Provient du message de FautVoir
C'est l'école, qui est laïque, pas les élèves. Eux ont le droit d'être ce qu'ils veulent, et de l'exprimer, au moins d'une manière passive, comme de porter une pièce de vêtement ou un bijou. L'école n'est pas un espace de non-droit, où la liberté d'expression cesse d'exister. [...] En l'occurrence, ce qu'il fait est un abus de pouvoir. Prochaine étape : les croix celtes qui mettent en péril l'unicité de la République ?
Oui, en somme, tu es pour la totale liberté d'expression au sein des écoles françaises (si je t'ai bien lu).
La laïcité, c'est (pour môa) l'absence totale de signes, marques, symboles, ... à connotation religieuse, politique, provocatrice ou autre, porteuse d'un message quelconque, tout ça dans les établissements publics et sur les personnes représentant l'Etat français : pourquoi ? Pour garder à l'Etat une image de parfaite neutralité, et que ses représentants ne profitent pas de leur statut "public" pour délivrer des messages.
Le problème, c'est le passage des citoyens "dans" les établissements publics : demande-t-on à une musulmane d'enlever son voile lorsqu'elle rentre dans une mairie ? Non. A l'université ? Non plus. Mais lorsqu'elle passe le bac ? Alors là oui, ça s'est vu. Et dans un collège. Oui, encore d'avantage.
Tout le problème de la liberté des signes (à connotation religieuse ou politique, porteurs de messages sociaux ou autres, voire à tendance un peu trop voyante ou choquante, comme des cheveux teints en vert pomme ou un grand anneau tricolore traversant les narines ... ), c'est qu'elle est (ou devrait être considérée comme ...) dangereuse dans les établissements publics éducatifs dans lesquels passent nos chères têtes blondes, si influençables et si fragiles.
Les élèves non bacheliers ont-ils le droit de s'exprimer librement, par leur tenue, par leurs paroles, dans l'enceinte de leur établissement scolaire ? Non, car ils côtoient des camarades influençables, eux-même l'étant, et la République réclame que l'Ecole soit protégée, soit close à toute intrusion du monde extérieur menaçant la liberté d'esprit en pleine formation.
Cette "protection" de l'éducation est-elle rigoureusement appliquée ? Non, loin de là ; quitte à être considéré comme un "psycho-rigide laïc taré", je trouve vraiment dommage qu'elle ne soit pas appliquée "à la lettre" : ne tolérer ni signe religieux, ni signe politique, ni signe publicitaire, ni signe ostentatoire provocant. Aucun (pas de distributeur de boissons de marque, par exemple). Car si on en tolère un, on les tolère tous. Et si on les tolère tous, alors les enfants les plus "formés" par leurs parents pourront côtoyer en toute légalité leurs camarades durant toute une année scolaire, et leur distiller par leur tenue, par leurs propos (après tout, on est libre de dire ce qu'on pense, non ? un enfant peut être un véritable prédicateur, s'il est bien formé ...), par leur comportement (prière, ...), ... toute la formation dont ils auront été la cible par leurs propres parents. Les enfants peuvent devenir des armes de propagande, quelle qu'elle soit, et cette propagande passera d'autant mieux qu'elle se fera au contact régulier d'autres enfants influençables, en pleine formation.
D'aucuns me diront que le véritable drame est moins que ces enfants puissent en influencer d'autres à l'école, que le fait que des parents les forment. Peut-être ... peut-être pas : après tout, les parents forment leurs enfants comme ils l'entendent, mais l'école doit justement rester, comme l'a très bien écrit Felomes (je crois), un endroit neutre, protégé, aseptisé diront certains, un monde clos à toute influence extérieure, et où seul le message de l'Ecole républicaine doit passer : c'est cette protection qui assurera aux enfants une formation qui leur permettra à leur majorité d'avoir les moyens de juger la formation parentale, et de la considérer de manière autonome ; certes, cela se fait au détriment de la liberté d'expression des enfants, mais n'est-ce pas plutôt la liberté d'expression des parents qui s'exprimerait, si elle était permise, tant qu'ils n'ont pas atteint la majorité, par leur intermédiaire ?
Les écoles privées ont le droit d'exister tant qu'elles respectent un contrat avec l'Etat les liant à certaines obligations (notamment les programmes, par exemple ne pas enseigner le créationisme, mais l'évolution selon Darwin ...), mais l'Etat n'a pas à les financer pour cela (ce qui est pourtant le cas de certaines écoles catholiques, les autres religions ont beau jeu de réclamer le même traitement financier).
Je suis pour la création d'écoles privées musulmanes dans l'état actuel des choses : si les autres religions en bénéficient, c'est bien normal. Par contre, je serais contre toute école privée religieuse, si les choses étaient à refaire. La laïcité serait véritablement en danger, si une communauté religieuse venait à se développer suffisamment par l'intermédiaire de ces écoles.
Quant à l'isolement des enfants retirés de l'école républicaine à cause de leur "choix" ou "obligation" de porter un signe religieux, c'est effectivement un problème. Mais c'est LE problème que je viens d'évoquer : les écoles privées religieuses existent et sont de toute façon le lieu d'un enseignement religieux exclusif de tout autre, donc tendancieux (non péjoratif). Dès lors qu'on admet l'existence d'écoles religieuses, on admet que des enfants français puissent être "formés" ainsi, isolés de toute influence contraire. Donc la question de l'exclusion de l'école laïque républicaine ne se pose plus. Si les parents décident, de par l'éducation qu'ils ont donnée, d'exclure leur enfant de la laïcité, et de le soumettre à un enseignement privé, c'est leur choix. L'Etat n'y peut plus rien, et il prendrait un bien grand risque à tolérer dans ses établissements éducatifs des comportements tendancieux.
Rigidement vôtre.