Chapitre 25: Aaah, la politique

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Quelques révélations... je dirais... intéressantes, dans ce chapitre

Mais bon, peut-être que vous vous en doutiez déjà.
Enjoy !

Introduction
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Chapitre XXI
Chapitre XXII
Chapitre XXIII
Chapitre XXIV

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Le brouillard était de plus en plus épais, et la pluie ne cessait de tomber. Le palais était couvert d'une brume malveillante, dont les doigts crochus et ricanants tapotaient doucement les fenêtres avant de retomber en écharpe vers le sol. Les gardes se serraient les uns contre les autres autour des braseros qu'on avait installé dans l'embrasure des portes, et même le son des dés roulant sur les dalles avait laissé la place aux claquements de dents et aux jurons des pauvres diables. C'était un temps à ne pas mettre un homme dehors. Par une telle nuit, la meute du Dieu des Morts devait certainement arpenter la terre, pour récolter des âmes qui alimenteraient son armée des ténèbres.

Mandonius n'avait jamais cru en ces fadaises. Pourtant, il fit un signe pour se protéger contre le mauvais œil alors qu'il sortait à l'extérieur. Il y eut un violent éclair, qui l'éblouit à moitié. Quelques secondes plus tard, le tonnerre se mettait à gronder. Il remonta les pans de son manteau contre son visage. C'était une bien faible protection contre la pluie battante, mais son manteau était resté dans sa chambre, et il était déjà trop en retard pour retourner le chercher, aussi désirable qu'une lourde épaisseur de fourrure de renard puisse paraître. Il allait devoir serrer les dents. Cela ne contribuait pas à améliorer son humeur.

Lorsqu'il passa entre les gardes amassés sur le seuil, ceux-ci se retournèrent avec surprise. Certains portèrent même la main à leur lance, avant de la laisser mollement retomber. Il était près de deux heures du matin. Les nobles dormaient habituellement, à cette heure-ci.
"Vous sortez par ce temps, Seigneur ?" s'enquit l'un des gardes, incrédule. "On n'y voit pas à dix pieds. Et la pluie ne va pas s'arrêter avant longtemps, si je suis bon juge – et je suis bon juge. Je dirais même que ça va continuer à pisser comme ça pendant la moitié de la nuit"
Mandonius sourit.
"Merci de t'inquiéter, Jalhem. Mais il faut vraiment que je sorte. Avec un peu de chance, je serai rentré après la moitié de la nuit"
Le garde se redressa, surpris et fier que le seigneur connaisse son nom. Maladroitement, il se mit au garde-à-vous, renversant à demi le brasero. Il jura quand quelques braises se répandirent à ses pieds. Le feu était précieux, cette nuit.
"Je suis désolé, Seigneur"
"Passez une bonne nuit. Ca n'est jamais facile, d'être de garde par un temps pareil. Il vous reste longtermps avant la relève ?"
"Deux heures, Seigneur. J'attends ça avec impatience"

Il discuta encore quelques minutes avec eux, tentant de trouver le courage de sortir du porche et de se lancer sous la pluie battante. Il avait toujours cherché à tisser des liens avec la soldatesque. Plus que jamais, cela pourrait se révéler utile dans les jours, non, dans les heures à venir. Il frissonna. Tout cela le déprimait.
"Que le Dieu Gardien vous protège des ténèbres et vous accorde un œil perçant !" lança-t-il finalement, sortant dans la cour.
Il n'entendit pas la réponse, noyée qu'elle fut par le soudain battement de l'eau contre ses vêtements, contre son visage, contre sa capuche. C'était un véritable rideau liquide qui s'abattait sur lui, et il connut un moment de panique sourde, comme s'il allait se noyer. Il ne voyait plus rien, il n'entendait plus rien, il ne sentait plus rien, rien que le picotement de l'eau contre son visage mal rasé.
Aussi vite qu'elle était arrivée, la sensation disparut, et il cilla avec nervosité. Les événements de ces derniers jours le rendaient fous. D'un pas déterminé, il entreprit de traverser la cour. Les pavés glissaient sous ses bottes, et il manqua de perdre l'équilibre par deux fois. Serrant les dents, il continua d'avancer.

