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Voilà le chapitre 18, fraîchement pondu du week-end.
Les choses vont bientôt devenir intéressantes... Introduction Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Chapitre VIII Chapitre IX Chapitre X Chapitre XI Chapitre XII Chapitre XIII Chapitre XIV Chapitre XV Chapitre XVI Chapitre XVII ------------------------------------------------------------------- "Et vous vous voyiez souvent ?" "Pas tant que ça. Une fois par semaine; parfois plus, parfois moins. L'académie était assez stricte avec ses pupilles, d'après ce qu'elle me disait. Elle faisait souvent le mur. Moi aussi, parfois, mais elle n'aimait pas que je la rejoigne dans sa chambre" Cela faisait près d'une heure que Malek interrogeait Laath, un feu roulant de questions. Il avait besoin de comprendre. Shareen dodelinait de la tête, enroulée dans les couvertures jusqu'à ce que seule la tête ne dépasse, cherchant à suivre la discussion. A vrai dire, Malek sentait également la fatigue peser sur ses épaules, mais il savait qu'il ne parviendrait pas à trouver le sommeil. "Tu entrais dans l'académie ? Mais il y avait des gardes, partout ! Et si jamais ils t'avaient attrapé ? Tu aurais été mis à mort, probablement. Les gens ne sont pas tendres avec ceux qui s'introduisent ainsi par effraction dans un tel endroit" Laath hocha la tête. "C'est ce qu'elle me disait, aussi. Mais ça n'est jamais arrivé. Je suppose que j'ai eu de la chance" Plus le temps passait, et plus Malek sentait une admiration réticente pour le jeune homme. Il était timide, c'était un fait, et n'avait pas l'air très énergique, mais il faisait pourtant preuve de qualités étonnantes, si tout ce qu'il racontait était vrai. Beaucoup d'élèves faisaient le mur, certes, mais autant se faisaient attraper et devaient passer un désagréable moment dans l'antichambre du Seigneur Semos, à se faire inculquer les vertus de l'obéissance et de la discipline. Les gardes n'étaient peut-être pas aussi attentifs qu'on aurait pu le souhaiter, pourtant ils faisaient leur travail avec assez d'habileté pour que les élèves y réfléchissent à deux fois avant de se glisser hors de l'enceinte. Si réellement le jeune cambrioleur était parvenu à forcer aussi facilement et de manière aussi répétitive la sécurité de l'académie, alors Malek n'avait aucune peine à imaginer qu'il ait pu faire de même avec les murs du palais. La jalousie le dévorait de l'intérieur. Laath retrouvait Deria dans sa chambre – et ? Que faisaient-ils ? Il ne pouvait se permettre de poser la question. D'ailleurs, la réponse avait-elle une importance ? Pourtant, il se sentait perturbé. Il ne pouvait s'empêcher d'observer le jeune garçon à la dérobée. Qu'avait-il de plus que lui ? Avec mauvaise humeur, il se mit à arpenter la grotte en tous sens. "Je ne comprends pas ce que nous attendons. Maître Heilban a clairement dit que l'empereur ne rentrerait pas avant le jour suivant, donc Rekk ne pourra pas se libérer avant cela. Alors, pourquoi est-ce qu'on reste dans cette caverne sombre et humide ?" "Pour que tu aies de la place pour faire les cent pas, gamin. Je ne vois que ça" rétorqua Dani, sans lever les yeux de son ouvrage. La grosse femme était occupée à nettoyer soigneusement les différents morceaux de son arbalète, qu'elle avait posée sur le sol et démontée. Le feu mourant ne rendait pas sa tâche très facile, mais personne ne s'était proposé pour aller chercher plus de bois. Cela ne semblait pas la déranger tant que cela, par ailleurs. Avec une habileté stupéfiante pour des doigts aussi épais, elle passait en revue chacune des pièces, avant de hocher la tête avec satisfaction et de les reposer doucement sur le sol. Le jeune homme contint son exaspération. "Nous n'avons pas beaucoup dormi la nuit dernière. La moindre des choses serait de trouver un vrai lit pour la nuit, au lieu de ce sol