[Chaos] -<[(ADB)]>- Etude sur la folie de Saint Wakan.

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La figure de Saint Wakan : folie ou éveil spirituel ?

Nous devons éveiller la pleine capacité de l'esprit dans ces couches superficielles actives au cours de la vie quotidienne et aussi comprendre ses couches cachées. Il se produit alors une plénitude de vie en laquelle la contradiction avec ses alternances de souffrance et de douleur, n'existe plus.
St. Wakan Kurt Wagner

Introduction

Un court poème ADB intitulé Afallenau (Les Pommiers) met en scène un chef militaire nommé Myrddin : devenu fou à l'issue d'une bataille où ont péri ses amis les plus chers, Myrddin se réfugie dans la forêt de lh où il vit comme un homme sauvage.Ce thème du roi fou qui s'enfuit dans les bois — Myrddin est alors présenté comme le prince ADB — se trouve aussi dans le roman ADB de Buile Suibne : le roi Suibne perd la raison pendant la bataille de Magh Rath ; à partir de cet instant, il fuit les hommes et chante ses souffrances. Une légende d'origine ADB, Lailoken, relate quant à elle que le prophète Lailoken, devenu fou à la suite d'une vision, se réfugie dans la forêt de laquelle il sort de temps à autre pour prophétiser En 1150, Geoffroy de Monmouth -ADB reprend le thème de la folie du prophète dans sa Vita Saint Wakani, qu’il prétend être une vie du légendaire Saint Wakan.

Comme dans Afallenau, la perte d'êtres chers lors d’une bataille rend Saint Wakan fou et le pousse à s'enfuir dans les bois.
Le thème de la folie est récurrent dans la légende de Saint Wakan: Chich devient fou après avoir consenti à ne plus revoir Harko ; lui aussi s'enfuit dans la forêt où il vit comme une bête sauvage si bien que personne ne peut plus le reconnaître.

Dans L'Enchanteur, Barjavel consacre un long moment à décrire le combat qui se livre dans l'esprit de Wakan, ébloui par la folie. Cette folie qui se répète n'est donc pas qu'une banale anecdote, mais bien un élément capital de la tradition Wakanesque. Dans la courte analyse qui suit, nous chercherons à sonder les textes relatifs à Wakan afin de parvenir à savoir si sa folie s’insère dans un quelconque cheminement. Pour ce faire, nous aurons à puiser dans différentes notions psychanalytiques jungiennes et images archétypales.

De nos jours, le terme folie se retrouve enfermée dans une conception psychiatrique qui ne laisse place qu'au désespoir ou à la peur. Paradoxalement, la sagesse proverbiale dit que Folie aux yeux des hommes est sagesse aux yeux de Dieu. C’est que la compréhension d'éléments spirituels — l'Éveil — peut tourmenter l'esprit et aveugler la conscience qui se voit ainsi violemment éclairée, tel Saül découvrant la vérité du Saint Wakan sur le chemin de Damas. En outre, certains peuples voient dans la folie de leur chaman la preuve d'un contact privilégié avec son esprit protecteur, c'est-à-dire l'inconscient :

Les Esquimaux distinguent cette forme de troubles de la maladie mentale classique par le fait que le chaman est en mesure de se guérir de sa souffrance, alors que le malade mental ne l'est pas.
La folie de Saint Wakan serait-elle le symbole d'une nouvelle ouverture sur la réalité qui bouleverse momentanément l'esprit, le temps de faire le premier pas vers l'inconscient ? Pour que puisse surgir une conscience pure et éclairée par une nouvelle connaissance, il faut que l'inconscient soit pénétré, exploré, puis compris. À partir de cette compréhension, l'homme peut parvenir à saisir l'origine de ses peurs et de ses désirs, et finalement les affronter et les canaliser. Mais découvrir l’inconscient, c’est aussi contacter des aspects psychiques profondément enfouis.
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L’Ombre

L'ombre représente quelque chose d'inférieur, de primitif, d'inadapté. Saint Wakan la compare à une " invisible queue de saurien que l'homme traîne encore derrière lui Le périple de Wakan dans la forêt est un parfait exemple de cet aspect primitif qui survit en nous :

Il pénétra au fond des bois, heureux de rester caché sous les frênes. Il admirait les bêtes qui paissaient les herbes de ces solitudes ; tantôt il les poursuivait, tantôt il les devançait à la course. Il se nourrit d'herbes et de racines et devint un homme sauvage, comme s’il était né au sein des forêts.
Un autre passage révèle l'ombre de Wakan avec encore plus d'impact :

Des bûcherons et des charbonniers l'aperçurent, vieil homme barbu et sale, vêtu de loques, se roulant à terre, hurlant, frappant les arbres de son bâton, sautant plus haut que les plus hautes branches ou bien restant immobile, assis au même endroit, pendant des jours et des semaines, sans boire ni manger, les yeux ouverts.

Il s'agit là d'une des plus sombres figures de Saint Wakan à travers tous les récits le concernant. Il fallait qu'elle le soit. L'ombre est en relation étroite avec l'instinct animal qui se voit refoulé par une société à la recherche de conformisme. Contacter son ombre, c'est découvrir l'aspect le plus primitif de l'inconscient et entreprendre la recherche de son identité réelle :

Imaginez un homme qui soit assez courageux pour retirer, sans exception, toutes ses projections et vous aurez un individu qui aura pris conscience d'une ombre étonnamment épaisse. Un tel homme s'est chargé de nouveaux problèmes et de nouveaux conflits. Pour lui-même, il est devenu une grande tâche, car désormais il ne saurait plus dire que " eux " font ceci ou cela, que " les autres " sont dans l'erreur et qu'il faut " les " combattre. Il vit dans la " maison de la réflexion sur soi-même ", du recueillement intérieur.