Pourquoi lui, Mandonius, le puissant Gouverneur de l'Empire, se retrouvait dans une telle situation ? Tout ça à cause d'un gamin stupide, et d'un empoisonnement fort suspect. Mandonius avait réfléchi longtemps, cherchant à comprendre qui pouvait bien avoir versé du poison dans un verre de l'empereur. Il ne parvenait pas à se souvenir clairement de cette journée de chasse; mais il n'avait pas vraiment de doutes concernant l'identité du coupable. D'une manière ou d'une autre, c'était soit le prince, soit un de ses hommes de main. Mandonius en était convaincu.
Et tous ses plans avaient été ruinés par l'ambition de ce petit monstre. A une journée près, tout aurait pu se passer comme il l'avait prévu. A quelques heures près, même. Mais non, il avait fallu que la Déesse du Destin lui fasse un tel croche-pied. Mandonius n'avait jamais été particulièrement croyant. Pourtant, il ne pouvait expliquer son échec autrement. Tout avait été si soigneusement planifié. Cela ne pouvait être que la faute d'une Puissance Supérieure qui souhaitait le voir échouer. Oui. Il n'y avait certainement pas eu erreur humaine. Certainement pas erreur de sa part.

Il était de fort méchante humeur lorsqu'il arriva enfin aux portes du palais. Là encore, les gardes s'étaient réfugiés dans les petites guérites de pierre qui entouraient la lourde herse, cherchant tant bien que mal d'éloigner le brouillard en suspendant plusieurs lanternes aux murs. Deux d'entre eux sortirent avec réticence de leur renfoncement pour venir se placer devant lui.
"On ne passe p… Oh, pardon Seigneur. Vous voulez quitter le palais ? A cette heure-ci ? Par ce temps ?"
"Epargnez-moi vos commentaires et ouvrez la porte" grommela Mandonius. "Je suis trempé jusqu'aux os, ici !"
Son ton était tranchant. Sa bonhommie naturel et son amitié soigneusement entretenue ne tenaient pas face à l'irritation qu'il ressentait maintenant. Non seulement il avait froid, non seulement l'eau dégoulinait dans son cou et le faisait trembler épisodiquement, mais si le brouillard se maintenait sur la ville, alors il devrait probablement marcher plus lentement. Cela voudrait dire qu'il serait en retard.
Il ne supportait pas le manque de ponctualité chez les autres. Il le supportait encore moins chez lui-même.

Lorsque la herse s'ouvrit devant lui, il s'engouffra dans l'ouverture sans même un regard en arrière ni un remerciement pour les soldats. L'heure tournait. Il était à moitié surpris que personne ne l'ait retenu. Visiblement, le nouvel Empereur n'avait pas ordonné qu'il soit surveillé. Ou peut-être avait-il simplement oublié de l'ordonner. On ne savait jamais, avec Theorocle. Le garçon était plus sournois et mauvais qu'un chacal, mais également plus stupide qu'une huître molle. Bien entendu, on rapporterait ses faits et gestes à l'empereur, qui ne manquerait pas de s'étonner d'une promenade aussi tardive, sous un ciel aussi peu clément. Mais le futur n'avait aucune importance. Si tout se passait bien, il n'aurait plus de comptes à rendre.

Mandonius sentait sa colère augmenter alors qu'il repensait aux premières décisions de l'Empereur. Il avait été contraint d'y assister, soi-disant pour pouvoir apporter son expérience et ses conseils. Mais il ne lui avait pas fallu longtemps pour se rendre compte que Theorocle n'avait absolument aucune intention de suivre ses recommandations. Traiter ainsi l'ambassadeur de Koush, par exemple. C'était une aberration. Les Koushites étaient un peuple fier. Jamais ils ne laisseraient cette insulte impunie. Le jeune empereur avait tort de risquer une guerre sans même prendre connaissance des dossiers en question.

