Roman d'une Caernite immigrée

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Le lendemain, j’allais effectivement dans le quartier des temples. Les principales divinités y étaient représentées.
Tous étaient somptueux à leur manière. Certains dans le luxe et l’ornementation, d’autres dans la simplicité et la sobriété
Je n’osais pas entrer ailleurs que dans celui de Caldéric.
Je me recueillais un long moment , laissant mon esprit vagabonder dans des souvenirs heureux. La paix et la sérénité du lieu agissaient sur mon âme comme un baume apaisant. D’autres fidèles allaient et venaient autour de moi, se mettaient en prière un instant et repartaient, les épaules plus droites, comme soulagés d’un fardeau.
Dans ce temple, j’avais l’impression d’être en paix, mais il me manquait quelque chose, comme si aimer Caldéric ne suffisait pas à remplir mon esprit. Je me demandais quand la conscience du Dieu que je devais vénérer arriverait. Peut-être devrais-je entrer dans les autres temples, la réponse me serait donnée.
Je me levais à regret du banc ou j’étais assise et me dirigeais vers la sortie.
Le soleil de la rue m’éblouit, et je ms un moment à habituer mes yeux, si longtemps que je finis par m’inquiéter. Des myriades d’étoiles dansaient devant moi, brouillant ma vue. Je me frottais les paupières, mais rien n’y fit. Je sentis contre moi, le frôlement de Feu-Follet que mon état inquiétait. Je m’assit sur les marches tentant de fixer le sol pour ne pas avoir le soleil en face, mais j’étais toujours dans cette lumière qui m’aveuglait. Je mis la main sur le loup gris, il comprit et me guida vers Salto. J’espérais que Salto se souviendrait du chemin de notre auberge. Et, dans une panique grandissante, je sentis mon cheval avancer.
Le chemin me parut particulièrement long, je tentais de guider Salto de la voix, mais je n’avais aucune idée de l’endroit ou il m’emmenait. des remugles de caniveaux et d’humidité m’indiquèrent que nous étions sans doute dans les quartiers les plus pauvres. Salto ne m’emmenait pas du tout ou je voulais. A coté de moi, j’entendais Feu-Follet grogner sourdement. A tâtons, je sortis de mon sac mon orbe de lumière perpétuelle et me la mit devant les yeux, rien ne changea. J’étais cette fois ci complètement affolée. J’entendais, autour de moi, la vie de la rue, des filles qui s’interpellaient, des hommes qui s’insultaient. Puis, tout à coup, plus rien, un grand silence, plus un chant d’oiseau ni même une respiration humaine. Une odeur que je n’arrivais pas à identifier heurta mes narines. Une odeur agressive, désagréable, douceâtre.
Salto s’arrêta, je n’osais descendre de peur de tomber, de plus, j’étais peut-être plus en sécurité à cheval. Je ne savais pas dans quel coupe-gorge je pouvais me trouver et Feu-Follet grognait de plus en plus fort. Tout à coup, mon loup poussa un gémissement de douleur. Je saisis mon épée et je menaçais l’adversaire invisible. Rien, rien, personne ne me répondit. Je descendis prudemment de ma monture et tendais la main pour appeler le loup. Il vint vers moi et me lécha les doigts. J’étais encore dans une rue pavée, je le sentais sous les semelles fines de mes chaussures. Faisant appel à toutes ma volontés, je commençais, les bras en avant, a explorer l’endroit. De chaque coté d’une rue qui me parut très étroites, des murs, suintant d’humidité et à ce qu’il me semblait, couverts de lézardes et de lichen par endroits. J’avais beau chercher, je ne sentis aucune porte ni fenêtres sous mes doigts prudents. J’avançais un peu et tout à coup, je sentis sous mes mains la pierre étonnement lisse d’un bâtiment. Lisse, comme si je touchais du marbre, et chose étrange, cette pierre était glaciale, comme un mur de glace. Je me raisonnais, ce ne pouvait pas être un mur de glace à cette saison. Tout à coup, j’entendis les cloches annonçant le vent, mais, horreur, elle semblait venir de l’endroit même ou je me tenais, elle se mirent à résonner tellement fort qu’il me semblait qu’elle carillonnaient à toutes volées a l’intérieur de ma tête. Je me pris la tête entre les mains, terrifiée. Puis, le vent se leva, puissant, fort, impétueux, je sus à cet instant qu’il prenait sa source ici, à l’endroit même ou j’étais, je me sentis soulever du sol, j’entendis le hurlement et le hennissement de terreur de mes animaux. Moi même, je me mis a crier, le vent me soulevait de plus en plus haut, comme si je n’étais qu’un fétu de paille. Je savais qu’il ne durait pas longtemps, j’allais m écraser au sol. Je tentais d’incanter quelque chose, afin de contrôler ma lévitation. Mais le vent, hurlant dans mes oreilles me déconcentrait totalement.
. Ma tête tapa violemment contre la paroi, je fus sonnée mais l’affreuse lumière était encore devant mes yeux. Feu-Follet hurlait désespérément en dessous de moi. J’eus la présence d’esprit de crier le nom d’Osgard en espérant que le loup comprendrait. Puis, ce fut le noir, oh, je ne m’évanouis pas, non, mais la lumière de mes yeux disparus, me laissant dans des ténèbres bien plus angoissants. Je sentais à présent que mon corps flottait, je n’entendais plus le bruit du vent, je n’entendais plus rien d’ailleurs. Avec lenteur, je me déplaçais, la température changea, dans l’endroit ou j’étais, il faisait encore plus froid. L’odeur écoeurante était plus présente encore, et je portais ma main à ma bouche, prise d’un haut le cœur.
Tout à coup, je sentis le sol sous mes pieds, un sol irrégulier, je ne savais pas sur quoi j’étais. je n’osais pas bouger. Puis, les ténèbres se déchirèrent d’un coup, pour faire place à une lueur rouge. J’osais regarder autour de moi J’étais dans une salle petite, tout autour, des brandons diffusait une lumière rouge. Je sentais la magie partout en ce lieu. Au fond, un autel, rouge et noir avec de curieux symbole Au pied de l’autel, des fleurs fanés. Je levais les yeux et ma respiration se coupa. J’avais devant moi le même tableau que dans la petite chapelle ou vivait mon vieux sage. Le même cadre, la même taille, le même paysage en fond de toile. Mais l’homme…je tombais à genoux. L’homme avait exactement les mêmes proportions, les mêmes vêtements que Calderic… mais son visage…j’en frémit encore maintenant, dés que je tente de me le remémorer, son visage était celui de Caldéric, mais là ou le grand Dieu respirait la paix, celui ci respirait la haine, là ou on croyait trouer la sérénité, on trouvait le vice, la ou l’on cherchait la joie, on trouvait le malheur, la méchanceté, le désir malsain.. Et ce visage souriait, et dans ces lèvres grimaçantes on voyait le plaisir de faire le mal, de provoquer la souffrance dans un rictus de jouissance insupportable.
Salmador …
Et dans un sanglot de dégoûts que je ne pus contenir, je sus que si l’on m’avait amené la, c’était peut-être le signe que j’attendais. Je devais sans doute vénérer cette chose. Je me mis a vomir, sans pouvoir m’arrêter.


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Je vais pas vite, mais j'aborde un passage important. désolée pour le suspens (si y'en a qui lisent encore)

