J'ai apprécié ton texte Aloïsius. J'ai une nuance importante à apporter.
Si l'on essaye de tirer l'idée principale de ton petit essai, on en déduit que devant le défi planétaire, qu'il soit économique ou politique, la démocratie libérale telle que nous la connaissons devient, est devenue impuissante. Partant, chaque secteur de notre vie quotidienne serait soumis aux lois de méga-corporations mondiales, soumises elles-mêmes à leurs propres lois, leur fonctionnement interne, leur propre dynamique de caste.
Devant les défis financiers de la mondialisation, où l'argent semble être le nerf de la "guerre", les Etats-Nations sont devenus impuissants, laissant le champ plus ou moins libre à ceux qui détiennent donc le vrai pouvoir, les capitaux, les méga-sociétés commerciales.
Mais tu l'as dit, en prenant pour exemple les pays à dominante musulmane, des mouvements de contestation naissent. Pour contester quoi ? Leur manque de pouvoir face à ces sociétés, leur impuissance face à leur pauvreté, l'indifférence des pays responsables, d'après eux, de cet état de fait.
On peut donc observer, comme autre facette de la "résistance", le renouveau d'un mouvement connu : le communautarisme, ou encore le tribalisme.
Le terrorisme comme alternative à la lutte politico-financière. Quand on dit que la violence ne résout rien, on peut considérer cet adage comme relativement juste.
Suite au 11 septembre 2001, on a bien vu la réaction américaine. A la violence, ils répondent par la violence. Rien n'a été construit, rien n'en est réellement ressorti, sinon l'avènement définitif des USA en tant que première puissance militaire et économique mondiale. Et de loin. Les critiques ont beau pleuvoir, les analyses stratégiques aussi, personne ne viendra contester leur suprématie. D'où peut-être, à l'heure actuelle, l'absence totale de conflits symétriques, complètement impensable, et source de frustrations ( à ce sujet, une réflexion intéressante pourrait être menée : Jusqu'à nos jours, aucune puissance ne pouvait réellement régner durablement sur le monde, notamment parce que d'autres pays, en s'alliant, pouvait militairement le soumettre. Etait-ce un élément de garantie de la stabilité mondiale, ou plutôt un vecteur d'instabilité, ou vaut-il mieux avoir un seul "gendarme du monde "? ).
Or c'est bien d'un pays dont nous parlons. Mais ce pays est-il soumis à l'influence de "super-lobbies" économico-politiques ? Peu importe au fond. Ce qui importe, ce sont bien les apparences. Les apparences d'une démocratie, l'apparence qui veut que ce soit le chef politique élu qui ait le pouvoir, et non pas des gens de l'ombre, des gens nommés, cooptés.
On relèvera ici une limite à ta prospective. Les peuples ne supportent pas une chose par-dessus tout : ne pas savoir qui dirige, et au nom de quelle légitimité. L'Histoire regorge d'exemples où les peuples se sont battus pour une ou des idées, menés par un ou des Hommes. Les capitaux ne font pas bouger les foules ( sauf quand il s'agit des retraites ).
On prendra comme exemple récent la construction européenne. Les peuples des pays membres se plaignent d'un "déficit" démocratique. Ils ne savent pas qui fait quoi, et au nom de quelle légitimité. La Parlement européen ? Il n'a, à l'heure actuelle, qu'un pouvoir de suggestion, et un très petit pouvoir de co-décision.
Les peuples veulent du démocratique, veulent des élus, veulent du pouvoir, en somme. Et même s'il ne s'agit que d'apparences trompeuses, l'apparence pourrait très bien un jour sauver nos libertés et nos droits. Car ne plus se soumettre aux règles, qu'elles soient nationales, régionales, mondiales, c'est bafouer le droit même des peuples à présider à leur destiner. Qui pense détenir le pouvoir par les capitaux, court, à plus ou moins long terme, à sa perte.
A supposer que les apparences ne sauvent même plus un semblant de démocratie, nous pourrions être amenés à un retour communautariste violent.
Depuis l'avènement de la mondialisation, de plus en plus de petites "entités" qu'ils s'agissent de petits pays comme de régions d'un même pays, on observe un repli communautariste certain. On pourra, pour la France, parler des Corses, des Bretons, des Basques.
L'objectif de ces groupements est justement la protection contre les puissants, contre l'Etat lui-même, qui n'est plus en mesure de leur assurer que ses décisions seront toujours prises dans l'intérêt de tous, ou dans l'intérêt d'une catégorie de citoyens.
Pour se donner bonne conscience, la France décentralise. Dans le même sens, le tissus associatif des USA n'a jamais été aussi puissant et virulent ( on pensera aux regroupements religieux notamment ). Que dire encore du renouveau des mouvements sectaires ?
Si les tendances que tu décris dans ta prospective s'avère être vraies, je pense que naitrait un monde non pas unipolarisé, commandé par quelques grosses structures, mais un monde profondément tribalisé, ou chaque communauté fera plus ou moins sa loi, dans son quartier, sa ville, sa région, son pays, son continent, etc .......
Il ne faut pas sous-estimer ce communautarisme des "mécontents", ce repli, parfois violent, comme on le voit avec le fondamentalisme religieux et sectaire, parfois pacifique.
La démocratie renaitra de ses cendres, et de nationale, deviendra locale, pour le meilleur comme pour le pire.
Pourrait-on alors entrevoir un néo-féodalisme du XXI ou XXII ème siècle ? Peut-être, seul l'avenir nous le dira.
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