"Rekk, pourquoi n'es-tu pas venu un jour avant ?" murmura-t-il, protégeant ses yeux de la pluie persistante.
Avançant à moitié de mémoire, il finit enfin par retrouver la maison qu'il cherchait. C'était une grande bâtisse bourgeoise, à la façade pimpante, repeinte depuis peu. Le bois et la pierre utilisées étaient de bonne facture, et une rangée de colonnade permettait d'arriver jusqu'à la porte. Le style était douteux, mais cela permettait à Mandonius d'avoir un toit sur sa tête alors qu'il tambourinait à la porte. Pour cela, il en était reconnaissant. Il n'aurait pu supporter une minute de plus de cette pluie torrentielle. Un éclair fusa.
"Ouvrez !" cria-t-il, actionnant de nouveau le heurtoir. Sa voix fut couverte par le grondement du tonnerre. "Ouvrez !" répéta-t-il.
Il sentit un œil l'observer à travers le judas, et il frappa de nouveau, avec toute la dignité qu'il pouvait réunir, trempé comme il l'était.
Le bruit de la pluie couvrit celui de barres d'acier en train d'être retirées et d'une clé tournant dans de multiples serrures. La porte s'ouvrit.
"Tu es en retard" observa Veldam d'un ton froid.

Mandonius plissa les yeux. Il lui avait fallu quelques secondes pour reconnaître le Duc de Lion alors qu'il ne portait pas les habits pourpres et flamboyants de sa maison. Il s'était rasé la barbe, aussi, et cela le faisait paraître bien dix ans plus jeune. Bien sûr, cela ne voulait pas dire grand chose, pour quelqu'un qui approchait de ses soixante ans. Mais il y avait de l'acier dans cet homme. Cette réunion en était une preuve.
Le duc s'écarta pour laisser passer le gouverneur. Ce fut avec plaisir que Mandonius s'introduisit dans la maison, et entreprit de se débarasser de sa cape trempée et souillée de boue.
"Tu devrais monter à l'étage, il y a des vêtements secs dans les coffres" fit Veldam, plissant le nez avec dégoût. " Tu devrais trouver quelque chose à ta taille. Quand tu seras prêt, rejoins-nous dans la salle commune. Tu es le dernier, ici"
Mandonius hocha la tête et monta l'escalier. Lorsqu'il redescendit, il s'était débarassé avec plaisir de son pourpoint souillé et de ses chausses trempées. Il portait désormais un bliaut et un pantalon de tissu rêche. Ce n'était pas particulièrement agréable à porter, mais c'était chaud et réconfortant. Ainsi sec, sa bonne humeur revenait rapidement. Il arborait un sourire chaleureux alors qu'il entrait dans la grande salle.
Comme Veldam l'avait dit, il était le dernier.
"Gouverneur, prenez place !"
La large table accueillait trois personnes, parmi les plus influentes de leur maison. Il y avait le Duc de Lion, bien sûr, mais également Gharner, celui de Dragon, et Beshezaar, le comte de Basilic. Mandonius fronça les sourcils. Il avait espéré la présence des Licornes également, mais cela ne semblait pas le cas. Cela compliquait certainement les choses.
"Désolé de mon retard" fit-il, s'asseyant lourdement. "J'ai été quelque peu retenu par notre nouvel empereur, puis par la pluie et le brouillard"
"Ce n'est pas grave" répondit le Basilic en haussant les épaules. "Je crains bien que nous ayons à parler de problèmes plus ennuyeux que simplement le retard d'un des nôtres." Il fronça les sourcils. "Pardonne-moi pour cette question, mais elle mérite d'être posée: tu n'as pas été suivi, n'est-ce pas ?"
"Je ne pense pas. Il est difficile de prendre quelqu'un en filature dans cette purée de pois. Pour une fois que les éléments sont avec nous…"