Béné
Je décidais de sortir de cet endroit, mais je ne voyais de portes nul part. Magnus m’avait parlé de sorts de qui permettaient de sortir d’un lieu clos, j’en avais vu la description dans les livres de ma mère mais je n’avais pas assez de puissance magique pour les apprendre.
Je me mis a appeler, quelle dérision, j’entendis les pleurs de Feu-Follet à l’extérieur, je crus même l’entendre gratter la paroi. Bien, j’étais donc encore à l’intérieur, ou du moins, près de la ville. Je devais me calmer, les battements désordonnés de mon cœur m’empêchait de réfléchir. Mais réfléchir à quoi ? Aucune issue ne se présentait à moi. A tout hasard je me dirigeais vers l’autel en évitant de regarder le tableau, je tentais de voir s’il n’y avait pas un escalier, quelque chose qui aurait pu descendre dans le sol, je poussais l’autel, en vain. Le casser par des jets de pierres magiques ? Je pouvais toujours essayer, mais la pierre semblait dure et je risquais de m’épuiser.
Je m’assit sur les pierres disjointes du sol et me pris la tête entre les mains. Je ne sais combien de temps je restais comme ca, mais lorsque j’entendis la voix d’Osgard m’appeler je crut défaillir. J’écoutais avec attention et me dirigeais au son de sa voix. Je me mis à l’appeler à mon tour. Je tentais de lui expliquer, ma les murs étaient épais et je ne savais pas s’il comprenais ce que je lui disais. A un moment, je crus entendre les mots « magicien » et la phrase : « ne t’inquiète pas ». puis, plus rien, je retombais dans ma solitude et mon angoisse.
Je me laissais tomber le dos contre l’autel, je refusais de penser à ce qui m’arrivait. je refusais de me dire que le destin me faisait un signe aussi affreux. Certes, je n’étais pas parfaite, loin de là, mais je ne pouvais me résoudre à me dire que je devais passer du coté du mal absolu. Je ne savais pas pourquoi Salmador m’avait choisi, je n’étais qu’une petite sorcière bien faible et qui détestais par dessus tout l’injustice. Comment pourrais-je, dans ces conditions faire le mal. J’essayais de regarder le tableau immonde, ces traits, affreux et malsains. Je n’imaginais même pas quel genre de personne pouvait lui vouer un culte. Alors moi…
Je sentis soudain que quelque chose changeait. Quelque chose de difficile à expliquer, une sorte de distorsion de l’air, comme les vagues de chaleur que l’on voit sur les routes couvertes de poussière en été. Je me blottit, en boule derrière l’autel, consciente d’un danger.
Sans prévenir d’un quelconque bruit, a part peut-être avais-je eu conscience d’une lumière un peu plus forte, j’entendis des voix.2 voix d’hommes et une voix de femme. Les deux hommes parlaient calmement, mais la femme était en colère.
« - Elle sait tu penses à présent ? dit le premier homme
- Oui, normalement oui, elle doit être là même.
- Ou est –elle ? persifla la femme.
- Derrière l’autel, mais laisse la.
- Non, je veux la voir, je veux savoir pourquoi c’est elle qui a été choisie.
- Salny, je t’ai dit de la laisser, je sens sa présence, elle est là, elle est en train de prendre conscience de son destin, de sa chance immense. »
La voix de l’homme se fit douce
« - Je sais que tu es là petite fille, n’ais pas peur. Tu as rejoins notre communauté, sois en fière. Nous viendrons te chercher bientôt. En attendant, regarde le visage de ton Seigneur. »
La femme gronda sourdement.
« - Je suis digne moi, pourquoi prendre cette inconnue ?
- Le Maître décide Salny, pas toi ! Calme toi, allons nous en, elle sait maintenant, c’est l’essentiel. »
Je sentis leur présence disparaître. La peur m’avait cloué là ou j’étais, je n’avais pas vu leur visage, mais j’étais fixée maintenant. Je me mis à pleurer, anéantie.
Je voyais défiler devant moi des images horribles de meurtres et de guerres, j’eus de nouveau l’horrible vision que j’avais eu chez Magnus, ces femmes qui pleuraient, ces enfants qui fuyaient, ces hommes qui souffraient et se battaient contre des ennemis que je ne distinguais pas… Et moi, au milieu, les bras levés, moi, sans doute responsable de cette calamités. Je me mis a taper du poing sur le sol, à crier a me taper la tête contre la pierre dure et froide de l’autel, je voulais mourir, me détruire, m’anéantir. Je commençais à incanter le sort de nécromancie que j’avais utilisé pour Clarisse, j’allais me tuer, me vider grâce à cette magie qui risquait de faire tant de mal.
Je ne sentais déjà plus rien, je répétais machinalement le sort, je n’avais plus rien à perdre, j’étais bien décidée à épuiser mes dernières forces et à mourir sous le visage haï de celui que je ne voulais pas servir.
Je sentis à peine une main aux doigts durs me saisir l’épaule, une douleur fulgurante me traversa le bras me faisant hurler et rompre mon sort. Je levais les yeux, déjà emplis des brumes d’une mort bienveillante et aperçu le visage maigre, ascétique d’une extraordinaire dureté, avec un regard gris, presque blanc, accusateur, d’un homme d’une cinquantaine d’année, habillé d’une tunique noire ou brillait d’étrange signes cabalistiques lumineux. Je baissais instinctivement la tête, brisée sous la volonté implacable de l’homme. Il me parla pourtant d’une voix étonnement douce, apaisante. Il me prit la main, m’aida à me lever et me soutint. Puis il planta son regard dans le mien.
« - Ecoute moi bien Sariel, je ne me répéterais pas et je dois te sortir d’ici, vite. Tu ne dois parler qu’à moi, tu entends bien, qu’à moi de ce qui s’est passé ici. Je dirais un mensonge à ton ami que je te rapporterais. D’ici là, silence ! Suis-je clair ? »
Je hochais la tête, soumise.
« - Maintenant, appuie toi sur moi , utilise ce qu’il te reste de force pour te concentrer et essayer de répéter ce que je dis. Attention, si tu n’y arrives pas, tu atteindras ton but, et tu risques de mourir, coincée ici pour toujours ! »
Incapable d’un geste, je répétais les phrases que j’entendais, sans les comprendre. J’eus l’impression que mon corps se disloquait, mais j’étais au delà de la douleur et la main de l’homme qui me tenait était comme un morceau de bois dans l’océan auquel je m’accrochais dans le naufrage que venait de subir ma vie.
Je tombais brutalement dans une rue, je sentis deux pattes se poser sur moi et le gémissement inquiet de mon compagnon à quatre pattes. On m’engouffra dans une sorte de carrosse, je n’eus le temps de rien voir, a coté de moi, silencieux, l’homme à la tunique noir et Osgard.
Le véhicule roulait vite et curieusement, je n’entendais pas les habituelles protestations autour de nous.
On me descendit, plus morte que vive, j’avais à peine la force d’ouvrir les yeux, je sentis qu’on me portait, qu’on montait des marches, beaucoup de marches. J’eus la sensation que l’on me couchait sur un lit. L’homme donna deux ou trois ordres d’une voix ferme, il chassa tout le monde, y compris le marchand dont j’entendis les protestations indignées. Feu-Follet refusa de me quitter, il grogna violemment et je le sentis se coucher près de moi. On me souleva la tête et je dus avaler un liquide très amer. Puis, on me déshabilla et quelqu’un, je ne sais qui, frictionna pendant longtemps mon corps entier d’un onguent qui me brûlait. Je voulais protester mais j’en étais incapable. A la fin de ce massage brutal, je me mis à frissonner et je me couvris d’une sueur glacée. Je claquais des dents, tout mon être se mit à trembler sans que je ne puisse rien y faire, puis je fus prise de convulsions. On recommença le massage, je tendais inutilement les bras pour chasser mon tortionnaire invisible.
Je sentais des filets de bave me couler le long de la bouche et du coup, je hoquetais, vomissant de la bile.
Dans mon délire, je m’entendais de loin prononcer le nom de Caldéric, le suppliant parfois de me sauver, parfois de me laisser mourir. J’avais froid, j’avais chaud, je n’étais plus que douleur, je tentais d’ouvrir les yeux, de parler, d’injurier la personne qui, pourtant, me soignait. J’alternais sommeil et veille, je sentais en moi deux forces qui luttaient, et j’appelais la mort.
Lorsque je pus ouvrir les yeux, l’homme aux yeux clairs veillait à coté de moi. Nous étions seuls dans une chambre minuscule ou brûlait un feu d’enfer. Il avait les yeux cernés, il n’avait pas du dormir depuis longtemps déjà. La douleur me quittait petit à petit, et le soulagement physique ne calmait pas mes tourments intérieurs.
Alors, je décidais de tout lui dire. Je ne savais pas qui étais cet homme, ni ou j’étais, peut-être même était-ce l’un des adorateurs de Salmador. Peu m’importait, j’allais étouffer si je gardais ce secret.
A la fin de ma confession, il me regarda longuement, je tentais de déchiffrer du dégout, de la peur ou de la haine dans ses yeux, mais je ne vis rien de tout cela, juste une immense tristesse.
« - Ainsi Salmador t’as choisi. Nul ne peut pénétrer en ce temple, personne ou presque n’en connais l’existence, c’est un signe indubitable de son choix que tu te soit retrouvé la.
- Mais vous, qui êtes vous, vous y êtes bien rentré pourtant ?
- En effet, j’y suis entré. J’ai la faculté de pouvoir me transporter magiquement dans n’importe quel lieu ou je suis déjà allé une fois. Je suis, pour mon malheur, déjà rentré en ces lieux, j’y ai perdu la vue. »
Je poussais un cri de surprise.
« - Mais qui êtes vous, pourquoi m’avoir sauvé, j’ai l’impression d’être devenue une créature impure en ayant été choisie ?
- Je suis Ethéanan, le magicien de la cour royal. Je ne sais pas pourquoi Salmador t’as choisi, mais je compte bien le deviner. En attendant, si tu dois servir ces desseins, tu es une personne dangereuse petite magicienne, et vu comment tu résistes à ma magie, je sens que tu es sur la voie d’une puissance qui pourrait égaler les plus grands. Aussi, en attendant que j’en saches plus, considère toi comme ma prisonnière.
- Quoi ?
- Oui, je sais que tu es assez intelligente pour le comprendre. Pour l’instant, tu luttes contre ton destin, mais lorsque le Grand Sombre t’auras pervertie tu seras une ennemie mortelle pour nous tous, aussi, je trouverais le moyen, avec ou contre ton gré, de t’empêcher de nuire. Et si Sylies, déesse des magiciens nous entend peut-être pourrait elle, dans sa grande bonté, contrer les machinations de l’ennemi suprême en te soustrayant à son influence. Mais jusqu'à présent, aucun pervertis n’est revenu à la raison.
Je sais que Magnus fut ton maître, je vais le faire venir, a nous deux, nous pourrons peut-être faire quelque chose.
- Mais je refuse de devenir un sujet d’expérience, il fallait me laisser mourir.
- Non.
- Et pourquoi non ?
- Parce que Sylies m’a ordonné de te garder en vie ! »

Je ne comprenais plus rien. Salmador me voulait, Sylies aussi s’intéressait à moi. Mais par quel miracle pouvais-je avoir une importance quelconque aux yeux des Dieux. Non, je n’étais après tout que quelqu’un d’assez insignifiant, il devait y avoir une erreur. Mon cœur ne penchait pas vers le mal, et n’y pencherait jamais, Salmador s’était trompé de victime, quand a Sylies, je savais que les magiciens n’étaient pas très nombreux, peut-être s’inquiétait elle du sort de l’une d’entre eux. Allons…. Voilà que je prêtais des pensée et des sentiments humains aux Divinités, voilà que je plaçais ma petite personne au cœur des préoccupations divines… Il fallait que je me résonne, que je me réveille de ce cauchemar. En attendant, je m’endormis.
chapitre 10
Chapitre 10