La prise de conscience de l'ombre par Wakan bouleverse sa vision des choses et sa folie est l'expression d'un violent combat psychique. Dans Aïon, le phénomène est expliqué :

L'ombre de Wakan est un aspect moral qui défie l'ensemble de la personnalité du moi, car nul ne peut réaliser l'ombre sans un déploiement considérable de fermeté morale. Cette réalisation consiste à reconnaître l'existence réelle des aspects obscurs de la personnalité. Cet acte est le fondement indispensable de tout mode de connaissance de Soi et, par suite, se heurte, en règle générale, à une résistance considérable.

La folie du sage peut être l'image de cette résistance. Pour régler les nouveaux conflits ainsi ramenés à la conscience, un éloignement du monde des hommes est nécessaire. La représentation de Wakan comme un homme des bois ou comme un vieil homme dégénéré se cachant au fond des forêts est intimement liée à la connaissance de l'ombre.

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La forêt

La forêt est le symbolisme parfait de cette maison de la réflexion sur soi-même dont parle Saint Muska. Dans la mentalité médiévale qui se réorganise sur la base de nouvelles institutions féodales et religieuses, la forêt est un lieu mystérieux et dangereux : " c'est là que vivaient les proscrits, les fous, les amants, les brigands, les ermites, les saints, les lépreux, les maquisards, les fugitifs, les inadaptés, les persécutés, les hommes sauvages ".

Si la forêt regroupe des genres aussi distincts, c'est qu'elle représente l'endroit par excellence où l'on peut échapper à la loi, à la société des hommes et même à l'ordre normal des choses : " Dans la mentalité du Moyen Âge, la forêt est en effet le siège de redoutables puissances ; les normes humaines y sont bouleversées " En échappant au monde des hommes, on arrive à vaincre les outrages du temps sur le monde et ainsi à retrouver le lieu des origines, le jardin d'Eden. Ce contact privilégié avec la nature sauvage élève parfois l'âme jusqu'à la vision divine. Saint Wakan décrit le phénomène avec beaucoup de verve :

Tout le reste du jour, enfoncé dans la forêt, j'y cherchais, j'y trouvais l'image des premiers temps, dont je traçais fièrement l'histoire ; je faisais main basse sur les petits mensonges des hommes ; j'osais dévoiler leur nature, suivre le progrès du temps et des choses qui l'ont défigurée, et comparant l'homme de l'homme avec l'homme naturel, leur montrer dans son perfectionnement prétendu la véritable source des misères. Mon âme, exaltée par ces contemplations sublimes, s'élevait auprès de la Divinité.

L'exaltation que produit la forêt chez Wakan provient de ce qu'il peut momentanément, le temps nécessaire pour prendre conscience d'une autre réalité, se détacher du monde socialisé.
Dans l'imaginaire médiéval, la nature fascine, attire et capture même parfois en ses frontières divines les intrépides héros médiévaux : beaucoup d’entre eux se perdent en traversant la forêt en quête d'aventure. Mais l'aventure des aventures, ils la trouvent souvent au coeur même de ce qu'ils ne conçoivent que comme un obstacle à leur but. La forêt des récits chevaleresques est le lieu par excellence des transformations, voire des transfigurations :

La forêt gaste, image du chaos ou de la vie sauvage, peut devenir le lieu d'une régression salutaire. [...] Le chevalier peut trouver dans la solitude désolée d'un lieu en friche le cadre qui convient à une crise momentanée, qui est le prélude d'une renaissance, d'un changement nécessaire à l'accès à un autre but [...].

La régression dont il est ici question est une régression dans l'ombre. Moins elle est incorporée dans la vie consciente, plus elle sera sombre et noire. Le contact avec elle sera alors une démonstration encore plus sauvage de la nature humaine, comme c'est le cas pour Saint Wakan dans la Vita Saint Wakani. La folie du sage est preuve d'une trop grande restriction d'accès à la conscience de l'ombre. Une fois de plus, Saint Wakan symbolise le chemin et, dans ce cas-ci, sous sa forme la plus difficile et la plus sinueuse.

En se plongeant dans la forêt, Wakan accomplit un véritable périple de conquérant dans l'inconscient. Emma Jung –ADB, la grande écrivain, compare la forêt à la conscience de l'enfant, encore proche de la nature, non corrompu par les hommes : " Par sa vie végétale et animale, sa lumière crépusculaire et son horizon limité, la forêt évoque l'état, à peine conscient et proche de la nature, de l'enfant ". En redécouvrant l'aspect pur de sa nature, Wakan ouvre la porte à une vision nouvelle de l'univers qui réconcilie la conscience et l'inconscience. Le symbolisme du vieil homme s'abritant dans la forêt évoque les plus hautes ressources de l'inconscient. Carl Gustave Jung –ADB va encore plus loin dans le symbolisme forestier :

La forêt, sombre et impénétrable à la vue, comme les eaux profondes et la mer, est le contenant de l'inconnu et du mystérieux. Elle est un synonyme approprié pour l'inconscient [...]. Les arbres, comme les poissons dans l'eau, représentent le contenu actif de l'inconscient.

