Plumes d'éternité

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LE MONDE | 11.06.03 | 13h52 • MIS A JOUR LE 11.06.03 | 13h53

Exposition : les oiseaux des Andes ont donné leurs couleurs pour l'éternité
A la Maison de l'Amérique latine, des vêtements et des têtes de plumes multicolores réalisés avant la conquête espagnole sont présentés dans un étonnant état de conservation.
Mosaïques de vert, rouge, jaune, bleu, motifs géométriques circulaires, en bande, en losange ou en damier, coiffes qui se terminent en touffe, couvertures cérémonielles, bourses, tuniques ornées de figures humaines ou animales, masques aux grands yeux ouverts... Toutes ces pièces éclatantes ont plusieurs points communs : elles sont réalisées à base de plumes ; elles viennent du Pérou et ont été confectionnées avant la conquête espagnole ; elles ont été trouvées dans des tombes.

L'exceptionnel ensemble de ces "tissus" de plumes présenté à la Maison de l'Amérique latine a été réuni par Georges Halphen, un collectionneur qui vient de mourir. Les objets de sa collection sont issus des civilisations, expansionnistes ou non, qui se sont succédé, le long des Andes péruviennes, sur la côte Pacifique ou à l'intérieur du massif montagneux.

Plumes de flamants, de condors, de hiboux, de perroquets, d'oiseaux de paradis ou de colibris servaient à élaborer cet art singulier, particulier à l'Amérique précolombienne. Les Aztèques ne l'ignoraient pas. Cortès envoya à Charles Quint le bouclier dit de Moctezuma, confectionné à base de plumes rouges et bleues.

Les plus anciens tissus ont été élaborés par des représentants de la civilisation Chavin (1000-200 av. J.-C.) dans le nord du Pérou ; les plus récents par les Incas, dont l'empire déborda largement les frontières de l'actuel Pérou et fut brutalement décapité par l'arrivée des conquistadores en 1532. Entre ces pôles et ces dates se sont épanouies les civilisations nazca, huari, chimu ou chancay. Cette plumasserie d'une stupéfiante beauté était portée par des dignitaires des différents Etats de la cordillère. La charge magico-spirituelle de ces "tissus" était suffisamment forte pour que les occupants espagnols en interdisent la fabrication.

Ces vêtements, retrouvés dans des tombes, enveloppaient le corps des défunts, préalablement momifiés. Parfois, celui-ci était surmonté d'une "fausse tête" au visage de plumes et d'étoffe décoré d'éléments métalliques. La tombe pouvait contenir aussi une "tête-trophée", crâne d'un adversaire vaincu, et dont le visage était lui aussi reconstitué à l'aide de plumes.

La collection Halphen nous en propose quelques spécimens remarquables. Notamment cette tête-trophée Nazca-Huari (côte méridionale, vers 700-1100 ap. J.-C.), avec sa frange de vrais cheveux, ses pupilles dilatées, son larmier, son nez et sa bouche de métal qui se détachent sur un fond de duvets rouge brique.

SIGNIFICATION MYSTÉRIEUSE

A remarquer également cette tunique chimu (côte septentrionale, vers 1100-1460 ap. J.-C.) avec son décor complexe de personnages, les bras étendus, cernés de silhouettes d'oiseaux, dont les couleurs s'opposent.

Georges Halphen a fait don de cette pièce au futur musée du quai Branly. Sur une autre tunique, nazca (côte méridionale, vers 100-200 ap. J.-C.), un personnage aux couleurs stridentes et à la composition géométrique a été brodé. La remarquable conservation et la fraîcheur de ces pièces tiennent au climat particulièrement sec de la côte péruvienne.

Les quelques textes évoquant cet art, au moment de la conquête du Pérou, signalent que ces pièces sont d'habitude élaborées par des femmes, selon des codes précis. C'est ainsi que l'on trouve dans cette collection des thèmes figuratifs qui pourraient rappeler des épisodes de la vie quotidienne, mais aussi des motifs pictographiques, signes et symboles qui traduisent une vision du monde.

Les formes et les couleurs des assemblages abstraits renvoient assurément à une même démarche. Mais "le sens et la signification des images des compositions de plumes restent mystérieux, nous dit James W. Reid, spécialiste des textiles anciens du Pérou. Ce qui est certain, c'est que les oiseaux avaient une grande importance dans la culture andine. Ils représentaient un thème de prédilection, pour les artistes, tant par leur aspect esthétique que par les couleurs franches ou délicates de leurs plumes, et par le symbole de l'envol et de légèreté spirituelle inaccessible aux humains qu'ils incarnaient."

Emmanuel de Roux
J'ai cherché des photos sur google, j'ai rien trouvé, bien sur... Je ne pensais pas qu'on pouvait faire des vêtements en plumes, ce doit être superbe. Quelqu'un a des infos ou des images la dessus ?
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