Veldam se racla la gorge. Tous les regards convergèrent vers lui.
"Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas beaucoup de temps. Mandonius, je pense que tu as un certain nombre de choses à nous dire. Qu'est devenu le magnifique plan que tu avais orchestré ? Tu nous avais promis un Prince Héritier mort, sans que nul ne puisse remonter jusqu'à nous. Nous étions prêts à te soutenir. Nous l'avons fait. Mais quel est le résultat ? Le Prince est non seulement en vie, mais il règne désormais sur le trône. L'empereur est mort, et nous voilà en semi-clandestinité, à nous réunir comme des contrebandiers dans une maison obscure, à la lumière de bougies qui ne demandent qu'à s'éteindre. Que s'est-il passé ?"
"J'avoue que la réponse m'intéresse aussi" murmura le Duc de Dragon, se penchant en avant, les yeux brillants.
Mandonius lui lança un regard acéré. Le duc de Dragon s'était toujours révélé un fin manipulateur. Qu'il se retrouve ici, à cette table, ce soir… Quel intérêt pouvait-il y trouver ?
"Ce qui est arrivé est très simple à expliquer" grommela-t-il. "Ce satané Theorocle a agi avant nous, avant que le plan n'arrive à terme. A une journée près, tout se serait accordé selon nos calculs. Mais, maintenant qu'il est empereur, cela oblige à revoir la totalité de cette stratégie"

Veldam secoua la tête.
"Cela n'a pas de sens. Qu'il soit empereur, roi, prince ou mendiant, qu'est-ce que cela change ? Je croyais que votre homme ne s'embarassait pas de tels détails ?"
"Je me rappelle vous avoir entendu dire ça, en effet" acquiesca tranquillement le comte de Basilic.
Mandonius leva les yeux au ciel, exaspéré.
"La première décision qu'il a prise, avant même que son père ne soit froid, a été de faire emprisonner Rekk. Que vouliez-vous que je fasse ? J'ai essayé de le raisonner, mais je ne pouvais rien faire de plus !"
"Visiblement, vous n'avez pas réussi à le… raisonner. Aux dernières nouvelles, le Banni est enfermé dans le donjon, blessé à mort, et ne représente plus une menace pour qui que ce soit"
"Avouez que sa réaction était surprenante" protesta Mandonius. "Agir aussi rapidement, aussi brutalement… qui aurait pu s'attendre à cela ? Même quelqu'un comme Rekk ne peut s'en sortir lorsqu'il est confronté, au grand jour, à toute la garde du palais" Il frissonna. "Et pourtant, il a fait un carnage. Je n'ai pas réussi à enlever le sang sur mes vêtements"
"Que voilà un grand malheur" sourit le Dragon. "Mais qu'est-ce qui a motivé son geste, selon vous ?"
"Ca…" Mandonius baissa les yeux. Sa voix était sombre. "Visiblement, Theorocle avait un allié dont nous ignorions tout. J'ai entendu dire que Gundron était rentré en grâce, depuis que l'empereur était monté sur le trône"
"Et j'ai entendu dire, pour ma part, qu'il allait probablement être nommé Gouverneur" sourit le Dragon. "Quels sont vos sentiments sur la question, cher ami ?"

Instinctivement, les doigts de Mandonius se portèrent à son cou, là où la lourde chaîne d'or ornée d'une balance, insigne de sa fonction, pesait de tout son poids. Quelques années auparavant, il avait songé à renoncer à ce travail épuisant, éreintant et peu gratifiant. Mais le pouvoir lui brûlait désormais les doigts. Devoir renoncer si près du but… c'était inacceptable.
"Mes sentiments…" Il frappa du poing sur la table, furieux. "Je voudrais avoir Gundron sous la main, lui planter mon couteau dans l'oreille gauche, et tourner délicatement"
"Prenez garde que votre désir ne soit exaucé, Seigneur" fit le Dragon, l'air toujours aussi moqueur. "Il est peut-être borgne, mais je ne pense pas qu'il soit aussi impotent avec une épée que vous avez l'air de le croire"
"Et si nous cessions de digresser sans arrêt, pour nous concentrer sur le sujet qui nous préoccupe ?" interrompit le Duc de Lion d'une voix autoritaire. "Mandonius, est-ce que Rekk est au courant pour sa fille ? Est-ce qu'au moins, il a fini par apprendre ce qu'il s'était passé ?"
"Je pense, oui. Il n'est peut-être pas totalement sûr, mais je crois que mes insinuations ont fini par le convaincre. Ils ont retrouvé un témoin, aussi" Le gouverneur eut un sourire désabusé. "Je ne pouvais mieux espérer. Quelqu'un qui a assisté à la totalité de la scène, et qui a pu la raconter au Banni. De quoi faire bouillir son sang et l'inciter à réagir. Je te le dis, une journée de plus, une simple journée, et tout se serait bien passé"
"J'ai toujours été contre cette idée" observa le Basilic, haussant un sourcil. "Il me paraissait quand même beaucoup plus simple et efficace d'engager un assassin quelconque pour s'occuper du gamin. Ni vu, ni connu, c'était fait en deux mouvements"