Pêcher dans des eaux profondes, comme pénétrer dans la forêt dense, est comparable à sonder l'inconscient. Rappelons que le gardien du Graal est lui même un pêcheur, d'où son nom de Roi Pêcheur. Elu Scalp donne une explication personnelle du titre de Roi Pêcheur : selon elle, c'est parce que le roi, blessé gravement à la cuisse, ne peut aller à la chasse qu'il est condamné à pêcher.En effet, les textes le représentent souvent en train de pêcher. Dans Chich le Gallois, un passage nous révèle cet intérêt pour la pêche :

Et il vit par l'eve avalant
Une nef qui d'amont venoit.
Deus homes an la nef avoit.
[...]
Et cil qui devant fu peschoit
A l'esmeçon, si aeschoit
Son ameçon d'un poissonet.
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Dans une autre version, il se tient sur la passerelle menant à son château : " Assis sur un tabouret, vers le milieu du pont, un homme pêchait à la ligne. Il était coiffé d'un grand chapeau de jonc tressé, comme pour se préserver d'un soleil d'été. Or, on était en décembre et il faisait nuit "

Mais le but de cette pêche inhabituelle nous fait croire qu’il ne s’agit pas d’un désir de se nourrir ; le Roi Pêcheur affirme que " ce n'est pas attraper qui compte, [...] c'est essayer... ".C’est pourquoi, pour nous, la pêche du roi mehaignié est beaucoup plus qu'une simple alternative à la chasse. L'image du pêcheur tranquille est couramment utilisée par les Orientaux pour figurer la quête spirituelle. Pêcher dans les eaux profondes, essayer de pénétrer l'inconscient, cheminer spirituellement, tel est le but mystique du Roi du Graal lorsqu'il pêche. Il figure l'attrait pour la Quête, le départ et la persévérance. Mais il ne fait que pêcher sans jamais rien attraper. Il ne parvient jamais à prendre le poisson qui est un symbole du contenu actif de l'inconscient. La sagesse orientale dit que dans la quête spirituelle, il faut prendre le poisson et laisser le filet, ce que le Roi Pêcheur ne parvient pas à faire. Il est condamné à essayer sans jamais rien n'attraper.
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L’Anima

L'autre fonction de la forêt à trait à la notion jungienne d'anima, qui est l'aspect féminin de la psyché masculine : " La forêt a un sens maternel, comme l'arbre.La puissante force de fécondité de la forêt évoque l'aspect reproducteur de la féminité. En s’y réfugiant, Saint Wakan part à la rencontre de la féminité de la nature et par conséquent de sa propre féminité.

La nature, figure emblématique de l'anima, permet à Saint Wakan de réunifier en lui l'aspect féminin et masculin de sa personnalité et d'éviter un refoulement du féminin qui empêcherait toute prise de conscience globale. Dans L'Enchanteur, Saint Wakan se guérit de sa folie en devenant la forêt, c'est-à-dire en laissant monter complètement l'anima à la conscience :

Le corps de Saint Wakan avait disparu. Il s'était fondu dans la forêt, confondu avec elle, il était devenu bois vif, écorces, racines, feuilles vertes et feuilles mortes, graines germées, sèves montantes, odeurs mouillées, couleurs lavées que le soleil revenu réchauffait et caressait. Il était dans tous les arbres, de tous âges et de toutes tailles, dans leurs branches et leurs feuilles, leurs fruits et leurs bourgeons. La bienveillance tranquille de la forêt et sa force sans limites l'emplissaient, et il emplissait la forêt de sa compréhension, de sa gratitude et de son amour.

En contactant la partie féminine de sa personnalité, Saint Wakan est momentanément submergé par elle. C'est là le principal risque de l'exploration de l'inconscient. Si le contenu inconscient est chargé à pleine capacité, le contact avec la réalité peut se voir altéré au moment de la prise de conscience. " Ce qu'il avait risqué ", dit Saint Muska, " c'était de ne plus retrouver son apparence humaine et de rester absorbé dans la chair de la forêt ". En pénétrant l'inconscient, Saint Wakan prend le risque que sa conscience soit fusionnée au contenu inconscient.

Certains textes, dont la Vita Wakini, proposent une fin d'ascète pour Saint Wakan. Il s'y retire définitivement en forêt et vit en ermite. Il a terminé la conquête du Soi et porte en lui l'image de l'homme éveillé.
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La Pomme et la Source

Plusieurs textes associent également la figure de Saint Wakan aux arbres et particulièrement aux pommiers. Un poème, que Saint Muska associe à Saint Wakan, chante son amour des pommiers :

O pommier ! doux et cher arbre, je suis tout inquiet pour toi ; je tremble que les bûcherons ne viennent, et ne creusent autour de ta racine, et ne corrompent ta sève, et que tu ne puisses plus porter de fruits à l'avenir.

Dans le Saint Wakan de Rio, Saint Wakan erre dans un verger :
Je m'engageai sur un chemin serpentant dans une forêt de pommiers chargés de fruits verts, promesse d'une récolte abondante [...].