rugueux" "Je te rappelle que c'est vous qui avez détruit ma maison" fit Dani, s'emparant avec soin d'un carreau d'arbalète pour en vérifier la droiture. "J'avais un bon lit, moi. Avec un matelas de plumes et un gros oreiller. Très confortable." "Détruit la maison de Dame Dani ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" s'enquit Laath, ouvrant des yeux candides. "Il y a des auberges !" fit Malek, ignorant l'interruption. "J'ai de l'argent, si c'est ça qui vous inquiète. Ne vous inquiétez pas, je peux vous donner de quoi vous payer une chambre agréable dans un endroit correct. Alors ?" Dani soupira. "Fais ce que tu veux, petit. Pour ma part, je préfère rester ici. On ne sait jamais quand Rekk pourrait avoir besoin de nous. Tel que je le connais, il est capable de s'échapper de l'académie en se frayant un chemin à la pointe de l'épée. Et qui pourra l'aider, alors ? Qui, à part Dani la vieille contrebandière ?" "C'est vrai, Rekk disait que vous faisiez de la contrebande. Cette grotte vous sert à récupérer les marchandises, n'est-ce pas ?" fit soudain Shareen. "Je préfère parler de charité" fit la grosse dame en souriant de toutes ses dents. C'était un spectacle à glacer le sang. "Le profit que je fais, je m'en sers pour nourrir mon quartier. Ce n'est pas une si mauvaise action, eh ?" "Je ne suis pas certain que l'empereur pense comme vous" fit Malek, dubitatif. "Et vous aurez du mal à le convaincre que vous êtes totalement désintéressée là-dedans" Dani ouvrit ses larges bras. "Tu m'as bien regardée ? Tu crois que j'habiterais là où je suis, que je m'habillerai ainsi, si jamais je mettais de l'argent de côté ?" "Dame Dani est la bienfaitrice du quartier" fit soudain Laath, interrompant la conversation. "Depuis que je suis né, c'est elle qui a aidé ma mère à me nourrir, et qui nous incite à nous en sortir ?" "Tais-toi, gamin, tu me mets mal à l'aise" La grosse femme eut un petit rire gêné. "Ta mère est une amie, c'est le moins que je pouvais faire pour elle. Tu ne penses quand même pas que j'aurais fait la même chose pour tout le monde, eh ?" "Vous avez beaucoup d'amies, alors. Dermash, et Boulakk, et Rhodron, et tous les autres, ils sont tous dans le même cas. C'est vous qui vous êtes occupés d'eux et de leur famille. C'est vous qui…" "Ca suffit, petit. Ca suffit, tout le monde. Il est tard, et je vois que vous êtes tous épuisés. Dormez, et reprenez des forces. La vieille Dani veille sur vous" Malek ravala la réplique acerbe qu'il allait faire. Il pouvait espérer meilleure compagnie qu'une grosse femme pour veiller sur ses nuits. Mais, d'un autre côté, peut-être pas. La contrebandière avait rechargé son arbalète, s'installant contre une des parois de la caverne pour commencer sa veille. Le jeune homme se jura de la surveiller, au cas où. Il n'avait pas particulièrement confiance. Mais il ferma les yeux, et s'endormit. "Vous pouvez répéter ce que vous venez de dire ?" La jeune fille recula d'un pas, comme giflée, alors que Mandonius se retournait et la secouait violemment. Son calme et son impassibilité légendaire venaient de voler en éclats en même temps que ses manières. Ses yeux étincelaient de rage, et sa voix tremblait à la limite du hurlement. "Je… Précepteur, vous me faites mal !" protesta la Basilic, cherchant à se dégager. "Lâchez mon bras !" Rekk haussa un sourcil étonné devant la réaction de son ancien capitaine. Mandonius avait toujours eu des nerfs d'acier. Lors des guerres Koushites, lorsqu'il avait servi sous ses ordres, il en était venu à apprécier cet homme d'airain, toujours décidé et sûr de lui, audacieux sans être téméraire, qui parvenait en quelques minutes à saisir la situation à laquelle il faisait face, et la meilleure manière de l'affronter. Il semblait bien que l'âge avait effacé tout cela. "Du calme, Mandonius, du calme. Elle n'y est pour rien" murmura-t-il. Le précepteur