Veldan secoua la tête.
"Nous avons déjà eu cette discussion. Un assassin est beaucoup trop peu fiable. Le prince est constamment gardé et entouré. Le tuer serait une mission totalement suicidaire, et je ne connais personne prêt à risquer sa vie pour nous. Alors que le courroux d'un père… jamais personne n'aurait pu nous soupçonner de tirer les ficelles"
"Oui" confirma Mandonius. "Se débrouiller pour que Deria et le prince se rencontrent, puis que la rencontre tourne mal, n'était qu'un jeu d'enfant connaissant le tempérament du gamin. Il suffisait de mentionner, en passant, que je venais de voir une belle fille en train de prier dans la petite chapelle, et que je m'interrogeais sur ses motivations. Une minute plus tard, Theorocle prétextait la fatigue et se retirait dans ses appartements. Une minute de plus, et je le revoyais passer, flanqué de ses sempiternels acolytes"
"Deria ?" demanda le Basilic, l'air pensif.
"La fille du Banni" expliqua Mandonius, agacé. "Faites au moins semblant de suivre, Comte."
"Oh"
"Bref, tout semblait parfaitement engagé"
"Parfaitement engagé, je n'irai pas jusque là" fit le Dragon en souriant. "Vous oubliez que, déjà, Gundron vous mettait des bâtons dans les roues en incitant Semos à ne pas prévenir Rekk de la mort de sa fille"
Mandonius hocha la tête.
"Ca n'a été qu'un contretemps mineur. Si même les deux gamins, ce Malek et cette Shareen, n'étaient pas allés le mettre au courant, je l'aurais fait moi-même."
"Quoi qu'il en soit, cela ne sert à rien de rabâcher le plan" fit le Lion posément. "Ca n'a pas marché, ça n'a pas marché. Est-ce qu'il y a une chance que Rekk puisse encore nous être d'un quelconque secours désormais ?"
"Cela m'étonnerait. Il est emprisonné sous bonne garde, et gravement blessé. J'ai vu ce que lui a fait Gundron. Ca n'est pas mortel, mais il ne devrait pas être capable de faire autre chose que marcher, si même on parvenait à le libérer d'une manière ou d'une autre"
"Oublions Rekk, alors. C'est dommage, c'était un outil intéressant" Le dragon eut un soupir de regret. "Pourquoi faut-il que les pantins les plus fascinants soient ceux qui se brisent le plus aisément ?"
Il y eut un moment de silence, alors que Veldan se levait pour aller chercher une bouteille d'eau-de-vie. Il produisit quelques verres, et commença à servir. Mandonius s'empara de son gobelet avec gratitude. Il jeta un œil dedans, contemplant son visage déformé dans le liquide violent. Supprimant une grimace amusée, il constata que personne ne buvait avant que le Lion ne le fasse. Lorsqu'il eut trempé ses lèvres dedans, il y eut comme un relâchement général. Tous burent. Tous toussèrent.
L'alcool avait un goût de prune prononcé, mais son goût fut rapidement éclipsé alors que la chaleur explosait dans le ventre du gouverneur. Les larmes lui montèrent aux yeux.