Commença alors pour moi une vie morne et sans intérêt. J’étais assignée à résidence dans la petite chambre, une servante muette venait m’apporter à manger, et parfois, un de ces livres sentimentaux réservés aux femmes et qui m’ennuyait profondément. Ethéanan venait parfois, il me regardait longuement, regardait les lignes de ma main, me posait mille fois les mêmes question sur mon passé. Je savais qu’il faisait des recherches sur ma mère et mon père. Au point ou j’en étais, j’avais hâte de voir arriver Magnus. Même Osgard n’avait pas le droit de me visiter, et bien sur, tout courrier m’était interdit. A ce rythme là, me disais-je, ils allaient avoir raison de ma patience, la haine et la colère allait m’envahir et Salmador réussirait ses desseins.
Mais curieusement, je m’exhortais à la patience. Bientôt, les histoires d’amour des dames et des chevaliers n’eurent plus de secrets pour moi. On m’accorda une plume et du papier et je me mis à écrire des poèmes, de bien médiocres qualités, mais qui m’occupait.
Au bout de quelques jours j’eus la visite de Magnus. Je ne savais pas si j’étais heureuse de le voir, mais cela rompait au moins la monotonie de ma journée. Il ne fit aucun commentaire sur ma fuite. Il se contenta de m’inviter à le suivre d’un signe de tête. Je traversais de nombreux couloirs sombres et en mauvais état. Je savais que j’étais au palais, je devais être dans des dépendances ou dans les derniers étages. Au fond d’un couloir, une grande porte en fer. Magnus ouvrit la porte magiquement et je le suivis à l’intérieur d’une grande pièce sans fenêtre ni ornementation d’aucune sorte. Au dessus de nous, les solives de la charpente m’indiquaient que nous étions sous les toits. Une jeune fille, habillé sobrement arriva juste derrière nous. Elle m’ordonna de me déshabiller, Magnus c’était retourné ce qui me fit légèrement sourire. La fille se livra sur moi à un examen très gênant, elle inspecta chaque partie de mon corps, jusqu'à mon intimité. Elle sembla s’arrêter un peu plus longuement sur le bas de mon dos, puis elle appela Magnus. Celui ci se retourna de nouveau, et regarda ce qu’on lui désignait. Je l’entendis sortir quelque chose de sa poche, puis je sentis une piqûre à l’endroit ou ils regardait. Je poussais un léger cri et commençais à m’indigner quand il me dit de me rhabiller.
Ensuite, il se livra sur moi à toute sorte de sorts de protection et de détection que j’endurais sans broncher, je ne voulais surtout pas lui montrer que j’étais complètement affolée.
Ethéanan rentra dans la pièce et interrogea Magnus du regard.
« - Oui, il y a quelque chose, mais je ne sais pas encore quoi. »
Ethéanan hocha la tête. Je n’y tenais plus.
« - Pardon messieurs, dis-je en tentant de donner à ma voix une inflexion calme, puis-je savoir de quoi vous parlez ? »
Magnus me regarda de nouveau.
« - Il y a quelque chose qui m’intrigue sur toi Sariel, une sorte de signe que tu portes en bas du dos.
- Je n’ai aucun signe en bas du dos, je le saurais, c’est sans doute un grain de beauté.
- Non, je ne pense pas. Mais il faut que nous sachions de quoi il s’agit.
- Mais enfin Magnus, vous vous doutez bien qu’il s’agit d’une erreur, personne sans doute ne me connais mieux que vous.
- Salmador ne choisit jamais au hasard Sariel, sois patiente, nous comprendrons pourquoi il veut faire de toi sa disciple.
- Il ne peut tout de même pas agir contre ma volonté.
- Il peut tout s’il le veut, tu es encore fragile, malléable, tu es une proie idéale pour lui.
- Je ne suis ni fragile, ni malléable, et surtout, je sais ce que je veux et ce que je ne veux pas. Quand est-ce que je vais pouvoir sortir, voir Osgard, le rassurer, écrire à ma famille ?
- Ta famille ?
- Oui, mon frère !
- Tu as un frère Sariel, ta mère a eu un autre enfant ?
- Oui, et alors ?
- Je dois le voir, a t’il des pouvoirs comme toi ?
- Non, enfin, il a une force magique, mais aucun pouvoir, et puis je refuse de l’impliquer dans cette histoire. »
Magnus réfléchit un moment.
« - Bon, tu vas rester là encore un moment, le temps que je comprenne la marque dans ton dos, puis, nous verrons.
- Et ca va durer longtemps ?
- Je ne sais pas Sariel, penses-tu que cela m’amuse d’être ici au lieu d’être chez moi ? Donc, encore une fois patience ! «
De la patience, j’avais l’impression de ne plus en avoir… Et recommencèrent des jours interminables d’interrogations, d’examens, de détection, je n’en pouvais plus. De plus, de la chambre ou je me trouvais enfermée, je ne pouvais lancer de sorts. Impossible donc de me rendre invisible ou de défoncer la porte pour m’enfuir.
Une semaine après, Magnus et Ethéanan revinrent ensemble, ils avaient l’air sombre et je m’inquiétais.
« - Alors ? Cette tâche dans mon dos, ce grain de beauté, qu’est ce que c’est ?
- Un grain de beauté.
- Ce n’est rien alors, ni une marque, ni un signe ni rien ?
- Non, ce n’est rien.
- Avez vous trouvé autre chose ?
- Non, nous n’avons rien trouvé.
- Vous allez me relâcher alors ?
- Nous nous interrogeons la dessus.
- Vous ne pouvez me garder ici éternellement !
- Nous en sommes conscients Sariel, mais nous savons aussi que ce n’est pas un hasard si tu t’es retrouvé dans ce temple. Aussi, nous allons sans doute te libérer, et te garder sous surveillance dans cette ville. Nous te demandons de revenir vers nous si tu as la moindre pulsion mauvaise, ou si le Grand Sombre reprend contact avec toi. Attention, nous aurons toujours le moyen de savoir ou tu es, si tu cherches à nous tromper, ou si la perversion entre en toi et que tu ne te contrôle plus, tu seras mise à mort sans état d’âme de notre part.
- Mise à mort ?
- Oui, avant que ta puissance ne devienne telle que nous ne puissions plus rien faire !
- Ma puissance ? Mais vous avez toujours dit que j’étais une médiocre magicienne, vous déraisonnez complètement tous les deux. »
Les magiciens se regardèrent.
« - Tu ne sais pas qui tu es Sariel, et nous même avons du mal a le savoir, certaines zones de ta vie et certains de tes pouvoirs échappent à notre contrôle. Tu es fille de la nature et de la magie, et en cela, tu possède des atouts que peu de magiciens possèdent. Nous sommes certains que tu vas encore évoluer, développer les arts sacrés de la magie. Liés a ceux de la nature, ils deviennent parfois redoutables.
- Il suffit que j’arrête d’apprendre et de m’entraîner non ?
- Non, ce n’est pas si simple que cela. La puissance est en toi et grandira avec toi quoi que tu fasses et quoi que tu veuilles, c’est pour cela que nous devons te surveiller, tu ne sais pas toi même de quoi tu es capable.
- Bon, surveillez moi si vous voulez, mais laissez moi sortir d’ici ! »