lâcha la jeune fille, mais son visage gardait une expression figée. "Ce n'est pas possible ? Où avez-vous entendu cela ? Par qui ?" Alors qu'il reprenait ses esprits, le ton de commandement revenait dans sa voix. "La nouvelle est-elle confirmée ?" "On ne parle que de ça dans le palais, Précepteur. Les couloirs bruissent de rumeur" murmura un des courtisans, s'inclinant obséquieusement. "L'empereur a mal supporté les rigueurs de la chasse, semblerait-il. Il est allé se coucher aussitôt, et son état n'a fait qu'empirer" "Ridicule. J'étais avec lui il n'y a pas deux heures. Il était fatigué, voilà tout. En aucun cas il n'avait l'air malade. Vous exagérez beaucoup les choses, comte" "Constatez par vous-même, Seigneur. On m'a dit qu'il a été pris de mauvaises fièvres et d'une toux sanglante, et que ses forces le quittaient rapidement. Une telle tragédie" Mandonius frémit. "On, on ? Qui est ce On, à la fin ? Quelqu'un pourra-t-il être plus précis ? L'empereur est malade, et personne n'a de nouvelles ?" Il leva les mains au ciel. "J'abandonne. Ecartez-vous, par le Sang, et laissez-moi passer !" Joignant le geste à la parole, il repoussa d'un bras rageur les courtisans qui s'agglutinaient autour de lui et s'engagea à grandes enjambées dans le couloir qui menait aux appartement royaux. Rekk s'engagea à sa suite, mais il n'avait pas fait deux pas qu'une main se posait sur son épaule. "Baron Gaffick ? Vous ici ? J'ai entendu dire que vous aviez vaincu Seigneur Semos en combat singulier ?" Les courtisans devaient se régaler: les rumeurs allaient bon train, aujourd'hui. Mais, à bien y réfléchir, il n'était pas étonnant qu'une nouvelle aussi importante soit déjà arrivée au palais. Mandonius était bien au courant, d'une manière ou d'une autre. "C'est vous, alors ?" "Vous l'avez tué ?" "Un regrettable accident, j'ai entendu dire" "Les armes de bambou, quel malheur ! Quand je pense que mon fils…" ".. Pauvre homme, je le savais. On rencontre toujours plus fort que soi…" Les courtisans s'amassaient autour de lui, tournant, regardant, palpant, comme s'ils ne pouvaient imaginer avoir devant eux la personne qui avait mis fin à la légende de Semos. Pour un peu, tous semblaient presque avoir oublié leur empereur. Il valait mieux parler directement à un aussi fameux épéiste, plutôt que de gloser et de spéculer sur des bruits de couloir concernant la santé de l'Empereur. Ces gens-là dégoûtaient Rekk. "Assez !" hurla-t-il lorsqu'une dame, d'un âge plus tout jeune, au visage masqué par un loup de dentelle, entreprit de lui tâter le biceps gauche avec un regard approbateur. "Laissez-moi ! J'ai à faire !" "Le tempérament de feu qu'on pourrait attendre d'un tel combattant" gloussa la femme sans desserrer son emprise. "Racontez-nous votre combat. Cela a dû être épique, j'en suis sûr ! Maître Semos était un tel épéiste !" Le jeune homme avait les yeux brillants alors qu'il se glissait devant Rekk. "Je l'ai vu combattre, j'ai étudié sa technique. Vous l'avez eu sur la durée, n'est-ce pas ? J'ai remarqué qu'il s'essoufflait dans la durée !" "Absurdité ! Il était endurant comme un chêne ! Non, c'est sur le poignet droit qu'il avait une faiblesse, je suis sûr que vous avez profité de cela, n'est-ce pas mon garçon ?" Une main poilue vint lui claquer le dos en signe d'encouragement. "Racontez-nous ! Je meurs d'envie de composer une ballade sur vos exploits !" s'exclama un homme vêtu d'un habit chatoyant, agitant sa cape en une parfaite révérence. Un barde de cour, certainement. Cette vermine fleurissait partout où les gens acceptaient de payer. "Laissez-moi y réfléchir. Vous avez un nom qui sonne bien, vous savez ? Gaffick, Epique. La rime est riche. Dramatique, "J'ai frappé, il n'a pas bloqué, il est mort. C'est comme ça que se passent les combats, d'habitude" grogna Rekk en tournant les talons. Mandonius avait déjà disparu au loin, et il