Bush l'usurpateur [part3]
La presse désigne le président.
Et cet élément n’est pas anodin. Le soir du 7 novembre 2000, le décompte des voix en Floride étaient pour le moins ambivalent. Et c’est la presse qui va désigner le président. Alors même que le décompte n’est pas encore terminé, le responsable de la couverture des élections pour la Fox News décide de trancher dans le Vif : Il fait diffuser un flash annonçant la victoire de W. Bush en Floride, et donc sa victoire aux élections présidentielles. La réaction en chaîne des autres médias ne se fait pas attendre. Ils ont certes raté le scoop à cause d’envoyés spéciaux trop timorés, mais refusent de laisser passer l’information (trop de gens risqueraient de zapper sur la chaîne rivale !).
Le spot en question a bien sûr été diffusé après avoir consulté la hiérarchie de la chaîne. On peut même aller plus loin, en disant que c’est le patron de Fox News, John Ellis, qui a donné les ordres, puisque les envoyés spéciaux encore sur le terrain conseillaient d’attendre la fin du décompte. Et c’est là où ça fait mal, car John Ellis n’est autres que le cousin germain de G.W. Bush.
Malgré cela le candidat Bush n’était pas encore déclaré président élu. Mais son adversaire venait de prendre un sacré revers. Désormais Al Gore passait pour « un mauvais joueur » à chaque fois qu’il rouspétait. C’est du moins ce que s’est efforcée de dire la presse républicaine.
La suite, beaucoup la connaissent. Le candidat démocrate fait recompter les voix, les républicains sortent du chapeau les électeurs d’outre-mer, le 9 décembre la cour suprême apprend que les nouveaux résultats sont train de renverser les chiffres, et elle décide de suspendre le décompte.
Cour suprême et complice
Ainsi même la cour suprême*** est allée jusqu'à se rendre complice. Je vous le disais plus haut, la presse a déjà parlé du rôle de la cour suprême durant cette élection. Mais elle laissait entendre que malgré tout Al Gore avait ses chances, car comme il se doit dans un pays à deux partis, nous expliquait-on, cette institution était équilibrée, de plus les juges étaient impartiaux, s’appuyant uniquement sur la constitution, etc. Sauf qu'au moins 4 juges sur 9 avaient déjà choisit leur camp avant même d’examiner l’affaire !
Sandra Day O’Connor qui avait été nommée par Ronald Reagan et William Rehnquist par Nixon (le président démissionnaire du Watergate), faisait peu de secret de leur appartenance politique. Clarence Thomas, dont l’épouse venait d’être embauché par Bush pour l’aider à recruter sa future administration et le juge Antonin Scalia, dont le fils, avocat dans le cabinet qui défendait les intérêts de Bush auprès de la cour suprême, ne pouvaient pas cacher leur parti pris, mais n’estimèrent pas pour autant qu’ils étaient partisans.
Il suffira du 5ème larron : le juge Anthony Kennedy, pour faire pencher la balance. Et faire ainsi arrêter le décompte des bulletins. L’un des juges de la cour, John-Paul Stevens écrira plus tard « Toutefois, dans l'intérêt du but poursuivi, la majorité a effectivement ordonné qu'un nombre inconnu d'électeurs dont l'intention était clairement indiquée sur le bulletin de vote soit ignoré, des votes qui étaient donc tout à fait légaux au sens de la loi de l'État de Floride, mais qui furent rejetés pour une raison ou une autre par les procédés automatiques du dépouillement du vote. »
En définitive, G. W. Bush, désigné par la cour suprême est élu président des Usa avec 338 000 voix de moins qu'Al Gore. Bien après les élections, et un nouveau décompte de 175 000 bulletins contesté organisé par la presse, Al Gore déclarait que son rival avait bien gagné les élections en Floride par 537 voix.
Pour calmer le peuple on serrait quelques mains, et comme si tout était parfait dans le meilleur des mondes, l’usurpateur gardait sa place avec l’assentiment (Forcé ?) de son rival.
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* Michael Moore est journaliste, documentariste et réalisateur. Il a réalisé entre autre le documentaire « Booling for Columbine », palme d’or au festival de Canne 2002
** La population de Floride est de 15 982 378 en l’an 2000, dont 20 % de noirs.
*** La cour suprême est la plus haute institution juridique des Etats Unis. Elle est composée de 9 juges. Ceux-ci sont désignés par le président et confirmé par le sénat. En poste « à vie » seul une procédure de destitution peut les renvoyer. D’ordinaire ils choisissent de partir par eux même sous le mandat d’un président de leur parti, qui les remplacera ainsi par un autre membre du parti.
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