"C'est fort" hoqueta-t-il. Le dragon et le basilic hochèrent la tête sans pouvoir répondre, alors que le Lion souriait de toutes ses dents.
"Ca va mieux ? Ca réchauffe, n'est-ce pas ? Je pense qu'on en avait tous besoin, vu comme nos pensées devenaient défaitistes et morbides. Maintenant, on va reprendre un nouveau départ. Déjà, la question la plus importante. Maintenant que le petit monstre est sur le trône, est-ce que vous voulez toujours vous débarrasser de lui ? Attention, ce sera probablement plus dur. Cela pourrait même mener à la guerre civile"
"Oui" fit le Basilic sans attendre.
"Oui" fit Mandonius en écho.
Le dragon regarda ses deux compagnons entre ses paupières mi-closes, puis il soupira.
"Oui. L'Empire court à sa perte si Theorocle reste à sa tête"
"Bon. Voilà déjà une chose de réglé" Veldan siffla entre ses dents. "Maintenant, rentrons dans les détails. La Maison du Lion est avec moi, et je suppose que la Maison du Dragon est avec Gharner également. Mais qu'en est-il de celle du Basilic ? Comte Beshezaar, vous êtes ici en représentant de la maison Basilic, mais le duc n'a pas jugé bon de se déplacer. Est-ce qu'il nous soutiendra ?"

Beshezaar haussa les épaules.
"Tout dépend de ce que vous appelez soutenir. Nous sommes une maison mineure, ne l'oubliez pas. Si vous comptez réellement aller jusqu'à la guerre civile, je ne sais pas si nous pourrons fournir beaucoup de soldats. Les terres de l'Est s'agitent, en ce moment. Nous ne pouvons nous permettre de dégarnir notre capitale"
"Je vois" fit lentement Veldan. "Et les Griffons ? Mandonius ?"
"Comme on pourrait s'y attendre, ils sont tous derrière Theorocle. Il fait partie de leur Maison, après tout. Je pense qu'ils vont chercher à le manipuler de toutes les manières possibles, mais ils le défendront et l'empêcheront de chuter"
"Les Lutins ? Les Serpents ?"
"Ils ont tout à gagner de l'amitié de l'Empereur, et rien d'une rébellion ouverte. Les Serpents contrôlent les mines de fer des montagnes de l'ouest. Si jamais l'empereur est aussi va-t-en guerre qu'il en a l'air, ils pourront gagner une fortune. Pareil pour les Lutins. Depuis que les relations paisibles avec Koush nous fournit des pierres précieuses à vil prix, leurs exploitations n'ont plus aucune valeur. Ils vont vouloir suivre le prince dans sa décision de reprendre la guerre. De plus, je pense que Theorocle saura grassement acheter leur soutien. Nous pouvons nous permettre de refuser ses largesses, car nos coffres sont pleins, mais je ne suis pas sûr que d'autres n'acceptent pas. Comme le Duc de Licorne…"
"Comment une maison aussi noble et honorable a pu tomber aussi bas ?" soupira Ghamer, tambourinant des doigts sur la table. "Le duc est un lâche et un faible, qui ne prendra jamais aucune décision qui le mette en danger. Ce ne sera certainement pas un adversaire acharné, mais il ne sera pas non plus un allié"
"Alors, quoi ? Nous ne sommes que trois maisons ?"
"Deux maisons majeures, et une mineure, contre une maison majeure, et trois mineure. Ca me paraît équilibré"

Mandonius eut un rire bref.
"Oui, dit comme ça, on pourrait presque croire que nous avons l'avantage. Mais les Griffons, à eux seuls, disposent de presque autant de soldats que vous tous réunis. De plus, ils contrôlent toute la région Ouest… Le grenier à blé de l'Empire."
"Ca n'aura d'importance que si l'on en vient à une guerre totale, et une guerre longue. Mais ce serait désastreux, pour tout le monde. Ce serait la fin de l'Empire"
"A choisir entre la fin de l'Empire, ou de celle de ma Maison, le choix est difficile à faire" fit doucement le Dragon. Mais ses yeux brillants, dans l'obscurité, laissaient deviner qu'il avait déjà pris sa décision.
"Ne nous emballons pas" grommela le Lion. "Pour l'instant, aucun mouvement n'a été fait contre aucune de nos Maisons. "Peut-être que Theorocle règnera tranquillement et sagement, et ne nous ennuiera pas."
"Manipulé comme il l'est par Gundron, j'ai des doutes sérieux. Les griffons ont une emprise trop importante sur lui. Il favorisera ses alliés, et nous laissera le nez dans la boue. J'en suis convaincu. Marcus avait beaucoup de défauts, mais il avait assez de volonté pour épargner les différentes sensibilités"
"Alors, que proposes-tu ?"
"Nous ne bougeons pas pour l'instant. Nous retirons nos armées dans nos régions, et nous attendons de voir comment Theorocle réagit. S'il est intelligent ou bien conseillé, il ne devrait pas marcher contre Koush alors qu'il risque une guerre civile. Cela devrait nous laisser le temps de trouver un moyen de nous débarrasser de ce stupide gamin"

