On la voyait chaque année lors de vacances. Elle venait de son lointain pays de canaux et de polders pour venir à la rencontre des montagnes et du Soleil. Rose et joufflue comme un bébé, ruisselante de sueur, elle marchait sur les sentiers escarpés que le soleil écrasait de ces rayons. Elle était là, rayonnante de bonheur dans la fournaise, alors que nous nous terrions en quête d'un peu d'ombre, d'un peu de fraîcheur. Elle avait cet air volontaire des gens persuadé de faire bien, et cet accent charmant de ceux qui viennent de loin.
Quel froid avait elle connu là haut pour qu'elle vienne se brûler ainsi ici ? Combien plates devaient être ses routes pour aimer à ce point les pentes ? Cela ne semblait pas possible, nous ne pouvions la comprendre. Un été, nous ne la vîmes point. Et l'hiver venu, le faire-part nous parvint. Elle était morte là bas, dans ce froid et ces brumes qui me faisait pleurer quand j'écoutais Brel. Ces cendres furent dispersées au pic d'Esparon, dans ce pays qui n'était le sien mais qu'elle avait adopté, comme tant d'autre. Je ne la connaissait qu'à peine, je ne lui avait jamais parlé, et sa mort ne m'avait apporté aucune tristesse.
C'est en marchant sur la route qu'elle empruntait souvent que j'ai pensé à elle. Plutôt que de fuir pour l'ombre, j'ai continué dans ce qui avait du être ses pas. Bien vite, j'ai du ôter ma chemise, mais, malgré ce léger souffle d'air qui sortait parfois des bois, j'ai vite été inondé de sueur, comme elle l'était lorsqu'elle passait devant chez nous. Mon expérience me disait que c'était un calvaire que je m'infligeait sans raisons. Mais la sueur ne me piquait pas les yeux, le soleil ne me brûlait pas, les mouches me laissaient en paix et mes bras se balançaient le long de mon corps, glissant sans ce frottement irritant. A ma grande surprise, j'étais bien.
Etait ce parce que son esprit protège désormais l'endroit et ceux qui suive, ne serait ce qu'un instant, un chemin semblable au sien ? Sait-on jamais... Mais je ne le pense pas vraiment, plutôt, elle m'a permis de comprendre, une fois de plus, que le bien être trouve sa source en soi même, et pas en dehors, dans l'être et pas dans l'avoir. Il suffit de prendre le bon point de vue.
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