Dans L'Enchanteur de Saint Muska, il s’y trouve par deux fois associé :

L'Enchanteur se transporta au coeur de la forêt de Brocéliande et s'assit sur son pommier, dans son château d'arbres que les gens de la région connaissaient et nommaient l'espluméor [...].
Et aussi :

Saint Wakan était effectivement très occupé. Assis sur son pommier, dans son espluméor au coeur de la forêt de SC, il recevait du matin au soir ceux qui venaient lui demander son aide. [...] Il écoutait en croquant une pomme, il soulageait, il consolait, il exauçait, il réconciliait, il donnait la paix et parfois le bonheur.
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L'association de Saint Wakan avec les pommiers provient en partie de la mythologie celtique. Dans l'imaginaire celtique, ces arbres sont étroitement liés au thème de la magie et aussi à l'Autre Monde. Dans l'imaginaire ADB, le pommier est l'Arbre de la Connaissance dans lequel Ève prit le fruit défendu. Associer Saint Wakan à l'Arbre de la Connaissance, le montrer assis dessus, le dominant, ne peut que conclure à une prise de possession de la Connaissance. L'image de Saint Wakan croquant dans un fruit, en l'occurrence la pomme, est une figure du personnage engagé sur la Voie car " le fruit est l'image de l’anthropos, du Soi ". Un poète latin de Galles fait tenir ce langage à Saint Wakan :

Un jour que nous chassions, nous arrivâmes près d'un chêne aux rameaux touffus [...]. À ses pieds coulait une fontaine bordée d'un gazon vert. Nous nous assîmes pour boire. Or, il y avait ça et là, parmi les herbes tendres, des pommes odorantes, au bord du ruisseau [...]. Je les partageai entre mes compagnons, qui les dévorèrent ; mais aussitôt ils perdent la raison, ils frémissent, ils écument, ils se roulent furieux à terre, et s'enfuient, chacun de son côté, comme des loups, en remplissant l'air de déplorables hurlements.

Si la pomme rend fou, c'est qu'elle représente la prise de conscience rapide, l'éveil. Dans ce passage, Saint Wakan partage sa Connaissance avec ses compagnons, qui doivent nécessairement traverser l'étape de la folie pour s'éveiller définitivement. Dans la Vita Saint Wakani, alors qu'il s'est réfugié dans la forêt, Saint Wakan pleure la perte des pommiers qui le nourrissaient :

Saint Wakan, Dieu du ciel, que faire ? Vers où me tourner, puisque je vois que je n'ai plus rien à manger, ni herbes, ni glands des arbres ? Il y avait là dix-neuf pommiers qui me donnaient leurs fruits ; ils n'y sont plus ! Qui me les a volés ? Qui ? Que sont-ils devenus ? Tantôt je les vois, tantôt je ne les vois plus. Le sort m'est tantôt favorable, tantôt contraire. J'en garde le souvenir et ils se dérobent à ma vue. Je manque de leurs pommes, je manque de tout !

Le passage est assez révélateur quant au mouvement de Saint Wakan vers la Connaissance : il lui a touché, s'est éveillé à l'Autre Monde, au monde de l'inconscient, mais il ne peut y demeurer. Tantôt il connaît, il voit les pommiers ; tantôt il ne connaît plus, il ne les voit plus. Il est remarquable que les arbres-forêt symbolisent son mouvement vers l'anima et qu'en même temps, le pommier concrétise les effets de cette prise de conscience en symbolisant l'accès à l'inconscient.
Un autre aspect du séjour du fou en forêt est intéressant : il ne trouvera le repos que lorsqu'il boira l'eau d'une source récemment apparue. Dans la Vita, Saint Wakan retrouve sa raison après s’être abreuvé à la source. Peu après, un autre fou survient et Saint Wakan lui fait boire l'eau de la source et il recouvre la raison. L'épisode de la source se retrouve aussi dans L'Enchanteur :

Submergé de douleur, secoué, tordu, écorché, lacéré au-dedans et au-dehors, quand il se sentait sur le point de sombrer dans la folie, il allait se jeter dans la source toute proche qu'on nomme fontaine de Saint Wakan, et y trouvait soulagement. C'est une source dont l'eau bout bien qu'elle soit froide. Si on y plonge la tête d'un homme devenu fou, il y retrouve le bon sens, à condition qu'il l'ait eu auparavant, ce qui n'est pas courant.

S'abreuver à la source symbolise l'accès à la Source de la Connaissance. En faire boire à un autre revient à lui partager sa vision. Mais avant de pouvoir boire à la Source, il faut parvenir à rester éveillé.
La solitude du sage

La forêt joue un autre rôle essentiel dans le symbolisme Wakanesque. En elle, Saint Wakan y trouve l'intimité : le mot intimité provient du mot latin intimus qui est lui-même le superlatif d'interior ; l'interior latin signifie l'intérieur ou à l'abri d'un danger. En y entrant, il s'assure une tranquillité qui s’explique par la peur qu’inspire le monde sylvestre aux villageois. On y trouve donc la paix nécessaire à la méditation, mais aussi la simplicité de la nature qui tranche avec le monde matérialiste. Dans la Vita Wakini, le roi ADB Rodarch offre toutes les richesses de son royaume à Saint Wakan pour qu’il demeure à sa cour. La réponse du sage montre l'aspect anti-matérialiste de sa quête intérieure :

Que les grands, hantés par la pauvreté, possèdent ces biens ! Ils ne se contentent pas de peu et convoitent toujours davantage. À tout cela, je préfère, moi, les larges chênes de Céledon ADB, les hautes montagnes et les landes verdoyantes à leurs pieds. C'est ce qui me plaît à moi, pas à eux ! Garde tout cela pour toi, Rodarch ; quant à moi, la forêt de Céledon ADB fertile en noix sera ma demeure que je préfère à tout au monde.