Ils repartirent sans fermer la porte.
Je sortis prudemment et cherchais un escalier pour descendre. Bientôt j’en trouvais un que j’imaginais être un escalier de service. Je descendis de nombreux étages et je me retrouvais effectivement dans une sorte d’immense dépenses ou était entassés bocaux et conserves diverses. Je sortis de cette pièce pour me retrouver dans la cuisine. Et quelle cuisine ! Gigantesque, avec deux cheminées, une table qui faisait des mètres de long et tout autour, une myriade de gens qui s’affairaient. De délicieuses odeurs sortaient de sous des couvercles de marmites disposées sur des poêles. Je regardais tout ca, quand on me mit entre les bras un seau rempli de salade.
« - Dépêche toi ma fille au lieu de bailler aux corneilles, lave moi ça. »
Je déposais le seau de salade par terre et tentais de trouver une sortie. J’ouvris une grande porte et m’engageais dans un couloir. Beaucoup de gens avec des plats allaient et venaient. Je suivis le couloir et me retrouvais devant une autre porte, matelassée celle là. Je l’ouvris, elle donnait sur une sorte de corridor ou il n’y avait que des issues. Incertaine, j’en pris une au hasard.
J’entrais, en regardant derrière moi pour voir si je n’étais pas suivi par un valet et je fermais soigneusement la porte. Je sentis avant de voir que des yeux étaient braqués sur moi. J’étais dans une pièce magnifique, toute tendue de satin jaune et noir ;Les meubles qui l’ornait était de la marqueterie la plus fine et au mur, des cadres illustraient des scènes de chasses. Au fond, une table dont toutes les chaises me faisaient faces. Un homme de très belle stature et qui devait avoir cinquante ans était assis au centre et me regardait avec des yeux ronds. De part et d’autres de lui, une très jolie femme, à sa droite, et à sa gauche, un prêtre. Derrière eux des valets la cuillère en l’air m’observaient aussi.
Je fus immédiatement entourés de deux gardes qui me menaçaient, l’un d’eux me jeta violemment au sol.
« - On s’incline devant le Roy ! »
A genoux, je n’osais lever la tête. Je bredouillais quelques excuses et je sentis que l’on m’aidait à me relever. J’entendis un rire. Ma mine éberluée devait, en effet, être comique. La Reine, puisque c’était elle me regardait les yeux rieurs.
« - Qui es-tu jeune fille ?
- Je suis Sariel Danaê madame.
- On dit votre majesté à la reine. Dit un garde en me poussant.
- Oh pardon votre majesté, je suis confuse… je… je…
- Tu es bien jolie dans ta confusion jeune fille, d’ou viens tu ainsi ?
- De la haut ! Enfin… d’une chambre du haut…
- Tu es une nouvelle chambrière et tu t’es perdue, c’est cela ? ce palais est si vaste .
- Non, pas du tout… je suis… je suis… heu…la… disciple d’Ethéanan.
- Tiens, il ne nous en a rien dit, n’est ce pas mon Roy ? Une jeune fille en plus, voilà qui est étonnant. Il pourrait te vêtir mieux que ça. Valet, faites appeler Ethéanan qu’il nous explique ce mystère. En attendant, faites conduire cette jeune fille dans la grande Garde-robe, et trouver lui des habits corrects. »
Le Roi n’avait rien dit, mais je sentais bien qu’il était sceptique. Quand au prêtre, il me jetait des regards furibonds.
Pendant que je suivais le valet, je me disais qu’Ethéanan allait être furieux, à juste titre, et je craignais de rejoindre plus vite que prévu, la petite chambre qui me servait de prison.
Une servante m’accueillit et me choisit un vêtement. Je protestais quand elle voulu me mettre un corset, mais elle m’affirma qu’on ne restait pas à la cour sans un corset. A moitié étouffée, elle m’engonça ensuite dans une robe, probablement à la mode, mais où je n’avais aucune liberté de mouvements. Je ne pouvais ni respirer, ni bouger, mais elle me regarda et eut l’air ravie du résultat .
« - Bien, vous voilà enfin avec de l’allure. Votre coiffure maintenant ! «
Elle se mit à me tirer les cheveux en tout sens, à me piquer des aiguilles dans le crâne jusqu'à ce qu’elle obtienne sur ma tête un échafaudage compliqué qui me faisait ressembler à une grosse plante montée en graine.
Ma vue dans le miroir me fit pouffer de rire. J’étais absolument ridicule, j’imaginais la tête que ferait mes amis de Tinville en me voyant ainsi. Elle m’aspergea finalement d’un parfum qui me fit éternuer et me donna un solide mal de tête pour le reste de la journée.
Puis, elle me poussa dehors ou un autre valet m’attendait. J’avais du mal à marcher, étant grimpé sur des talons pour la première fois de ma vie, et je trébuchais deux ou trois fois sur le chemin . Je finis par discrètement les laisser dans un pot de fleurs, la longueur de la robe cachant mes pieds.
L’on m’emmena dans une petite salle, assez sobre, qui devait être un cabinet de travail. Là, se trouvait la reine, le roi et Ethéanan. Tout trois abordaient un visage fermés. Je tentais une révérence qui fut une catastrophe. Je manquais de tomber le nez par terre et me redressais, rouge comme une pivoine. La reine souriait encore, j’appréciais assez peu qu’elle se moque de moi à chaque fois qu’elle me voyait. Ethéanan prit la parole.
« - Majestés, je vous présente Sariel Danaë, ma disciple, une jeune magicienne maladroite, mais qui à de l’avenir. Elle est, comme moi, entièrement à votre service et veillera à satisfaire vos moindres volontés. »
Le Roi et la reine me firent un signe de tête auxquels je ne répondit pas tellement j’étais stupéfaite.
« - Bienvenue parmi nous Sariel, dit la reine, nous avons toute confiance en Ethéanan et ne doutons pas de vos qualités. Je suis heureuse de voir que l’on vous a habillé, ces vêtements vous font à ravir. »
Je frémis d’horreur et ébauchait un sourire contraint. Les yeux d’Ethéanan pétillaient, le Roi était franchement hilare. Lorsqu’il parla, pour la première fois devant moi, un frisson me parcouru l’échine tellement sa voix était chargé de douceur et de sagesse.
« - Vous nous ramènerez cette jeune femme, je pense qu’elle n’a pas fini de nous distraire
- Bien majesté. S’inclina le magicien. »
Et encore une fois, je ne put me retenir, je me serais frappée
« - Si vos majestés permettent, je serais ravis de les distraire, mais je tiens à signaler que je ne suis pas un singe savant.
- Sariel ! gronda la mage.
- Laissez, elle à raison, cette jeune personne à du caractère, mais formez la aux usages de la cour, ça lui évitera des désagréments. »
Et je fus formées aux usages de la cour. Se tenir droite, ne pas répondre n’importe quoi, apprendre la hiérarchie de la noblesse, se tenir à table, ne pas faire de bruit en mangeant, faire la révérence….
Dés que j’avais une minute, je m’échappais pour voir Osgard. Il faut dire, qu’au château je n’étais pas bien vue. Outre qu’on me savait magicienne, la présence constante de mon loup à mes cotés effrayait tout le monde. De plus, je marchais pied nu et des mèches de cheveux s’échappaient toujours des invraisemblables coiffures que l’on me faisait porter. Je savais que derrière mon dos on m’appelait la sauvageonne ou la sorcière. Et lorsque ces dames s’avisaient de me jeter des regards par trop méprisants, un petit sort de maladresse les faisait se retrouver le derrière par terre. J’avais de plus en plus d’ennemis, mais j’avais une grande compensation. Ethéanan me faisait participer à ses travaux sur les plantes, les onguents, les filtres et les potions et je ne me lassais pas d’apprendre.
Parfois je tentais d’aller prier, Caldéric continuait à m’apporter une sorte de paix, mais je n’avais plus la sérénité. J’allais au sanctuaire de Sylies aussi, puisqu’elle semblait lier à mon destin, mais je ne ressentais rien devant cette magnifique femme à la beauté suprême et glaciale.
Osgard du repartir vers les foires, il ne pouvait prolonger plus longtemps son séjour. Je sais qu’il ne comprit pas pourquoi je ne l’accompagnais pas, mais je ne lui avais rien dit de mon secret et je ne voulais surtout pas devenir un danger pour les gens que j’aimais.
Je restais donc au château et je m’habituais petit à petit à la vie de la cour sans pour autant m’y faire vraiment.
J’apprit que la fête du printemps se fêtait aussi ici. Il semblait qu’en juin, pour cette fête du renouveau de l’été de la fin du printemps tout le royaume était en liesse. Il y aurait bal et je devais y participer. J’imaginais déjà les robes serrées, les odeurs étouffantes et les bijoux trop voyants. Moi je n’avais qu’une envie, rejoindre les paysans des alentours et sauter par dessus les feux, rire, dans une tunique large et ou je serais à l’aise, manger avec les doigts et danser jusqu'à l’aurore.
Je demandais à Ethéanan la permission, mais il refusa. Ce jour là, les instincts se déchaînaient, et si les adeptes de Salmador devaient agir, ils le feraient un jour comme celui là. Je devais rester ici, venir au bal ou il pourrait me surveiller et m’empêcher de nuire au cas ou.
Je regardais, pendant les jours précédents la fête, les femmes discuter à n’en plus finir de leur toilettes, les jeunes filles rougir en se murmurant des secrets et les hommes se rengorger de leurs conquêtes a venir.
Je soupirais, j’avais déjà vécu ça, et les souvenirs qui me revenaient me remplissaient à la fois de rage et de nostalgie.
Je décidais de manifester contre ce que je considérais comme une mascarade en laissant mes cheveux libre et en portant une robe blanche, très simple, juste serrée à la taille par une ceinture tressée d’argent, cadeau d’Osgard. Chez les druides on fêtait la venue de l’été et la gloire de l’astre solaire en blanc pour rendre hommage à sa lumière et a sa chaleur. Je mis autour de mon cou le rubis magnifique, d’Osgard encore, mais dont on ne voyait que la chaîne, en grosse mailles d’argent, le joyau se nichant au creux de mes seins dont mon décolleté laissait juste deviner la naissance. J’enfilais de simples sandales de cuir dont le laçage remontait jusqu’au mollet. En m’observant dans une glace, luxe courant au château, je remarquais que j’avais un peu grossi, conséquence de mon manque d’activités. Cela m’allait bien, mais je me préférais plus maigre, symbole de ma liberté et de mes courses dans la nature.
Le soir, j’eus toute les peines du monde à laisser feu-Follet à Jilby, jeune garçon de cuisine dont je m’étais fait un ami. Je ne pouvais emmener mon loup au bal, il y aurait beaucoup d’invités et il risquait de provoquer des mouvements de paniques, et, plus grave, de se faire marcher dessus par la foule.
Ethéanan fronça les sourcils lorsqu’il me vit apparaître, mais il ne dit rien, je pense qu’il me préférait ainsi. Il me tendit son bras, je lui souris et nous nous dirigeâmes vers la salle de réception.
Je fus, malgré ma mauvaise humeur, éblouie par l’agencement de la salle. Ce qui semblait être des milliers de bougies brûlaient, pendues à des lustres ou accrochées au mur. Un savant jeu de miroir renvoyait la lumière et les bijoux des femmes jetaient des éclats éblouissants répétés à l’infini. La foule était dense déjà, et de nombreux regards désapprobateurs me suivirent. Toujours au bras d’Ethéanan, nous avons rejoins des banquettes installées près des deux trônes réservés aux souverains.
Les conseillers étaient là, sagement alignés, puis tout le monde se leva à l’entrée du Roy Boniface le second et de sa femme Elianor. Les dames et les hommes plongèrent dans de profondes révérences. Derrière, tels des angelots charmants, suivaient les deux petites princesses, Elia et Sonia âgées de 4 et 8 ans.
La musique commença. J’avais rarement l’occasion d’en entendre et je fus charmée. J’acceptais un verre que me tendis un valet et commençais à observer la salle. Au bout d’un moment, j’avais détaillé toutes les tenues, et je m’ennuyais. Un ou deux hommes m’invitèrent à danser, mais je déclinais leur invitation, j’étais incapable de danser les ballets compliqués qui se déroulaient sous mes yeux.
Je me mit à une fenêtre pour regarder au dehors. Je vis, partout dans la campagne environnante des feux allumés. N’y tenant plus, je regardais autour de moi. Ethéanan était en grande conversation avec un homme. Il serait toujours temps d’affronter sa colère demain. Le plus naturellement possible, je me dirigeais vers la sortie de la salle et aussitôt dehors, je pris mes jambes à mon cou pour sortir du château. Je passais en cuisine récupérer Feu-Follet, je pris Jilby par le bras et l’entraînais au dehors.
Déjà, dans la grande cour, il y avait fête. Les restes de l’immense buffet du bal arrivaient et le personnel s’amusait au son de la musique qui sortait par les fenêtres, un grand feu brûlait.
Je savais que dans cette cour, construite par un architecte de génie, nous étions protégés des vents. Je décidais de rester là et commençais à danser, à chanter, a rire, à m’amuser comme je ne l’avais pas fait depuis longtemps.
Des farandoles s’organisèrent, des rondes aussi. Des hommes montraient leur adresse en jonglerie, les femmes rivalisaient de contorsions sensuelles lors de danses lascives. Je me laissais emporter par l’atmosphère, la chaleur, la joie. J’avais bien sur quitté mes sandales et mes cheveux, emmêlés , me tombaient sur les yeux.
Je guidais une farandole à l’aveuglette en poussant de grands cris de joies lorsque je butais sur une masse. Il me sembla soudain qu’autour de moi le silence se faisait. Je passais mes mains dans mes cheveux pour voir ce qui se passait. Je dus lever les yeux. Tout à mes jeux, j’avais foncé sur un homme. Il me dépassait largement d’une tête et avait la corpulence d’un homme habitué à l’usage des armes. Il était vêtu somptueusement d’une tenue du lin le plus fin dans les tons blancs et argenté. Une cape noire tranchait sur ses couleurs leur donnant du relief. Il devait avoir quarante ans, un visage aux traits mâles, à la mâchoire carrée, et au front haut. Ses cheveux, entièrement blanc était négligemment noué par un lien de cuir et retombait jusqu’en bas de son dos.
Il avait des yeux incroyablement bleus avec lesquelles il me fixait.
J’eus un frisson au creux du ventre.
« - Pardon messire, je ne vous avait pas vu.
- Ce n’est rien, je me rends au bal et suis en retard, j’allais vite et n’ai pas fait attention non plus.
- Savez vous ou se trouve la salle de réception ?
- Non, mais tu pourrais m’y conduire.
- Oh ! Heu… et bien… Bien sur messire. »

