En ces temps moins troublés que clichés *, ces temps où nous allons faire bon voisinage avec le "deus absconditus" d'un autre fil (qui cherche en vain sa trinité tracassière, le pauvre), j'enfile un bloomer pour bébé pour commettre une petite déclaration : qu'adoncques on cesse de nous agriffer les zoreilles avec cette putassière subjectivité - l'entité mot comprise, c'est le sujet ! -.
Aha...a. La subjectivité. Cette joliette saloperie de bougresse... 2 ou 3 mots, pas plus, et foin des grimaces (pas les faux plis, les contorsions) : souveraine des fainéants qui pour ne plus avoir à chercher, affirment qu'il n'y a rien à trouver, bonne conscience et bouc-émissaire des imposteurs, iceux qui ont depuis belle lurette pulluler bien pire que poisson au frai (sans s), bien au-delà du poncif de la bourgeoisie du vernis, elle est du genre passe-partout, la joliette. Si séduisante et si transparente qu'elle ne déparera jamais à quelque noce que ce soit (ça tombe bien, elle est toujours invitée). Mangeant avec cela très peu de pain. Mais je ne sache pas qu'au simple motif de la diversité des goûts dans la nature il fallût que la création se pliât à la loi et se laissât assaisonner au goût des imbéciles, pour la seule satisfaction de leur oeil imbécile. Ce serait dommage, de tels orgasmes sont vraiment fugaces et mous. Ah, la belle subjectivité qui excuse tout et qui justifie tout.... Le rien n'est pas dans les antans, il n'est jamais loin. La subjectivité. Quel bagne, en vérité. Et quel manque de ferveur.
Dénicher l'objectivité : chiche !
Et la chose est aisée : le souffle de l'urgence l'habite ; c'est un vent à contre-courant et une fleur dipétale ; et c'est un vent qui se meurt, mais qui se meurt lentement - qui ne calanchera pas davantage que le Grand Pan (c'est une confidence, qu'elle reste entre nous). Eparpillés aux portes des déserts (où le vide se répand et non plus se tolère, c'est le point essentiel), nombre de monts-joie nous signalent qu'elle est passée par-là, pointent comme d'une pierre blanche la trace de son premier pas. Les suivants ont été couverts par le sable, balayés par les vents habituels - ce qui complique logiquement la quête : on ne les voit plus ou il n'en reste que des miettes : il faut les ramasser ces miettes, elles sont importances et nous éloignent de la vie privée ; d'où l'importance de s'être muni d'un ramasse-miettes, disons d'une ramassoire, au pire d'une ramassette ; un cerveau en état de marche fera l'affaire pour peu qu'il soit appareillé avec l'âme adéquate. Elle, l'objectivité, elle est partie. Bue par l'immensité. C'est qu'elle habite un autre pays, qu'elle s'est façonnée à force d'obstination, sans doute par pudeur (car son incartade la consume de pudeur), un lieu d'écart. C'est juste derrière la ligne d'horizon que cela se situe (c'est une image, en vrai c'est partout), là où l'oeil commun dépérit sous les rais du soleil.
On l'a donc compris : il faudra changer de regard.
Sinon on part à l'aveuglette, et ce n'est pas la bonne aveuglette, on avance à tâtons, on s'empêtre les pieds. Et bientôt, toujours plus tôt que prévu, on a soif. Le gosier sec comme un coup de trique, on se ride à vue d'oeil, traçant sur le sable des cercles de faible amplitude auxquels répondent, plus haut, ceux des vautours qui s'agglutinent et tournoient, et plus haut encore ceux de l'astre solaire, qui dessinent le temps au moyen de l'espace - mais c'est une même mort peu regardante qui accourt au banquet.
Lorsqu'on réalise enfin son erreur, il est déjà trop tard, on est déjà trop vieux, on a un peu trop soif.
