Un Geste Malheureux

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Je tournais et virais dans mon lit, incapable de trouver le sommeil. Cette pierre verte me narguait.

« Le calme de l’âme, la sérénité, la paix absolue, la fin de tous vos soucis ! »

Oui, bien sûr, je sais, quand j’ai reçu cette publicité par mail, j’aurai dû la traiter comme n’importe quel autre spam, direction corbeille ! Mais le style de l’annonce m’amusait, une entreprise se prétendant d’une autre planète, proposant une pierre-miracle pour un euro, frais de port compris !

Et simple à utiliser : « Placez-la près de vous et dormez. Votre esprit se liera à la Pierre et celle-ce vous apportera la paix. »

Entre la panne de voiture, l’engueulade avec mon patron et ma migraine persistante, l’action de la pierre avait autant de force qu’un cafard se démenant avec des haltères de 100 Kgs. Pire, même, elle m’énervait, soulignant ma naïveté ! Je me suis assis sur le bord du lit, j’ai pris cette satanée pierre, et hop, d’un geste coléreux je la lançais par la fenêtre…

Et c’est là que cela commença…

J’eus l’impression de tomber… de tomber… de devenir petit, froid et dur, de tout voir à travers une couleur verte et malsaine… je fis un clinc en tombant sur le trottoir et un passant me ramassa.

Quand ses yeux se posèrent sur moi, ce fut comme si le temps prenait une seconde pour s’arrêter. J’ai vu son âme. Sa peur de toujours manquer de quelque chose, comment cela le rendait radin, au point de venir plus tôt le matin, au travail, et piquer les grignotages de ses collègues, petits bouts par petits bouts, pour ne pas se faire repérer. Comment sa possessivité maladive lui faisait perdre toutes ses relations, lassées des chaînes qu’il leur imposait.

Et j’ai surtout vu son avidité. Son esprit s’imaginait mille émeraudes, mille rubis, mille diamants, et cela dans l’appartement juste au-dessous du mien, dont la fenêtre ouverte lui évoquait l’entrée de la Caverne d’Ali baba.

J’essayais en vain de m’éloigner de son esprit fou, comment pouvait-il être assez naïf pour croire que tant de richesses seraient à portée de sa main, dans un appartement aussi banal ? Mais il avait la pierre, aussi je restais avec lui alors qu’il grimpait le long de la gouttière, qu’il pénétrait dans l’appartement, sans un bruit… À ma grande horreur, je fus aussi avec lui lorsque le propriétaire, avec un fusil de chasse, apparut dans la pièce ! Dans sa panique, le cambrioleur me lâcha, pris un meuble à pleines mains et le renversa pour se protéger, avant de prendre la fuite.

Le réchaud à gaz, sur le meuble, mis le feu aux rideaux, et rapidement le feu s’étendit. J’étais inquiet pour moi, là-haut, mon corps vide pendant que mon âme contemplait les flammes de l’enfer, autour de moi. Bruits, appels à l’aide, fureur, chaleur, cris, sirènes… Et enfin, le feu maîtrisé, ici, et un pompier qui me ramasse… Mais il n’a pas le temps de rester, si le feu dans la pièce est éteint, il s’est, je ne sais comment, communiqué à l’immeuble voisin.

Je lutte avec mon nouvel hôte, la chaleur du brasier me réchauffe, des gens fuient, on maîtrise la situation… quand une explosion nous projette contre un mur… Des sons étouffés, je n’entends pas bien… d’autres secours… explosion de gaz… Je ne sais pourquoi, le pompier, en un dernier geste, a pris la pierre dans sa poche, pour la serrer avant de mourir… Mais il n’en a pas eu la force, et j’ai roulé sur le sol…

Pour être ramassé par un homme politique célèbre, habitant dans le quartier, et rapidement happé par les journalistes, qui n’ont qu’une question : le laboratoire de biologie P4 est atteint par l’incendie, y a-t-il un risque pour la population ? Non non, répond le responsable, sa main serrée sur moi dans sa poche, toutes les précautions ont été prises contre tous les risques… Incendies, attentats, tremblements de terre, je n’habiterais pas à côté si je craignais d’être contaminé par un des virus du labo d’études !

Mais il a peu de temps pour parler. Déjà une voiture noire vient le chercher, je vis les heures suivantes avec lui, au rythme des informations terribles de la sphère gouvernementale. Toute la ville est touchée, les gens meurent par dizaines de milliers, l’infection s ‘étend au pays, si vite si vite si vite !!! L’Europe entière est menacée.

Et enfin la nouvelle terrible, dans un effort désespéré pour se protéger les pays voisins lancent une attaque nucléaire, pour tuer les malades et détruire le foyer de l’infection d’un coup. Moi… il m’a prise en main, joue avec moi, nerveusement, dans l’abri anti-atomique. Le Président, devant nous, me fixe un instant et prend sa décision : il ordonne une riposte de toutes nos forces nucléaires.

Le dernier message que nous ayons reçu est qu’un sous-marin, on ne sait pourquoi, lança ses missiles sur une ville chinoise. La Chine se crut attaquée par les USA et riposta. Les USA, avant leur anéantissement, ripostèrent sur le tout le monde.

Notre abri fut pulvérisé. Et je me réveillais, le ciel bleu et les bruits de la ville si réconfortants, par ma fenêtre ouverte. J’ai regardé cette damnée pierre verte, qui m’avait apporté tant de cauchemars, et d’un geste coléreux je la lançais par la fenêtre…
Citation :
Provient du message de Aloïsius
De mon temps les geste de malheureux se contentait de faire pleuvoir. Je vieillis...
vivi j'avoue, si l'histoire m'est inspirée par la chanson de Branduardi, le titre, lui, vient d'un gag d'Achile Talon, qui a vraiment eu un geste malheureux.
Citation :
Provient du message de Soir le Sicaire
vivi j'avoue, si l'histoire m'est inspirée par la chanson de Branduardi, le titre, lui, vient d'un gag d'Achile Talon, qui a vraiment eu un geste malheureux.

Je le savais ! Je le savais ! Il fabuleux ce gag d'ailleurs
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