sur ces derniers mots se fit sanglotante.
J'avais eu l'instinct d'enfoncer la porte au début de ce dialogue mais la dernière phrase de l'homme m'enleva tout courage.
Je retournai vers le centre de la place du village et me mit à contemplé la lune.
Je ne savais rien. J'ignorais tout du destin des gens d'ici. De ce qu'il s'était passé. J'avais foncé tête baissée sans me poser de questions sur Avalon et son histoire. Je ne connaissais que la légende qui ne m'apportait rien à cette heure.
Une main sur mon épaule me fit sursauter. Je failli dégainer mon arme. Je fis volte-face et vis une vieille femme revêtue d'une pèlerine grise qui me parla en ces termes :
"Dame Paladine... excuser mon Albart... nous avons tellement souffert... nous avions des beaux enfants, espoir de nos vieux jours mais le destin a voulu que nous ne les voyons grandir..."
Elle avait un sourire tremblant. On voyait à son regard que le malheur passé l'obsédait. Elle soupira et reprit :
"Mais vous n'êtes point là pour écouter mes pleurs. Le moine que vous cherchez, dame, est bien passé ici, il y a très longtemps. Il s'est installé pour étudier (selon ses dires) dans un hameau au nord d'ici, pas très loin de la forteresse maudite.... Mais depuis le temps, je doute qu'il y soit encore... Ils ont tout détruit, vous savez... tout détruit... Adieu, et bonne chance..."
Je n'ai pu la remercier, elle fila dans la nuit sur cette dernière phrase.
Je restais songeuse et immobile pendant longtemps.
Invoquant un cantique de protection de la lumière, je pris la direction du nord...

A suivreEpisode I & II
C'est vraiment magnifique, et comme l'a dit Mejai, édite ton message pour mettre en lien vers le précédent, juste pour avoir facilement le fils.
 

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