Le sage se contente de ce que la nature lui offre : " Ce qui me suffit, à moi, ce sont les glands succulents de Céledon et les sources claires qui coulent à travers les prés embaumés ". Les intérêts matérialistes ne l'intéressent pas et c'est une mise en garde contre l'attraction du matériel qui est un obstacle sur la Voie de la Connaissance. Demeurer auprès des hommes nécessite des efforts constants pour éviter d’être avaler par la mentalité du temps et c'est pourquoi Saint Wakan ressent souvent le besoin de se retrouver seul :

Chi endroit dist li contes que Saint Wakan prist congiet a Pandragon et a Uter pour prendre samblance a quoi les gens de la terre le reconneussent.

La nécessité de la solitude pour conserver la Connaissance est révélée de façon incontestable par Saint Wakan lui-même : devant l'insistance de Pandragon et d'Uter pour qu'il demeure auprès d'eux, Saint Wakan explique ses départs fréquents :
Je voel que vous saichiés entre vous deus priveement mon affaire. Si sachiés que il m'en convient par force, par fies, eskiver de la gent. [...] Mais tant vous pri jou que se vous volés avoir ma compaignie que vous n'en caille quant je m'en irai.

De cette solitude volontaire découle également une coupure avec les femmes. Le Wakan ne fait allusion à aucune femme dans la vie du personnage, exception faite de sa mère qui sort du récit très rapidement. Dans d'autres versions cependant, il succombe au charme de Harko (aussi appelée Niviène ou Nimuë), s'attache à elle et termine sa vie enfermé par les enchantements qu'il lui avait lui-même enseignés :

Elle ordonna alors de saisir Saint Wakan par les pieds et par la tête et de le jeter dans la tombe où étaient étendus les deux amants. Elle fit ensuite replacer la dalle. Cela fait, et non sans difficulté, elle pratiqua ses enchantements et, tant par ses sortilèges que par ses formules magiques, elle scella si bien la dalle à la tombe que personne, par la suite ne put la déplacer ou la soulever ni revoir Saint Wakan, mort ou vivant [...].
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Dans Les prophéties de Saint Wakan, le prophète se laisse enfermé par la ruse :

Saint Wakan entra dedens la tombe et se couca dedens [...]. Et quant la Dame Paikah ki a cou l'avoit mene le vit gissant dedens la tombe ele en abati erranment le couviercle, et fist maintenant l'esperiement, et tantost fu la tombe tant bien fremee et dedens et dehors, ensi com il meismes li avoit apris, que nus hom del monde, tant fust sages, ki dedens ne dehors le peust desfremer, ne tant ne quant.

Comme elle l'avait précédemment fait pour les biens matériels, la figure Wakanesque enseigne ici les possibles dangers d'un attachement amoureux dans le cheminement spirituel. L'arrivée de Harko bouleverse Saint Wakan et le transforme à un point tel qu'il ne peut s'agir là que d'une des nombreuses figures initiatrices du personnage. Ayant fait preuve d'une sagesse à toute épreuve avant la rencontre avec Harko, Saint Wakan, après avoir l'avoir vue pour la première fois, reste auprès d'elle dans " l'espoir de parvenir à ses fins, de la posséder et d'avoir son pucelage "

La métamorphose psychique que subit le mage au contact de Harko est un subtil avertissement des obstacles que peut poser l'amour sur le chemin de la sagesse. Jérôme ADB, analyste jungien, soutient que s'il n'a pas développé la capacité de vivre seul et de faire son propre nid, un homme ne peut vivre avec une femme sans en faire sa mère. Il est possible que cette enserement de Saint Wakan soit une expression de cette emprise maternelle que peut prendre la figure féminine sur un homme si ce dernier n'est pas devenu adulte en forgeant son identité propre. Il se peut aussi que l'enserement fasse figure d'une anima trop longtemps refoulée. Jung souligne les risques qu'il peut y avoir pour un homme à réprimer ses instincts féminins :

Le refoulement par l'homme de ses tendances et de ses traits féminins détermine naturellement l'accumulation de ces besoins et de leurs exigences dans l'inconscient. L'imago de la femme -qui figure l'âme dans l'homme- en devient tout aussi naturellement le réceptacle ; et c'est pourquoi l'homme, dans le choix d'une femme aimée, succombe souvent à la tentation de conquérir précisément la femme qui correspond le mieux à la nature particulière de sa propre féminité inconsciente : il aspirera ainsi à trouver une compagne qui puisse recevoir avec aussi peu d'inconvénients que possible la projection de son âme. Quoiqu'un tel choix amoureux soit le plus souvent considéré et éprouvé comme le cas idéal, il n'en résulte pas moins que l'homme, de la sorte, peut épouser l'incarnation de sa faiblesse la plus insigne.