Mandonius hocha la tête.
"Je pense que nous n'aurons pas à attendre longtemps. J'ai quelques nouvelles à vous apporter. Entre autres, Theorocle a récemment fait jeter G'kaa dans un cul de basse-fosse. La réaction koushite ne devrait pas se faire attendre. Dans ce cas, notre neutralité, voire notre aide, deviendrait tout de suite plus précieuse.
Veldan se caressa pensivement le menton.
"Oui. Si Koush se soulève de nouveau, alors nous pourrons pencher dans la balance. C'est une idée intéressante" Il secoua la tête. "Cet enfant est totalement irresponsable. Une journée qu'il est couronné, et il déclenche déjà les hostilités. Il n'a pas même pris le temps de compter ses forces, de vérifier l'opportunité d'un tel mouvement et savoir ce que cela lui apporterait, au-delà de la gloire d'ajouter une nouvelle province à l'Empire"
"Je ne pense pas qu'il cherche plus loin que ça" fit le dragon en souriant rêveusement. "Il est jeune, il ne pense qu'au combat et à la gloire. Qui sait, peut-être chevauchera-t-il lui même à la guerre. Et alors, une flèche perdue…"
Mandonius haussa un sourcil.
"Une idée intéressante, ça. On a effectivement tout à gagner d'une guerre entre Koush et l'Empire. Si tout se passe bien, nous pourrons nous débrouiller pour obtenir sa tête de la part des Griffons, en échange de l'aide que nous pourrions apporter. Je vois d'ici le tableau. Ce serait très intéress…"

Il s'interrompit, alors que des coups résonnaient à la porte.
"Ouvrez, au nom de l'Empereur !" cria une voix, puis, presque aussitôt: "Enfoncez la porte !"
Les coups s'intensifièrent. Les quatre hommes se regardèrent, pétrifiés.
"Je croyais que personne ne t'avait suivi !" cracha le Lion, furieux.
"Pourquoi est-ce que ce serait moi ?" gronda Mandonius. "L'un de vous peut aussi bien avoir été filé. Quoi qu'il en soit, il faut fuir"
La porte vola en éclats alors qu'ils se levaient. Le Gouverneur eut le temps d'apercevoir Gundron, l'épée au poing, ordonnant à une multitude de gardes de s'introduire dans la maison.
"Par derrière !" cria Veldan, dans la confusion. Il renversa la table dans le chemin des soldats, et se baissa alors qu'une arbalète se détendait. Un carreau se planta dans le mur, à quelques pouces de lui. Il s'engouffra dans le jardin, suivi par les autres.
"Les chevaux ? Ils sont toujours là où on les a laissés ?"
"S'ils n'ont pas pris la peine de faire le tour, oui…"