Je précédais l’homme dans le dédale des couloirs, lorsque je me retournais pour voir s’il suivait, je remarquais qu’il avait un sourire aux lèvres lorsqu’il regardait mes pieds nus et ma tenue malmenée. J’avais envie de m’en excuser et cela m’agaçait. m’agaçait aussi, la gentillesse dans ses yeux lorsque nos regards se croisaient. Pour qui me prenait il ? pour une servante un peu simple ? Lorsque nous arrivâmes devant la grande salle j’étais de ce fait tout à fait furieuse et le saluait d’un « bonsoir messire » assez peu aimable. Le sourire que je sentis monter sur ces lèvres acheva de me mettre de mauvaise humeur.
Je retournais dans la grande cour et bu de l’hydromel plus que de raisons. Ethéanan vint me chercher quand il m’entendit chanter à tue-tête des chansons de corps de garde.
Je me réveillais avec un solide mal de tête. Je rejoignis le laboratoire de mauvaise humeur et mon mutisme n’étonna pas le magicien.
Le midi, je me rendis en cuisine pour manger pensant que ça allait remettre mon estomac d’aplomb. Au croisement du quartier des domestiques je croisais l’homme de la veille. Je rougis jusqu’au oreilles et le saluait d’un signe de tête. Il m’arrêta, me pris le bras et me fit un baisemain qui me laissa comme une brûlure. Je lui souris malgré moi et me mit à courir.
Je ne connaissais pas le sentiment que retentissait au creux du ventre, mais j’en avais suffisamment entendu parler autour de moi pour avoir une idée de ce que je ressentais. J’en étais très effrayée. Je me sentais faible, dépendante pour la première fois. Je ne savais rien de cet homme, pourquoi m’attirait il autant ? Je décidais d’éviter de le croiser, tout en ayant envie du contraire.
Je n’y arrivais pas longtemps. A chaque dîner, chaque chasse, chaque promenade dans les jardins je le croisais. Souvent, la reine appuyait son bras sur lui.
Je finis par apprendre qui il était. Il se nommait Owen, comte de Penduik, baron des territoires de Melguir. Ces terres étaient au sud du Royaume, et il les tenait d’une main de fer. Des rumeurs courraient comme quoi les terres du sud étaient menacées par des créatures étranges, et Owen était le seul rempart à une invasion du royaume.
Il était là pour faire son rapport au Roy, il devait repartir dans quelques jours.
Je décidais de chasser de mon cœur les préventions que j’avais envers lui et qui n’étaient pas justifiées. J’étais en train de tomber amoureuse et cela me terrifiait, j’avais horreur des liens quels qu’ils soient mais je me sentais envahie par une grande douceur que je n’avais jamais connu jusque là.. Je fis donc bonne figure et chacun de ces sourires me ravissaient. Je remarquais qu’il s’arrangeait lors des promenades pour se trouver près de moi, pour me parler de tout et de rien. Un jour qu’il se mit à pleuvoir brutalement, il me saisit dans ses bras pour m’emmener à l’abri et nous arrivâmes trempés mais ravis sous la grande porte du château. Je ne luttais plus contre mes sentiments, a présent je recherchais sa présence. Ehéanan s’en aperçut, il ne fit rien pour me contrer. Visiblement, pour lui, si un homme était capable de lutter contre mes penchants mauvais, c’était Owen.
Nous avons échangés notre premier baiser une nuit ou j’errais dans les couloirs. Je ne pouvais dormir, mon esprit était empli de lui, et il me semblait que mon corps bouillait. J’avais enfilé une chemise diaphane, il faisait si chaud, et j’étais parti dans le château, cherchant un peu de fraîcheur sur les grandes dalles de pierre. J’aperçus sa haute silhouette de loin, je sus que c’était lui avant de le reconnaître. Alors, sans réfléchir, je me mis à courir, je me jetais contre lui et lui tendais mes lèvres. Il s’en empara dans un baiser impétueux, vorace, avide. Je n’avais jamais embrassé d’homme mais je sus à cet instant que celui ci détenait sur moi un pouvoir immense. Je collais mon corps contre le sien, il enlaça ma taille, je ployais sous son bras, me livrant à lui dans un gémissement incontrôlé. Il continua à m’embrasser les lèvres, le cou, la naissance de ma poitrine. Il me semblait que je brûlais. Je prononçais son nom. Je l’appelais, je voulais qu’il m’emmène vers cet inconnu délicieux qu’il me faisait apercevoir. Mais il cessa ses baisers, m’éloigna de lui. Je lus dans ces yeux l’effort qu’il faisait pour ne pas satisfaire brutalement son désir ici, sur le sol de ce couloir glacial. Avec un geste d’une lenteur exaspérante, il me caressa la joue allumant en moi des étincelles de feu et s’éloigna.
Le lendemain, il demandait ma main au roy.
Ce fut comme un coup de tonnerre à la cour. Je n’étais pas de noble naissance, et de nombreuses dames de qualités espéraient épouser Owen. De plus, il avait le double de mon âge et les mauvaises langues ne se gênaient pas pour dire que je l’avais attiré dans mes filets pour sa fortune.
Je n’avais encore pas décidée de ma réponse que déjà des clans se formaient pour et contre moi. Pour ma part, les choses allaient trop vite, certes j’aimais Owen, de cela j’étais certaine, mais étais-je prête pour le mariage, je me refusais à être une de ses matrones qui veillent sur leur domaine, leur mari et leur marmaille. Je savais qu’Owen refuserait de m’enfermer dans ce rôle, mais le temps créait des habitudes ou l’on s’enterre sans les voir.
Mais je savais qu’Owen devait repartir, et ne plus le voir m’était insupportable. Je décidais donc de lui dire oui, à moi d’organiser ma vie pour qu’elle ne sombre pas dans la monotonie de ces femmes mariées qui n’ont ni but ni attentes de leur vie.
Je m’agenouillais donc devant le roi, et lui demandait d’accorder ma foi à son vassal, lui jurant qu’il n’aurait nulle servante plus fidèle que moi sur les terres du sud et que s’il ne voulait pas j’en mourrais. Mon souverain sourit et je sus que j’avais gagné. J’allais devenir comtesse de Penduik, baronne de Melguir.
Owen repartit, et m’embrassa devant la foule réunie pour son départ me donnant ainsi le statut officiel de fiancée. Je le rejoindrais plus tard, il devait organiser les noces. Le Roy viendrait, et en profiterait pour voir la situation sur place.
J’écrivis à tous ceux que je connaissais, y compris mon père. Allaient-il me pardonner et venir ?
Je flottais dans une sorte de brouillard. Autour de moi, tout le monde avait changé d’attitude. Je devenais l’une des femmes les plus importantes du royaume, et ceux qui se moquaient auparavant recherchaient mes faveurs.
On me fit mon trousseau, j’eus des robes, des jupons, des coiffes, des souliers en nombre, des fourrures, des dessous de soie. On me prit mes mesures dix fois pour me faire ma robe de noce.
Je ne comprenais rien, je continuais à suivre les cours d’Ehéanan dans mes robes les plus simples au désespoir des nombreuses servantes que j’avais maintenant à mon service. Selon elles, j’aurais du passer mon temps, à rêver à mon mariage, à coudre et à filer. Ce qui était bien sur, hors de question.
Je demandais un jour à Ehéanan si je devais livrer mon secret à Owen. Il me dit que ce ne serait pas nécessaire, mon fiancé était au courant et chargé de veiller sur moi.
« - Quoi, vous lui avez dit ?
- Bien sur, il devait être au courant, pour sa sécurité et la tienne.
- Et qu’a-t-il dit ? Comment as t’il réagi.
- Il n’a rien dit, il est persuadé comme toi que c’est une erreur. J’ai confiance en lui, il sera vigilant. »
Je restais vaguement inquiète, pourquoi Owen ne m’en avait t’il pas parlé s’il était au courant ? Je lui en parlerais dés nos retrouvailles
et oui, je suis encore la
Puis, je me laissais bercer par les préparatifs du départ. Déplacer la cour n’était pas une mince affaire, la déplacer pour un mariage encore moins. Chaque dame se devait d’avoir la plus belle tenue et les malles s’entassaient sur les chariots. J’avais refusé la litière que l’on me proposait, je voulais monter Salto et être libre de mes mouvements.
Le voyage s’étira aussi lentement que la longue cohorte de bœuf qui composait le cortège. Je partais régulièrement en avant, impatiente. Au cours du voyage, Osgard nous rejoignit, Clarisse, Marianne et la petite Amelia l’accompagnaient. L’automne était doux, les arbres commençaient à orner leur parure de couleurs chatoyantes. Je voyageais maintenant dans le chariot avec Clarisse et Marianne. Douce Clarisse, elle m’appelait comtesse et nous riions toutes les deux de ce titre qui ne m’allait pas.
Enfin, au bout de presque deux semaines nous atteignîmes les limites de mon nouveau domaine. Le soir, nous serions à Penduik. La contrée semblait riche et nous traversâmes de nombreux villages curieusement vides. Je pensais que les habitants étaient au château, attendant ma venue. Une large forêt s’étendait devant nous, puis, au détour d’un chemin, a flanc de colline j’aperçus ce qui serait ma demeure. J’en eus le souffle coupé, c’était plus grand que tout ce que j’avais pu imaginer. Un immense mur d’enceinte enserrait un vaste terre-plein où se dressait un temple, deux tours en protégeaient l’accès. Au delà, m’expliqua le Roy, une autre enceinte, cernée d’une douve permettait l’accès par un pont-levis à la cour intérieur du château. Je pouvais voir d’où nous étions les chemins de ronde ou déambulaient des gardes aux couleurs de mon fiancé. Derrière, on voyait le haut de quatre autres tours, dont l’une était à flanc de falaise, je savais que de l’autre coté se trouvait la mer.
La reine m’envoya chercher, je montais sur Salto, harnaché de neuf, et je pris la tête du convoi au coté de leurs majestés. La porte imposante de la première enceinte s’ouvrit et une gigantesque clameur où je reconnus mon nom et celui de la reine me fit rougir de plaisir. Un cavalier se détacha de la foule venue nous accueillir. Vêtu de noir et d’argent, Owen, encore plus séduisant que dans mon souvenir galopait vers nous. Je n’eus pas le temps de réagir qu’il m’enlevait de ma selle et me posait devant lui, sur sa monture. Et c’est ainsi que je fis mon entrée chez moi, entourée par les bras de mon aimé et acclamée par ses sujets.

Quand je me souviens de ce jour il me semble que jamais je n’aurais pu être plus heureuse, j’avais tout, tout ce qu’une femme pouvait désirer. Mes nuages étaient loin et il me semblait que ma vie ne serait plus alors qu’un long chemin allant d’émerveillement en émerveillement. Comme quoi….