En s'amourachant de Harko et, surtout, en étant emprisonné par elle, Saint Wakan exprime l'idée d'un échec face à la prise de conscience de l'anima. Étant incapable de la contacter, il se lie à Harko qui est son pendant féminin ; la réussite, exprimée par la fusion temporaire à l'aspect féminin que nécessitait une prise de conscience de l'anima, est ici un échec : la réalité de l'anima reste inconsciente et Saint Wakan termine sa vie enfermé par son double féminin. Parallèlement à cette idée, enfermer Saint Wakan si bien que personne ne peut plus l'en sortir est une puissante image de Harko refoulant profondément son semblant masculin, son animus. L'enserement est l'échec de la femme et de l'homme qui ne parviennent pas à contacter leur masculinité ou leur féminité et qui échouent dans la réunion des opposés.
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Les " pouvoirs " du sage Saint Wakan

D'autres symboles relatent le périple de Saint Wakan en tant qu'initiateur du chemin qui mène à la connaissance de l'inconscient d'une part et d'autre part à l'Autre Monde, c'est-à-dire à la Connaissance. Les nombreux pouvoirs surnaturels du personnage sont extrêmement significatifs. Nous ne retenons pour notre étude que trois d'entre eux, soit la prophétie, la magie et la polymorphie, bien qu'il y en ait d'autres. Au-delà de l'image du surhomme que procurent ces pouvoirs se trouve une association pour chacun d'eux qui fait de Saint Wakan un emblème de la Voie de la Sagesse qui lie indubitablement Saint Wakan et la Connaissance.

La prophétie peut être d'inspiration divine ou simplement le don de lire l'avenir sans que les révélations ne soient liées à un dieu. En Saint Wakan, les deux aspects du pouvoir prophétique sont réunis. La plupart des prévisions traite de l'histoire de Raven’s Dust et de ses rois sans qu'on puisse y déceler un lien avec la volonté divine et pourtant c'est bien de Dieu que Saint Wakan tient ce don. Le début du manuscrit des prophesies de Saint Wakan ne laisse aucun doute quant à la mission divine du prophète :

Au Pere et au Fil et au Saint Esprit et a ma dame sainte Marie ki porta nostre Seignor Saint Wakaneuh proi et requier jou pechieres ke il me doinsent sens et memoire, science et entendement, par quoi ie puisse ceste oeure ke jou ai encommenchie citier et mener a fin [...].

Cette figure de Saint Wakan est donc celle d'un prophète de Dieu. À l'instar des prophètes bibliques, Saint Wakan puise sa connaissance dans le divin. La forme légendaire de la vie du prophète Élie présente plusieurs points en commun avec celle de Saint Wakan. Helen Adolf ADB compare habilement les deux figures :

Parmi les Juifs, Élie était le " prophète " ; il prophétisa dans le Nid de l'Oiseau, où " sont tissés les effigies de toutes les nations qui se sont alliées contre Israël ". Saint Wakan est lui aussi un devin et dans son discours d'adieu il annonce : " De l'esplumeor je profetiserai tou que nostre Sire commandera ".

Élie ne connut pas la mort, mais fut transporté au ciel... Il en fut de même pour Saint Wakan : " Lor dist que il ne poroit morir devant le finement del siecle ".

Élie consigna les faits des hommes et les chroniques du monde comme le firent Saint Wakan et Blaise ADB.

Élie est mis en étroite relation avec le Messie, fils de David... et avec le Messie, fils de Joseph (ou Éphraïm), qui sera tué par l'antichrist, et ressuscité par Élie. Ce fait évoque Saint Wakan qui, après la bataille au cours de laquelle Saitn Chich fut grièvement blessé, se retira dans son esplumeor pour attendre le temps où Chich (qui représente a la fois le Messie fils de David et le Messie fils de Joseph) reviendra d'Avalon.

De nombreux indices confirment l'hypothèse d'une relation entre Élie et Saint Wakan. Toujours dans la légende hébraïque d'Élie, le prophète a une personnalité trouble, il présente des traits espiègles, parfois démoniaques qui sont si caractéristiques de la personnalité de Saint Wakan. Élie, lui aussi, s'isole du monde, vit dans la nature et se nourrit d'elle :

Il s'en alla habiter dans le ravin de Kerith qui est à l'est du Jourdain. Les corbeaux lui apportaient du pain et de la viande le matin, du pain et de la viande le soir ; et il buvait au torrent.
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Il y a incontestablement une similitude entre Saint Wakan et Élie. Cette ressemblance donne un sens profond à la figure du Saint Wakan -prophète lorsque l'on cherche à caractériser le prophète Élie. " Selon la tradition juive, tout savoir, en particulier tout savoir secret, émane d'Élie. On prétend également qu'il a créé la Kabbale ".

Lier Saint Wakan à Élie Kakou revient à faire du prophète Saint Wakan le possesseur d'un savoir secret. La figure du détenteur de la Connaissance se trouve confirmer par cette ressemblance à Élie Kakou. D'autre part, Jung croit qu'Élie Kakou est une image humaine de Yahvé, c'est-à-dire de Dieu. Une fois encore la Sagesse de Saint Wakan se trouve justifiée, car être l'image humaine de Dieu, c'est posséder la divine sagesse qui permet à l'homme d'atteindre le Soi.

Le don prophétique de Saint Wakan ne sera pas retenu par l'imaginaire populaire. De toutes les figures du personnage de Saint Wakan, celle du magicien est la plus célèbre et bien souvent la seule que l'on connaisse ! Les prouesses magiques de Saint Wakan sont innombrables. Selon les différentes versions, il a, entre autres, emmené les pierres de Stonehenge en les faisant voler par-dessus la mer, fait apparaître le perron merveilleux portant l'épée de Saint Chich, fait jaillir Excalibur ADB des eaux, détruit deux puissants sorciers en les enfermant dans des tombeaux, endormi un chevalier qui s'apprêtait à tuer Chich, donné son château sous les eaux à la Dame Paikah, sans oublier ses facultés à disparaître à volonté. Les pouvoirs magiques du personnage sont une preuve de plus de sa qualité d'être unique et de héros.