était illusoire d'espérer pouvoir le rattraper dans cette cohue. De plus en plus de carrosses arrivaient dans la cour du palais, probablement attirés par la rumeur de la maladie de l'empereur, et les nobles en sortaient par dizaines. On n'avait jamais vu autant de ducs, de marquis, de comtes, de chevaliers se presser ainsi tels des vautours, attirés par la curée. Au fur et à mesure qu'ils arrivaient, certains s'agglutinaient dans le groupe déjà formé autour de Rekk, et leur mouvement, par réaction, attirait de plus en plus de monde. S'il laissait faire les choses ainsi, il allait se retrouver encerclé pour la soirée par ces abrutis emperruqués, plus désireux les uns que les autres de tromper leur attente en patientant pour des nouvelles de la santé de l'empereur. Rekk avait subi sans ciller les moustiques et les chaleurs de Koush, le froid et les avalanches du Nord, les combats incessants dans l'arène. Mais s'il y avait bien une chose qu'il ne pouvait supporter, c'était bien ces courtisans inutiles. Il était mal à l'aise, lorsqu'il ne parvenait pas à régler un problème par l'épée. "Ca suffit !" cria-t-il de nouveau, sans plus de succès. "J'ai à faire ! Nous nous reverrons plus tard dans la nuit, si vous êtes toujours là" "Dieu des Poètes, mais vous ne restez pas pour avoir des nouvelles de Sa Grâce ?" "Mandonius m'enverra chercher s'il le jugera utile. Adieu" Il se fraya un chemin à grand peine dans la foule, croisant sur son chemin de nouveaux carrosses richement décorés. Le duc de licorne descendait à peine de l'un d'entre eux, et son regard s'éclaira lorsqu'il avisa Rekk. "Ah ! Baron Gaffick. N'auriez-vous pas vu mon fils ?" "Je n'ai pas le temps, désolé. Voyez avec cette foule. Ils se feront un plaisir de vous renseigner" Agitant la main vers la meute qu'il avait sur les talons, Rekk se lança dans un trot soutenu, atteignant les portes du palais alors qu'une nouvelle voiture arrivait, frappée cette fois des armes du basilic. C'était une bonne nouvelle. Peut-être la famille de la jeune fille lui apprendrait à ne pas colporter aussi aisément des rumeurs. Ce fut avec soulagement qu'il laissa toute cette agitation derrière lui. Il maintint son allure jusqu'à ce qu'il soit sûr que personne ne le suivait, se retournant plusieurs fois. Ses pensées étaient sombres. Les allusions qu'avaient faites Mandonius le dérangeaient. Rekk se repassa mentalement la scène du bal dans la tête, se souvenant du premier regard qu'il avait jeté sur Théorocle. C'était un être vain, il n'y avait aucun doute à cela. Un garçon mal élevé, mal éduqué, sûr de son pouvoir et de la puissance que lui conférait son titre. Il méritait sans doute une paire de claques, mais était-il réellement coupable des atrocités dont parlait Mandonius ? Rekk avait fait beaucoup de choses horribles dans sa vie. Il n'avait jamais été avare de sa lame avec les gens qui se dressaient contre lui, de quelque manière que ce soit. Par ordre de l'empereur Bel, il avait même passé tout un village à la lame de l'épée, pour faire un exemple. Hommes, femmes, enfants. Lorsqu'il se couchait, la nuit, certains de ces visages venaient le hanter. C'avaient été des gens honnêtes, courageux et travailleurs. C'étaient des gens qui mettaient la survie de leurs enfants avant la loi. Le sens de la justice de Rekk en avait été perturbé. Si de telles situations pouvaient se produire, alors c'était la loi qui était mauvaise, et il fallait la changer. Mais Bel avait tenu à sévir. Ces gens, impunis, pouvaient planter les graines de la révolte. Ce n'étaient que des paysans ruinés, bien incapables de payer quoi que ce soit, mais la loi ne s'embarrassait pas de détails. Et Rekk avait obéi. Il y avait une fille, en particulier, un bébé dans ses bras, qui avait tenté de couvrir l'enfant de ses bras alors même qu'elle se mourait. Il avait eu du mal à ne pas hurler, alors. Mais il avait