Je fus logé le premier soir dans une chambre somptueuse. Le dîner fut rapide, tout le monde était fatigué. Après m’avoir embrassé Owen se retira dans sa chambre, Clarisse eut l’autorisation de rester avec moi. Seule ombre au tableau, Feu-Follet qui était d’humeur sombre et qui à mon grand regret ne s’habituait pas à Owen, après qui il grognait régulièrement, la jalousie sans doute.
Le mariage devait avoir lieu le surlendemain, et j’eus ce soir là une conversation avec une Clarisse écarlate qui tenta de m’expliquer ce qui allait m’arriver lors de ma nuit de noces. Je la laissais parler, j’en savais déjà beaucoup, on m’avait enseignée ces choses pour préparer mon initiation de prêtresse, mais ce qui me semblait à l’époque être une corvée, se profilait à l’horizon comme un moment de délices et de plaisir. Ce qui ne m’empêcha pas de m’endormir blottie contre Clarisse à la recherche d’un peu de tendresse et de sécurité maternelle.
Le lendemain fut un jour de grande joie. J’allais visiter Salto lorsque j’entendis quelqu’un crier mon nom et l’instant d’après j’avais dans mes bras un Enguerrand qui me serrait à m’étouffer. Entre larmes de joie et éclat de rire je serrais sur mon cœur Cydric, Godefroy et Ameniel. Les autres femmes étaient restées au château mais m’envoyaient tous leurs vœux.
Je passais ma dernière soirée de fiancée dans un état second, impatiente, curieuse, inquiète… Owen ne me visita pas ce soir la, une tradition sans doute et je passais mon ultime nuit avec Feu-Follet. Après mon mariage je savais que je ne pourrais le garder dans notre chambre.
Je me réveillais après avoir dormi a peine quelques heures. Je pensais immédiatement à mon père, allait il venir à la dernière minute comme je l’espérais ? Bientôt, des rires envahirent ma chambre avant que je n’aie le temps d’ouvrir les yeux. Je fus tiré de mon lit par des mains féminines et une odeur de lavande envahit ma chambre. Un grand bac d’eau avait été préparé ou je plongeais mon corps rompu par le manque de sommeil. Un paravent avait été installé, je savais que ma robe d’épousée était derrière, cachée à mon regard jusqu’à la dernière minute.
Clarisse tint à me laver elle-même, me remémorant ainsi notre première rencontre, qui me semblait si lointaine.
Elle lava mes cheveux et les natta en une lourde tresse après les avoir soigneusement essuyés. Elle me parfuma et me maquilla. Puis, en riant toujours elles me firent fermer les yeux et j’entendis qu’elles ôtaient le paravent.
La stupéfaction m’arracha un cri : la robe que j’avais devant moi dépassaient tout ce que je pouvais imaginer.
D’une blancheur presque aveuglante elle était rehaussée de diamants et de perles. Un décolleté très plongeant était orné de rubis en forme de gouttes d’eau. Audace incroyable, elle n’avait pas de manche mais de fines bretelles qui tenait un bustier très moulant au dessus d’une jupe qui allait en s’évasant jusqu'à former une traîne immense. Je restais figée devant cette splendeur. Avec lenteur, respectant mon silence, elles me firent enfiler une culotte blanche, minuscule et en dentelle. Ensuite, j’eus droit à une sorte de corset, qui remonta mes seins très haut, si haut que je crus que le décolleté serait trop profond pour les cacher.
Puis, je rentrais dans la robe. Le tissu en était soyeux, incroyablement doux mais il me laissait une sorte de froid sur la peau. Je mis ensuite des bottes en cuir blanc de la plus grande finesse.
Clarisse me mit ensuite un voile presque transparent qui laissait mon visage dans une sorte de brume.
Cydric devait me conduire à l’autel. Lorsqu’il rentra dans la chambre il s’arrêta un instant et me regarda des pieds à la tête avec un sourire admiratif. Puis il me tendit son bras que je pris en tremblant.
Nous sortîmes de ma chambre, Feu-follet était devant la porte, et contre toute attente, il attrapa le bas de ma robe et se mit à la déchirer. Cydric l’attrapa et l’enferma dans la chambre. Je gagnais la chapelle du château avec le hurlement sinistre de mon loup dans les oreilles.
Nous avons traversé la porte sous le regard des serviteurs qui applaudissaient. Nulles traces de mon père, je sentis au creux de ma poitrine un pincement douloureux.
La porte de la chapelle était ouverte et j’entendais le bruissement d’une foule nombreuse. A notre arrivée de la musique se mit à retentir. Mes yeux ne voyaient plus rien, je m’accrochais à Cydric comme si j’allais tomber et il me soutenait de toute la force de son bras. Je ne distinguais plus que la lueur des centaines de bougies allumées qui se reflétaient sur les bijoux des femmes. Au loin, au bout d’une allée qui me semblait immense se détachait la silhouette d’Owen, habillé de noir et d’argent. La vue de sa haute stature me rassura et j’avançais d’un pas un peu plus sur. Lorsque Cydric lâcha ma main pour la mettre dans celle de mon fiancé, j’eus la désagréable impression que mon passé m’abandonnait.
Le prêtre fit une messe simple et belle, et au moment des consentements je m’entendis a peine dire oui. Je repris toute ma conscience au moment ou la musique et les applaudissements éclatèrent. Owen me serrait dans ses bras et m’embrassait. Contre toute attente je fondis en sanglots et entre mes larmes je distinguais le visage de Magnus, fermé et inquiet.
Chapitre 11

Le repas de liesse se déroula comme dans un rêve. J’avalais quelques nourritures du bout des lèvres. Je sentais le regard d’Owen sur moi, il me brûlait la nuque lorsque je lui tournais le dos.
Plusieurs fois, je vis Magnus se lever pour venir me parler, puis se rasseoir a contrecoeur. Je me souviens d’avoir sourit bêtement toute la soirée, et d’avoir prononcé des milliers de merci.
Je cherchais souvent la fourrure de Feu-Follet sous mes mains, mais il n’était pas la. Je bus plus que de raison aussi, j’étais, je crois, terrifiée.
Vers minuit, je chuchotais à l’oreille d’Owen que j’allais voir comment allait mon loup. A mon étonnement, il se leva, aussitôt les regards se braquèrent sur lui.
« - Il est temps, beaux sires et damoiselles que j’emmène mon épouse vers les félicités qu’elle est enfin en droit de connaître. »
Je rougis violemment tandis que des rires fusaient de la salle. Je m’accrochais au regard de Cydric qui m’encouragea d’un sourire. Mais pourquoi avais je si peur ?
Owen me prit la main, un joyeux groupe se forma derrière nous. J’eus le temps de dire à Cydric de s’occuper de Feu-Follet cette nuit, puis l’on m’entraîna vers la chambre nuptiale.
Tendue se soie noire et argent, les couleurs de mon époux, mes couleurs a présent, la chambre était somptueuse.
A milieu, se dressait un lit immense, ou j’imaginais que même si je faisais 5 enfants à Owen, nous aurions encore de la place. Des fourrures étaient étalées par terre et un feu brûlait dans une cheminée colossale. Tous riait, plaisantait, Ameniel me serra l’épaule en un geste rassurant.
Owen réussi à mettre tout le monde dehors. J’étais debout, pantelante au milieu de la chambre et Owen m’observait. J’étais mise a nue plus sûrement que s’il m’avait ôté mes vêtements. J’étais perdue, que devais je faire, tous les bons conseils des prêtresse et de Clarisse se perdait dans mon esprit embrumé.
Je fermais les yeux afin de faire disparaître la légère impression de tournis qui montait en moi… L’alcool sans doute.
Je sentis une main brûlante saisir la mienne et m’entraîner.
« - Garde les yeux fermés ma douce, tu es si belle abandonnée comme cela. »
Je gardais donc le regard clos, et je suivais, confiante, la main qui me guidait. Je poussais un petit cri de surprise quand je sentis qu’Owen me mettait un bandeau sur les yeux… mais après tout, n’était il pas mon mari, l’homme que j’aimais…
Je n’avais aucune conscience de l’endroit ou j’étais. D’après les récits que j’avais entendu en cachette, j’aurais déjà du être étendu sur le lit, mais je suivais toujours Owen, je crus même entendre le bruissement d’une porte qui s’ouvre.
J’eus soudain froid, instinctivement, je lâchais la main de mon époux et serrais mes bras contre mon corps. Avec une infinie douceur, Owen délia mes bras, et je sentis qu’il commençait à délacer ma robe. Je n’entendais que le froissement du tissu, et le froid monter sur ma peau en longs frissons. Où était la cheminée ? Je ne sentais de source de chaleur nulle part. d’ailleurs, mes pieds, maintenant nus, n’étaient pas sur un tapis ou sur une peau de bête, mais sur de la pierre froide.
Puis, soudain, j’oubliais le froid. Owen promenait ses mains et son souffle sur ma peau, je sentis monter au creux de mon ventre une chaleur inconnue, je m’abandonnais au caresse. Parfois, dans un gémissement, je cherchais de ma main à le toucher, mais il repoussait ma tentative, et ma main, retombait, inerte le long de mes cuisses.
Je n’étais plus qu’un brasier lorsque je sentis qu’Owen me soulevait dans ses bras.
Je sentis qu’il était nu aussi, et je m’agrippais a son lui, plongeant ma tête dans la tiédeur de son cou, murmurant mille mots. Il m’allongea, j’en fus a peine surprise, sur quelque chose de froid et de dur. Mais je n’en eu cure, je l’appelais en moi de toute mes forces, soumise, offerte, consentante, amoureuse.
Lorsque qu’il me fit femme, je hurlais son nom et accordais mes mouvements au sien, au rythme de notre amour.
J’atteignis la jouissance dans un souffle d’extase, et je serrais contre moi le corps de mon amant.
Il se détacha de moi au bout d’un moment qui me paru une éternité de douceur.
Je restais couché, je ne sentais même pas sous mes reins le contact rêche de la pierre.
Owen me caressa le visage, puis d’un geste assez brutal m’enleva le bandeau. Je restais un moment les yeux fermés, puis, doucement, je les ouvris pour enfin voir le visage de celui qui m’avait fait découvrir le plaisir.
Ce que je vis me glaça d’effroi. J’étais dans une chapelle, sur un autel, a coté du visage d’Owen, serein, une immense statue semblait me regarder en ricanant : Salmador !
Je tournais la tête, horrifiée. Assis sur des bancs, des gens me regardaient, un sourire narquois aux lèvres. Je tentais de garder mon sang froid. D’un geste impulsif, je cachais dérisoirement ma nudité… Le coup de grâce me fut donné par Owen, qui éclata de rire devant mon geste. Je sombrais dans l’inconscience.
Je me réveillais, transie, dans l’immense lit couleur d’argent de la chambre d’Owen, seule. Je ne comprenais d’abord pas ce que je faisais la, mais la moiteur entre mes cuisses fit remonter tous les souvenirs. Je me levais précipitamment, mes jambes tremblaient. Au loin, si loin, j’entendais à intervalle régulier le hurlement de mon loup couvert parfois par la musique et les bruits de la fête qui continuait. Je m’accrochais à la porte et essayais de l’ouvrir, en vain ! Je me mis à tambouriner, à appeler. Curieusement je criais le nom de Magnus.
Soudain, la porte s’ouvrit, j’allais me jeter dans le bras de mon sauveur, mais ce fut la haute silhouette d’Owen qui se dressa devant moi. Instinctivement je reculais, trébuchais sur une table basse, et je m’affalais au sol.
Sa voix, chaude, rauque de désir à ma vue, sensuelle, mais impitoyable s’éleva.
« - Je suis allé annoncer à mes invités que tu étais devenu femme, et que tu étais bien arrivé vierge entre mes bras. Ton frère n’a pas eu l’air d’apprécier la plaisanterie. «
Je retrouvais un semblant d’énergie pour protester.
« - Parce que tu crois vraiment que je vais rester ta femme, monstre ?
- Oh que oui mon amour, je ne le crois pas, j’en suis sure, parce que tu n’as pas le choix.
- Pas le choix ? Pas le choix. Quand je vais dire au roi qui tu es, quelle abomination tu caches en ces murs, il rompra ce mariage immédiatement !
- Non mon amour, tu ne diras rien, rien du tout, et tu sais pourquoi ? »
Un sourire d’une rare cruauté étira ses lèvres, une sueur froide me coula dans le dos, je balbutiais :
« - N… non…
- Parce que tu es enceinte Sariel, enceinte de moi et de l’esprit de Salmador, mon maître, et que tu viens toi-même de devenir un monstre comme tu dis si bien.
- Enceinte ?? , une envie de vomir irrépressible me monta à la gorge, C’est impossible, pas déjà, tu ne peux pas le savoir déjà.
- Si Sariel, si, tout est écrit d’avance, la date, l’heure, le lieu… La présence de ta mère. Tu es l’élue ma toute belle, celle qui fut choisi entre toutes pour porter l’enfant du renouveau. La perle pure, la vierge…Oh, ta mère s’en serait volontiers chargée, mais il nous fallait une vierge, choisi par elle, l’aimée de Salmador. Et qui pouvait elle choisir de plus digne que sa fille pour cette mission ? »
Je ne pus plus me retenir, et je me mis à vomir. Il me semblait que la pierre d’un tombeau se refermait sur moi, les ténèbres m’envahissaient, et je luttais pour ne pas m’évanouir à nouveau. Je laissais mes entrailles se vider de leur trop plein de dégoût, et je levais les yeux vers mon mari. Il était la, superbe dans une pelisse de fourrure noire. Son regard sombre ne me quittait pas, et ce que j’y lu me bouleversa plus que tout. Dans ce regard, dans les yeux de ce fou, il y avait un amour et une tendresse immense. Il m’aimait, il aimait plus que tout la femme qui allait enfin réincarner l’abomination qui était son maître.
Je fis un immense effort sur moi-même pour lui imposer un visage serein. Il m’aimait, je devais en profiter, en jouer. Après tout, pour l’instant rien ne prouvait que fusse vraiment enceinte, je devais gagner du temps. Si je disais quoi que ce soit à quelqu’un, qui sait ce qui allait m’arriver… Il ne me tuerait pas tant que je portais son enfant. Son enfant… j’eus de nouveau un haut le cœur que je réprimais de mon mieux. Je me levais, j’étais toujours nue. Je m’approchais de lui avec une attitude câline.
« - Bien, puisqu’il en est ainsi… » Je l’embrassais, mettant ma répulsion de coté, animée de la volonté farouche de briser cet homme, j’étais prête a tout. Il m’enlaça, et m’emmena de nouveau sur le lit. Je dus de nouveau subir ses assauts, écouter ses mots passionnés, il m’appelait sa déesse, sa sombre amante, sa perle de ténèbres…
Il s’endormit et je restais éveillée, toute la nuit, les yeux grands ouverts sur un avenir qui m’apparaissait comme une descente en enfer. Et puis au dessus de toutes mes pensées, il y en avait une qui enveloppait mon esprit d’une douleur infinie… Celle de ma mère.