Ce fut une course folle, alors que la pluie les fouettait violemment. Les gardes étaient sur leurs talons. Mandonius ne prit pas le temps de se retourner pour vérifier; il entendait le cliquètement de la maille, et le halètement des soldats qui couraient. Lui-même ne portait pas d'armure. Le temps jouait pour lui, les autres se fatigueraient bien plus vite…
Puis il trébucha.
Mandonius cria alors qu'une main calleuse s'abattait sur son épaule. Instinctivement, il pivota, envoyant son coude dans le visage de celui qui cherchait à le tenir. Le garde recula, étreignant son nez brisé, mais Mandonius avait déjà perdu son avance. Quelqu'un lui plongea dans les jambes, et il chuta lourdement. Devant lui, il pouvait voir les trois autres comploteurs enfourcher leurs montures et cravacher, sous les cris rageurs des soldats. Quelques carreaux d'arbalète se perdirent dans la nuit et la pluie, sans toucher qui que ce soit. Il se releva péniblement, pour se retrouver nez à nez avec le visage de Gundron, empli d'une joie mauvaise. Le borgne avait visiblement pris du galon, depuis deux jours. Il portait désormais des habits chamarrés, que la pluie et la boue ne parvenaient pas à rendre misérable. Un torque d'or brillait sur son front, symbole de sa fonction de Maître de la Garde.

Le borgne l'agrippa par la gorge et le releva sans ménagement. Il caressa un moment le pendentif en forme de balance qu'arborait Mandonius, puis l'arracha d'un mouvement sec.
"Je crois que c'est à moi" murmura-t-il doucement. "Un traître ne saurait être Gouverneur, n'est-ce pas ?"
Mandonius lui cracha au visage, réunissant ses dernières forces.
"J'aurais dû te tuer, lorsque j'en avais l'occasion et le pouvoir !" grogna-t-il, furieux, humilié. Sa gorge lui faisait mal.
"Eh oui. Malheureusement, tu n'en as plus ni l'occasion, ni le pouvoir. Maintenant, discutons sérieusement. Même si j'en ai déjà une petite idée, peux-tu me dire qui étaient les trois personnes qui complotaient avec toi ?"
Le gouverneur déchu eut un faible sourire.
"Comploteurs ? Quel complot ? Cette pluie est tellement incommodante, c'est un temps parfait pour discuter avec des amis et boire un peu de thé, ne crois-tu pas ?"
Le borgne le gifla négligemment de sa main gantée d'acier. Le sang jaillit.
"Ironise tant que tu veux, mon ami. Bientôt, tu crieras. Et tu me diras tout ce que j'ai envie d'entendre, je peux te l'assurer" Il agita la main, et plusieurs gardes vinrent se saisir de Mandonius pour l'emmener.

Au loin, le tocsin se mit à sonner.
Bon j'allais dire que je lirai en rentrant a la maison mais j'ai vu ca
Citation :
Quelques révélations... je dirais... intéressantes, dans ce chapitre
Donc je lis now

*edit*

HOULA !!!

Ah oui en effet !!

Un seul détail me gene : une torque (a torc) ne se porte pas au front comme il est dit pour Gundron, mais au cou


La suite alors LA, la suite !!!
Citation :
J'ai vu ce que lui a fait Semos
fin de 1ere partie

yaurait pas comme une erreur dans le nom?
j'aurais mieux vu Gundron (qui est vivant) que Semos (mort il y a 12 chapitres)

sinon, je me demande si tu vas nous apprendre comment Gundron a fait pour savoir ou et quand se deroulait la reunion
Citation :
Provient du message de Masklinn
fin de 1ere partie

yaurait pas comme une erreur dans le nom?
j'aurais mieux vu Gundron (qui est vivant) que Semos (mort il y a 12 chapitres)
Gloups...
Voui.
J'ai honte

Citation :
sinon, je me demande si tu vas nous apprendre comment Gundron a fait pour savoir ou et quand se deroulait la reunion [/i]
Comme dirait Robert Jordan: RAFO
Citation :
Provient du message de Masklinn
edite vite

sinon, RAFO = Rien A FOutre?

pfff ca serait marrant pourtant, de savoir (et ca t'emmerderait parce que tu serais oblige de trouver comment il a fait )
RAFO = Read And Find Out.

Mais ça pourrait être Rien A FOutre aussi
Tout le monde manipule tout le monde... Cool ! Si c'est pas de la politique, ca...

Je me demande ce qui va arriver a Mandonius...

Quel revelations...

La suiiiittteeeeeeee !!!!!!!
Moarf euh ne m'en veux pas de ne pas encore suivre, j'imprimerai tous tes posts la semaine prochaine au taf et je lirai tout ça tranquillement dans mon lit
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