Dans l'idée naïve de se remettre le coeur au ventre, on pose un genou à terre. C'était désespéré : voilà le genou ensablé. Suite à quoi on se débat, on trépigne comme un enfant contrarié, on s'invective et on s'opiniâtre, on hurle à voix basse, on s'invente des dernières volontés que nulle voix n'entendra, on convoque les images marquantes de sa vie, les instants de bonheur... qui ne viennent pas ; à défaut les grands malheurs, qui ne viennent pas non plus : rien, il n'y a rien.
A la fin, par dépit autant que caprice, on s'amende - en vrac - , on fait oraison, on invoque les noms dont on se souvient, on se recommande au prône et à la sainte Vierge, on tente de s'étrangler avec sa cravate, de s'ouvrir les veines avec sa boucle de ceinture, de se faire le coup du lapin en rejetant violemment (mais quel maniérisme !) la tête en arrière. On a peur , on se compisse (et quel gâchis !) Bref, on sait que tout est perdu, on soupire, on expire, on pense à ceux qu'on n'a pas su aimer (c'est facile ça), on attend un miracle en improvisant une danse de la pluie - "Io io io !" -, dite "danse de la génisse", en s'injuriant de ne pas bien en connaître les pas. De toute façon, on ne la finira pas cette danse. Car les vautours en profitent et vous rongent les foies après vous avoir crevé les yeux. Passons les détails. Qui ne pressent combien ce sort est peu enviable ?
Oui mais : le changement de regard est en cours. L'objectivité est passée par-là, il faut la pister, le et la vouloir.
A ce stade, les rescapés doivent être méthodiques : d'abord se dépouiller de soi-même, à poil sans honte. Contempler un moment l'étendue, s'en étourdir juste ce qu'il faut. Puis s'élancer, fracasser les premières certitudes et les attaches auxquelles on s'est enjugué depuis des années ; balafrer les ripple-marks. Au premier oasis, rompre les chiens et virer à gauche, mais sans cesser d'aller droit - rien n'est plus près de l'âme dépouillée des fatras que cet horizon-là, dans cette direction-là. Enfin volter. Et voir.
Oui, elle était là, avec nous depuis notre premier pas, depuis le recommencement. L'objectivité. Faut-il lui faire décliner son identité ? Elle ne comprend pas l'identique (différence d'avec les subjectivités à la si grande sororie, toutes si semblables, dénuées de la plus grande part de l'importance qu'elles se donnent).
L'objectivité. Et comment ne pas la reconnaître à ses airs timides, ses airs d'inachevé, de création à continuer, presque gênée de devenir ce qu'elle est, avec dans l'oeil cette remarquable terreur d'avoir été dénichée, cette même incompréhension pétrifiée face à sa découverte : que son labeur, sa sueur, son bonheur intranquille, sa création, ne valaient rien par eux-mêmes, ou pas grand-chose. Qu'elle avait besoin, impérieusement, d'un autre regard pour réfracter son regard, et pour s'inachever.
Ah bah tiens, comme par hasard : elle avait besoin de nous cette garce. Ca valait le coup de se planquer, pas vrai ? Mais voltons derechef, ce sera la dernière acrobatie. Pour voir qu'elle avait bon dos et qu'elle le sait, quand dans son dos, entre son ombre et sa personne (réification passagère), dans l'interstice bien sûr, se tenait l'homme, le puîné, cet autre un peu gauche et timide, comme le cousin Ramsès découvrant la ville et ses lumières. Le puîné. Debout à la croisée des déserts, et non de l'océan primaire ; de la terre, la rigide et le roseau. L'un des nôtres, nous, quand le temps aura été remonté à l'envers, quand le clapet des actuelles Cassandre sera éteint. L'un des nôtres ou nous, quand nous nous serons débarrassés de l'écale ratatinée qui nous faisait paraître et pour qui nous nous prenions, quand nous aurons abdiqué nos petits pouvoirs.
Bien sûr, on peut remettre ça à demain, laisser couler quelques topics purement subjectifs, tellement indiscutables. FautVouloir.
Tout ça, je crois que c'est clair (???)
* Les théories de petits insatisfaits et "diagonaleurs" de l'extrême passeront toujours, et c'est rassurant justement : qu'ils passent, ils iront loin. Mais raaaaa, c'est si bon