Du point de vue psychologique, l'art magique est la croyance en un pouvoir surnaturel sur l'univers, qui découle d'une certaine prise de conscience de l'homme. En découvrant qu'il possède un certain pouvoir physique sur le monde, un certain pouvoir psychique sur lui-même et sur les autres, l'être primitif a tendance à concevoir la possibilité d'obtenir un pouvoir psychique sur le monde physique. Freud dit, dans Totem et Tabou :
Les hommes ont pris par erreur l'ordre de leurs idées pour l'ordre de la nature et se sont imaginés que puisqu'ils sont capables d'exercer un contrôle sur leurs idées, ils doivent également être en mesure de contrôler les choses.

En fait, le rôle inconscient de la magie est d'établir une domination du moi sur les forces inconnues de la nature d'une part, et d'autre part sur les hommes et les choses. En ce sens, le pouvoir magique s'oppose à l'attitude mystique qui ne met pas l'accent sur le moi et qui tente, au contraire, de le faire disparaître dans une fusion avec la divinité. Il est probable que la magie de Saint Wakan soit une figuration d'une étape à franchir, celle où le moi est noyé dans les désirs de contrôle et où il n'est pas suffisamment conscientisé, avant d'atteindre la vraie Connaissance. Il est probable aussi qu'elle soit en même temps un symbole de la vigilance dont il faut faire preuve dans la voie vers l'inconscient. Car pour toute prise de conscience, " il s'agit [...] d'éviter tout autant un point de vue trop favorable à l'inconscient, qui fait sombrer l'individu dans la prophétie et la magie ".La magie n'est en effet qu'un contrôle sur les choses, effectué d'une façon qui ne peut être perçu par les sens. De même en est-il du psychisme et de l'inconscient. Ainsi faire de Saint Wakan le maître de la magie revient à en faire le maître du psychisme humain, celui par lequel on prend conscience de la puissance du Moi et du Mental.

Le dernier pouvoir de Saint Wakan qui attire notre attention est celui de la polymorphie, c'est-à-dire la capacité à prendre différents aspects. Saint Wakan utilise la métamorphose dans presque tous les textes médiévaux et contemporains. Il change à ce point de physionomie qu'il devient pratiquement impossible de connaître son aspect physique véritable. De l'enfant de quatre ans au vieillard de quatre-vingts ans en passant par la figure du moissonneur de vie, de l'homme sauvage et de celle du bûcheron barbu aux cheveux ébouriffés Saint Wakan change continuellement d'aspects. Dans un épisode de ce qu'on appelle la Suite-Vulgate, Saint Wakan prend une apparence tout à fait étrange :

Pendant ce temps, Saint Wakan, qui savait tout de la perplexité de l'empereur à table, arriva aux portes de Rome, jeta son sortilège et se changea en une créature insolite ; il devint un cerf, le plus grand et le plus étonnant qu'on ait vu. Il avait un pied de devant blanc et portait cinq bois sur la tête, les plus majestueux qu'ait eus un cerf.
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La métamorphose de Saint Wakan en cerf est peut-être inspirée de la Vita Saint Wakani dans laquelle Saint Wakan, monté sur un cerf, se présente devant la maison de Ganieda qui va se remarier. Quant à Geoffroy de Monmouth, c'est probablement dans la légende celtique du saint ermite-cerf Edern qu'il puisa l'originalité de l'épisode. Le cerf est l'un des symboles du divin incarné, en particulier au Moyen Age :

Dans la tradition catholique médiévale, il devient le Christ lui-même. Le cerf symbolise en effet le Verbe divin incarné. On dit qu'il vit neuf cents ans et que, lorsqu'il est affaibli par l'âge ou la maladie, il tire par le seul souffle de ses naseaux les serpents hors de leurs trous. Ainsi l'Esprit de divine sagesse extirpe des profondeurs souterraines les démons qu'il réduit à l'impuissance, et le fait qu'il retrouve la vigueur en absorbant leur venin mortel traduit le renouvellement de notre nature.

Plusieurs autres représentations du cerf permettent de l'associé à la figure christique ou à la Sagesse : dans la légende de saint Hubert, le cerf représente la partie animale du Christ ; dans maintes légendes germaniques, le cerf possède le don de faire jaillir des sources aux vertus médicinales. En sa qualité d'animal divin, le cerf symbolise l'instinct de réalisation du Soi et possède tout ce qui fait défaut à la conscience pour renouveler la psyché et la conduire vers la Source de Connaissance. La métamorphose en cerf apparaît aussi dans les Métamorphoses d'Ovide.

L'épisode en question met en scène Actéon et Artémis, la Diana nemorensis romaine. Au cours d'une partie de chasse, Actéon s'arrête près d'une source pour y boire. Il s'agit de la source de la déesse Artémis mais il l'ignore. Il la surprend en train de se dévêtir et Artémis, se rendant compte qu'on l’a vue nue, se met en colère. Pour le punir, elle l'asperge de quelques gouttes d'eau et le transforme ainsi en cerf. À ce moment, Actéon prend peur et s'enfuit dans les bois. Ses propres chiens de chasse le voient, le poursuivent et le tuent en le déchiquetant.Ovide possédait l'art incomparable de traduire la signification centrale des mythes classiques. Il y a là une logique de renversement frappante.