Les yeux cernés, le visage livide, je me regardais dans le grand miroir de la chambre. Je regardais avec insistance mon ventre, essayant de m’imaginer grosse des œuvres d’un démon. Owen s’était levé, m’avait embrassé et était parti déjeuner. Il m’avait demandé de me préparer, de tacher de faire meilleure figure devant nos invités. Il avait également ajouté que si un seul mot de travers sortait de mes lèvres, l’un de mes amis mourrait.
Je n’en finissais pas de contempler ce corps qui ne m’appartenait plus. Je détaillais ma taille, encore fine, mes longues jambes fuselées, faites pour courir, mes seins haut et fermes, fais pour être aimés.
A ma grande surprise, j’eus faim, je décidais de m’habiller, en noir, peut être quelqu’un y verrait t’il l’indice de ma détresse, mais je ne trouvais dans l’armoire que des tuniques blanches et vaporeuses. J’en enfilais une, mais coiffais mes cheveux en un chignon sévère.
La porte s’ouvrit sans peine, mais j’eus la surprise de trouver derrière un petit homme à la mine mielleuse et fausse qui m’emboîta le pas sans dire un mot. Les menaces d’Owen n’étaient pas à prendre à la légère, j’étais surveillée de près et je pensais, a juste titre, l’avenir allai me le prouver, à tous les instants.
Je descendais le large escalier que j’avais monté la veille, pleine d’espoir de félicités a venir et je me dirigeais vers la salle à manger. La présence silencieuse derrière mes talons me faisait froid dans le dos, mais je devais composer avec. J’affichais un sourire que je sentais faux et je pénétrais dans la salle. Tous les regards se tournèrent vers moi, je crus que j’allais m’évanouir. Les regards me parlaient de tendresse, de joie, de plaisir. La plupart des invités étaient fatigués par une nuit de fête, mais ils avaient tenus à être la au réveil de la châtelaine, certains par curiosité malsaine, d’autres pour être la au matin de ma nouvelle vie.
S’ils avaient pu savoir…
Owen trônait à la place d’honneur, il se leva et vint prendre ma main pour me conduire à ses cotés, place qui était dorénavant la mienne. Des applaudissements crépitèrent, et je senti le rouge monter a mes joues. Ils pensèrent tous que je rougissais de plaisir et de gène, au souvenir de ma nuit de noces… J’aurais voulu mourir sur place.
Volontairement, je pense, on avait placé ma famille et mes amis assez loin de moi. Près d’Owen, le roi et la reine, qui devaient repartir le lendemain, a leur droite, Ethéanan et Magnus a qui je tentais de lancer des regards, mais ils étaient trop loin, et mal placés pour les voir. Le silence se fit, et je dus entendre les interminables compliments préparés pour moi par les invités. Je prononçais des mercis du bout des lèvres. Aucune nourriture ne me faisait envie, pourtant, j’avais faim. Je tentais de mon mieux de faire semblant de manger, pour donner le change. J’avalais ainsi une tranche de pain bis, que mon estomac refusa immédiatement de garder. Je portais la main à ma bouche et me levais précipitamment pour sortir, aussitôt suivie par mon garde. J’entendis dans mon dos la voix d’Owen qui clamait à la cantonade.
« - Messires, mesdames, Bon sang ne saurait mentir, il semblerait que j’ai bientôt un héritier si les symptômes se confirment. »
Les applaudissements et les cris de joie résonnèrent en moi comme un glas.
Je soulageais mon estomac dans une arrière-cour, il me semblait que je me vidais de tout ce que j’avais pu manger pendant des mois. Les premières larmes depuis la veille, se mirent enfin a couler et je tombais a genoux.
J’entendis au bout d’un temps infini une voix amie, je me retournais. A quelques pas de moi, Cydric était retenu par celui que j’appelais mon ombre, qui le rassurait sur mon état. D’une voix de fausset, il lui disait que madame la comtesse était fatiguée et émue par les événements et qu’elle ne désirait voir personne. Je voulus crier le nom de mon frère, mais le cri s’étrangla dans ma gorge. A quoi bon l’inquiéter, je le connaissais suffisamment pour savoir que s’il savait que je courrais un danger quelconque, il tenterait de me sauver au péril de sa vie et je ne voulais mettre en danger la vie des miens a aucun prix. J’étais de race maudite, ma mère avait fait de moi un être destiné à la perte et à la mort, je me devais d’assumer seule ce que le destin me donnait.
( Et oui, tout arrive, plus personne s'en souviens mais c'est pas grave, ca me boost de poster ici)


Tout le monde parti, marquant ainsi la fin de mon espoir et le début de mon exil. Les adieux furent courts, on ne me laissa jamais seule, et le désespoir que j’essayais d’imprimer à mon regard fut mis sur le compte de la tristesse que je ressentais à me retrouver seule.
Marianne et Clarisse demandèrent à mon époux la permission de rester, si j’étais enceinte, comme mes nausées permanentes le laissaient supposer, j’aurais besoin d’elles, mais Owen leur dit que de nombreuses femmes seraient mises à mon service. Son sourire éclatant les remercia de leur sollicitude et elles partirent rassurées, me serrant dans leur bras et me promettant de venir pour ma délivrance si la merveilleuse nouvelle se confirmait.
Magnus me fit des adieux appuyés, et en me donnant l’accolade, ce qui n’était pourtant pas dans ses habitudes, il me glissa à l’oreille de ne pas m’en faire, que tout se passerait bien, qu’il était heureux pour moi.
Le sourire de la reine fut encore plus douloureux, elle me prit la main et m’assura que je serais une grande dame, elle m’assura qu’elle avait confiance en moi pour devenir une comtesse digne de son rang et digne de mon illustre mari.
Le coup de grâce me fut donné lorsque Owen demanda à Enguerrand d’emmener Feu Follet avec eux. Le loup ne cessait de grogner après mon époux, et par crainte que ce dernier ne lui fasse subir un mauvais sort, j’acceptais. Le superbe animal fut mis au bout d’une laisse et j’entendis longtemps dans mes oreilles bourdonnantes ses gémissements.
Seule la mine inquiète de Cydric et de Godefroy me rassura un peu, mais que pouvaient ils faire pour moi… Rien… Plus rien…