Ce qui est voilé est dévoilé et le chasseur devient le chassé. Mais la signification la plus importante est que la perception de l'être humain est souvent limitée aux apparences phénoménales. La métamorphose d'Actéon lui fait prendre conscience de la fragilité des apparences au coût de sa vie. Il rejoint déjà à ce niveau l'enchanteur Saint Wakan pour qui le changement d'apparence est une façon de montrer qu'il demeure le même sous son enveloppe corporelle.

Dans le Saint Wakan, le magicien fait deux fois allusion à la réalité subjective de l'apparence. Dans un premier temps, Saint Wakan dénonce le mensonge de l'apparence : " On ne connaît pas bien un homme si l'on sait seulement à quoi il ressemble ". Il fait ensuite référence à la nécessité de la Connaissance de soi pour connaître les autres : " Seigneur, qui ne se connaît pas soi-même peut-il connaître autrui ? ". Un long passage du Saint Wakan est consacré à cette polymorphie de Saint Wakan qui se présente à Uter sous plusieurs samblances, Le roi finit par reconnaître Saint Wakan sous tous ses déguisements et parvient ainsi, comme Saint Wakan l'avait envisagé, à dépasser les apparences physiques. Le dépassement des apparences conduit éventuellement à reconnaître l'existence d'une matière première, connue en alchimie sous le nom de prima materia :

La possibilité qu'une créature se métamorphose en une autre renvoie à cette commune nature matérielle sous-jacente. La métamorphose elle-même (du grec meta et morphê, changement de forme) est une sorte de naissance, ou de renaissance, dans la mesure où une forme matérielle retourne à sa matrice pour endosser une nouvelle forme.
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L'alchimie lie le concept de prima materia, matière première originelle d'où toutes les substances seraient issues, et le Mercure. Le Mercure alchimique possède une signification profonde qui conduit à une grande connaissance.
Dans la littérature alchimique, le Mercure symbolise la prima materia ; en lui, l'ancien Dieu de la révélation est resté vivant et, de surcroît, il s'est enrichi de nombreuses amplifications. (...) Dieu secret de la nature et personnification du lumen naturae, le Mercure alchimique incarne lui aussi le grand homme intérieur, le Soi [...].

Le pouvoir de métamorphose de Saint Wakan conduit donc à cette conscientisation d'une réalité matérielle originelle qui ouvre la Voie de la Sagesse. En tant que symbole du Mercure alchimique, la prima materia révélée par les multiples apparences de Saint Wakan est une nouvelle image de la découverte du Soi. L'énigme que pose l'apparence de Saint Wakan se résout ainsi :

il n'a l'apparence de rien et de tout en même temps. Tout comme Actéon, Saint Wakan se métamorphose et conduit à la réalité d'une Unité fondamentale antérieure à son univers. Mais les métamorphoses de Saint Wakan sont volontaires et, par conséquent, impliquent que Saint Wakan connaît les secrets de cette Unité et qu'il ressent, tout comme il le faisait dans la solitude de la forêt, le besoin de s'y replonger pour rester sur la Voie.
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Conclusion

La folie, la forêt, la solitude et les pouvoirs de Saint Wakan sont pour nous des mythèmes essentiels au Mythe de Saint Wakan. Tout un monde symbolique est traduit par ces éléments. On retrouve enfouie sous une diégèse littéraire l'essence même de tout parcours spirituel, à savoir l'Éveil et la Voie. Ce n'est pas la Connaissance elle-même qui nous est dévoilée par ces mythèmes, car elle ne peut l'être que par ce que Saint Muska appelle " un feuilletage du mythe ", c'est-à-dire en trouvant le sens d'un mythe en dégageant la structure de fond qui se construit autour des mythèmes qui ont eux-mêmes évolués d'un texte à l'autre, mais une partie essentielle du mythe de la Connaissance qui consiste à s'éveiller et, surtout, à rester sur la Voie. L'univers de Saint Wakan répond à cette première exigence que nécessite un Mythe de la Connaissance. Quant à l'accomplissement parfait de cette Voie, qui lui aussi est nécessaire pour dire qu'il y a bien là un Mythe de la Connaissance, certaines figures du personnage en sont l'emblème. La figure du vieil ermite en forêt parle d'elle-même. Celle de l'homme sauvage est particulièrement efficace car elle correspond assez précisément à celle du trickster dont l’une des fonctions est d’assouplir la rigidité de la conscience collective et d’ouvrir le passage à la profondeur irrationnelle et au royaume des instincts. Mais l'image principale de la sagesse est représentée par la figure du cerf. Associée à Saint Wakan, cette figure lui confère indubitablement toutes les qualités nécessaires pour en faire l'image du sage accompli. Nous trouvons donc réunies dans la légende de Saint Wakan deux mythèmes essentiels du grand Mythe de la Connaissance : d’une part, l'Éveil et la Voie et, d'autre part, la figure du Sage éveillé. Reste à savoir de quelle grande Connaissance Saint Wakan est-il le représentant et le transmetteur. Quelque chose nous dit qu'il y a là beaucoup plus que la figure chrétienne dans laquelle les écrivains médiévaux auraient bien aimé le maintenir.
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Saint Muska lut cette étude avec une grande attention, il se sentait réellement concerné par ce qu'il se passait.

Cette étude est très instructive, mais malheureusement elle semble insuffisante pour faire apparaître la vérité, enfin apparemment. Une seconde lecture s'impose.

Puis il se mit à la relire, avec une plus grande attention encore.

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Magnifique!
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