Chapitre 12

Et la vie au château commença. Il me fut vite confirmé que j’étais réellement enceinte, et cette grossesse m’épuisait. Il semblait que l’enfant voulait, dés les premiers temps, prendre en moi toute l’énergie que j’avais pu avoir.
Owen me laissait relativement libre dans la journée. Toujours suivie de son sbire, et avec l’aide du personnel du château, j’apprenais le métier de femme de haut seigneur. La gestion des cuisines, le suivi de l’entretien du linge, les œuvres de charité, la visite aux paysans du comté, les interminables doléances des femmes des petits seigneurs vassaux de Owen, les soirées musicales. Je pus mettre en pratique ce que j’avais appris au temple, je brodais, je cousais.
Je donnais à tous l’impression d’être une femme douce, bonne, sans grand caractère et entièrement dévouée à son époux En vérité, j’avais cessé de lutter, je ne trouvais plus en moi la force de me rebeller et j’affichais sur mon visage un sourire de convenance qui donnait le change, même a moi parfois.
Je n’étais jamais seule, mais dans les moments ou l’on me laissait un peu de paix, lors de mes ablutions par exemple, je regardais mon corps, essayant d’imaginer cette vie qui croissait en moi et qui ne me provoquait que répulsion et dégoût. Je me disais que peut être, si je haïssais le fruit de ma chair de toute mon âme, il cesserait de s’accrocher à moi et me délivrerait par une fausse couche. D’autre fois, je tentais de retrouver ma magie, en murmurant des sorts inoffensifs. Mais il semblait que j’avais perdu tous mes pouvoirs. Je pris donc la décision, si je menais cet enfant à son terme de ne pas lui survivre, et de me tuer après sa naissance, a moins qu’Owen et les adeptes de Salmador ne le fassent, puisque je ne leur serais plus d’aucune utilité.
Ainsi passaient mes journées. Les nuits étaient bien différentes. Owen ne se lassait pas de moi, et je devais, chaque soir, ou parfois dans la journée, quand l’envie lui en prenait, me soumettre à son désir. Il venait vers moi, ou que je me trouve et d’un geste impérieux chassait mon ombre de garde.
Je ne repense pas à ces moments sans rougir, car Owen était d’une grande douceur, et sa science amoureuse faisait de moi une victime consentante. Je luttais quand il commençait à me caresser, je tentais de blinder mon esprit et mon corps à ce qui m’arrivait, mais très vite, sous ses mains adroites je perdais pied, et le temps s’arrêtait dans un voyage de plaisir charnel d’où je me relevais, flageolante, le corps perclus de bonheur et encore un peu plus dégouttée de moi-même.
Le reste du temps, Owen et moi avions passé une sorte d’accord tacite. Nous ne parlions ensemble que de banalités touchant au domaine, des derniers accords commerciaux susceptibles de l’intéresser ou des litiges entre ses paysans. Certaines fois, il revenait d’une de ces nombreuses absences, et m’apportait un présent. Bijoux somptueux ou pièces d’étoffes rares qui n’allumaient pas dans mes yeux l’étincelle qu’il voulait y voir. Alors, ses yeux a lui s’éclairait de cette lueur perverses qui m’indiquait que j’allais encore me perdre sous ce corps dont j’étais l’esclave.
Les mois passaient, les nausées me laissaient enfin tranquille et mon ventre s’arrondissait. Aucune fausse couche ne vint me délivrer de mon fardeau. Owen et toute la cour m’entouraient de sollicitude. Les dames à mon service, parmi lesquelles aucune amie ne se distinguait me prodiguaient conseils et astuces que je me refusais à suivre.
Owen me touchait de moins en moins, et je n’arrivais pas à savoir si j’en étais soulagé ou malheureuse, on m’entourait de soins qui se voulaient affectueux, les femmes lorgnaient mon ventre avec envie. J’avais compris depuis longtemps que beaucoup d’entre elles rêvaient de mettre dans leur couche leur si beau seigneur.
Mais Owen n’avait pas besoin d’aller voir ailleurs, le bonheur de voir accomplir la destiné de son maître lui suffisait amplement, de plus, force me fut de le constater, il était amoureux de moi…. Enfin, amoureux de la chose qui portait en ses entrailles son bébé tant attendu.
Mais il est temps de décrire mon entourage immédiat. Outre Owen et mon « ombre » trois personnages se distinguaient : d’abord, les inséparables, le couple maudit comme je les appelais. Emostia et Ungar, ci devant médecin et sage femme. Tous les jours, à mon réveil, ils venaient m’examiner sous toutes les coutures puis se mettaient a palabrer sur mon état, en des termes que je me refusais a entendre. Ils n’étaient jamais d’accord et j’augurais assez mal d’un accouchement orchestré par ces deux la. Emostia était une matrone énorme à l’air majestueux et aux petits yeux porcins. Toujours coiffée d’invraisemblable façon, il était impossible de lui déterminer un age. Son comparse était lui un petit homme bedonnant à l’air perpétuellement chafouin et de mauvaise humeur. Je m’amusais parfois à contempler son nez, étonnement crochu et long qui le faisait ressembler à une vieille chouette.
Le troisième personnage était une femme… la seule femme d’ailleurs pour qui j’avais un peu d’affection en ces lieux. Esmael était enceinte, comme moi… et enceinte d’Owen aussi. Il l’avait engrossé en même temps que moi afin qu’elle serve de nourrice à notre fils. C’était une jeune femme, qui devait avoir mon age, à la poitrine opulente et au sourire très doux. Elle était aussi blonde que j’étais rousse et souvent, lorsque mon humeur était sombre, elle s’asseyait à coté de moi, en silence elle me prenait la main, et cette simple caresse faisait jaillir des larmes qui me soulageaient un instant.
Esmael accoucha quelques jours avant moi, dans la plénitude d’une nuit étoilée de juin. Décidemment, la plupart des évènements importants de ma vie devaient avoir lieu ce mois la. J’avais eu 19 ans, Esmael en avait à peine 18 selon elle. On tenta de me cacher le mieux possible de ce qui se passait dans la chambre ou elle mettait au monde son enfant, mais je me bouchais les oreilles pour ne pas entendre ses hurlements de douleur qui perçaient a travers les fenêtres largement ouvertes du château. Ce mois de juin promettait un été torride et aucune brise ne venait rafraîchir l’air qui se raréfiait sur le soir.
On ne me présenta pas l’enfant d’Esmael, a partir de ce jour je fus cloîtrée dans ma chambre, surveillée, examinée, prisonnière mais reine… On répondait à la moindre de mes envies de nourriture, de livres, de soins…
Installée dans le lit somptueux d’Owen, je trônais, mon ventre distendu et douloureux gonflait les couvertures et Owen venait souvent me contempler, simplement assis sur un tabouret dans la ruelle du lit.
Un matin, je sus... Je sus que la fête du printemps était la, cette fête qui marque la fin de la saison du renouveau, cette fête qui correspondait au jour ou j’avais été conçue, cette fête que j’avais refusé de vivre en mon village. Clin d’œil cruel de ma maman, je sus aussi que ce serait le jour de mon accouchement.
Le matin, un liquide chaud me coula entre les jambes. J’eux un fol espoir en me disant que je perdais le bébé, mais non, la poche des eaux venait de se percer, il allait arriver. Je me mis à paniquer complètement, je n’avais bien sur, pus ne prévenir personne, et accoucher sans la main de Clarisse et l’épaule de Marianne me paraissait impossible ! Les gens savaient pourtant que j’étais enceinte, que leur avait donc dis Owen pour que personne ne vienne, si ça se trouve, ma mort était déjà annoncée.
Je me mis à taper frénétiquement sur mon ventre pour en chasser la chose, et Emostia et Ungar, accourus à mes cris, durent me tenir les mains pour m’empêcher de continuer ! Je dus tout de même à ce moment la reconnaître leur efficacité ! Ils me passèrent de l’eau sur le visage, j’étais fiévreuse, changèrent mes draps sans que je ne manifeste aucune pudeur devant Ungar, installèrent dans la pièce, une table et un tabouret d’accouchement au cas ou, allumèrent un feu d’enfer malgré la chaleur pour avoir de l’eau chaude a disposition, chassèrent les servantes attirées par le remue ménage et calmèrent Owen qui dés qu’il fut prévenu se mit a tourner en rond dans la chambre.
Et moi… Moi, au milieu du vacarme et de l’énervement ambiant, moi j’écoutais mon corps… Je sentais venir du fond de moi des vagues, d’abord sans douleur, comme un ressac serein d’une mer calme, puis, comme si la tempête se levait, les vagues se firent plus amples, provoquant en mon ventre des contractures douloureuses que je tentais d’apaiser e respirant comme j’avais vu faire les femmes de la communauté. Mais bientôt, l’orage se déchaîna en moi, et je n’eus plus dans les oreilles que mes gémissements de douleur, j’avais l’impression q’une lame de douleur traversait mon corps de part en part. J’avais les yeux fermés, je refusais de les ouvrir, je refusais de savoir. Quand tout a coup…. Oh que les esprits me protège… Quand tout a coup je sus qu’elle était la… Une caresse sur mon front, une main incroyablement douce, des mots d’une grande douceur prononcés d’une voix étonnement grave et chaleureuse. Ma mère, maman, ma génitrice, mon malheur… Comment l’appeler ?
Je tentais d’ouvrir les yeux, pour enfin savoir, la regarder, la contempler, lui jeter au visage ma haine et mes regrets, mon désespoir et ma colère, ma peur panique et ma douleur… Mais je ne pus, mes yeux semblaient impossibles à ouvrir. Alors, je me laissais aller dans la tempête serrant cette main que j’haïssais.
Puis les douleurs se firent différentes, celles auxquelles j’étais habituée se calmèrent et soudain Il voulut me déchirer le ventre et les reins ! Je compris vaguement qu’on m’allongeait sur une table dure. Je hurlais et me mis a pousser dirigés par au moins 3 ou 4 voix Je sentais l’odeur d’Owen, chaude, sensuelle à coté de moi. Je fus un instant choqué de le savoir la, de savoir qu’il me voyait souffrir, tout orgueil, toute beauté et toute pudeur rabattue. Puis l’odeur du sang et celle, animal, de la sueur des gens qui peinaient avec moi.

Lorsque j’entendis les hurlements du bébé, il me sembla que la terre s’était arrêtée. Comme si, soudain, à ce moment la, plus d’autre vie n’existait en ce monde. Le château était silencieux, dans la chambre, il semblait que plus personne ne respirait. Seul les hurlements de cet enfant qui semblait en pleine santé remplissaient l’espace et le temps. On me le mit sur le ventre et malgré moi, je posais mes mains sur la chair de ma chair.
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