accompli sa tâche jusqu'au bout. Pourtant, même si Rekk savait que son âme était au-delà de toute rédemption et que le Dieu des Charniers réclamerait sa dépouille le jour de sa mort, comme on accueille un ami de toujours, le Banni n'avait jamais accompli des actes tels que ceux dont Mandonius accusait le prince. Violer une femme. Ruiner une vie innocente pour assouvir son propre plaisir. Selon les critères de Rekk, c'était quelque chose de bien pire encore. Theorocle était-il réellement coupable de telles atrocités ? Il finit par hausser les épaules et chasser ces pensées de son esprit. Avec un peu de chance, Dani avait obtenu quelques informations de son côté. Si tel était le cas, cela ne servait à rien de se torturer de la sorte avant de savoir. Lorsqu'il atteignit les contreforts de la caverne, il réfléchissait maintenant à cette soi-disant maladie de l'empereur. Il n'avait pas beaucoup d'amitié pour Marcus, et encore moins de respect. Mais si l'homme mourait, alors le bout de papier qu'il avait dans sa poche perdrait soudain toute sa valeur. Cela, c'était ennuyeux. Il avait écouté Mandonius se plaindre du fils de l'empereur et, à dire vrai, comprenait parfaitement le précepteur. Il doutait fortement des capacités de Theorocle à régner justement et équitablement. Mais ce n'était pas son problème. Une fois qu'il aurait vengé sa fille, il rentrerait tranquillement dans le nord. Les soucis et les remous de la vie impériale ne l'affectaient pas, là-bas. Si les prisonniers cessaient d'arriver pour renforcer ses troupes, il quitterait Bertholdton. Que les barbares ravagent l'empire ne le dérangeaient pas plus que cela. Non, que l'empereur meure n'était finalement que de peu d'importance. Rekk serra le bout de papier, dans sa poche. La caverne était désormais en vue. C'était une excellente cachette, totalement invisible des berges du Verdoyant. Il fallait avancer au-delà du petit renfoncement dans la roche pour voir l'ouverture et, même ainsi, on pouvait croire tout d'abord à une ombre insistante. Le Banni sourit avec nostalgie. Il lui avait fallu plus d'un mois pour comprendre comment fonctionnait le réseau de contrebande qu'il ne parvenait pas à juguler, lorsqu'il était Maître de la Garde de Musheim. Il avait beau surveiller le canal, et les portes de la ville, et les marchés, les denrées ne cessaient d'arriver, et les armes, et les bijoux. Il avait dû finir par se résoudre à en passer par les clients, les riches nobles désoeuvrés, et en secouer quelques-uns pour apprendre où ils s'approvisionnaient. Bel n'avait pas été content de ce type de méthode. Quelques semaines plus tard, il y avait eu un nouveau Maître de la Garde. Mais ces quelques semaines lui avaient suffi à découvrir enfin comment ce trafic s'organisait, et surtout autour de qui. C'était une sacrée femme, cette Dani, avec son réseau d'informateurs, et ses multiples cachettes dans la ville; il avait mis du temps à la trouver. Et, lorsqu'il l'avait fait, il n'avait finalement pas sévi. Peut-être était-ce la frustration de se voir relevé de ses fonctions ? Ou peut-être la bonté de la jeune femme l'avait surpris, et ému. Il secoua la tête, amusée par cette pensée. Pourtant, de toutes les personnes qu'il avait jamais rencontrées, Dani avait été la seule à réellement penser aux autres avant elle. C'était étrangement rafraîchissant, en un sens. Et en même temps, extrêmement perturbant. Gravissant avec souplesse les quelques contreforts qui menaient au trou dans la falaise, il en héla les occupants. "Ohé, de la caverne !" Quelques bruits étouffés lui répondirent, puis la lourde silhouette de Dani se découpa dans la lumière de la lune. "Rekk ! Espèce de Banni de basse-cour, je savais que tu trouverais un moyen de t'échapper ! Et intact, avec ça !" "Moi aussi, je suis content de te voir" fit-il, amusé. "Les gamins sont là ?" "Oh, pour ça, oui. Tous les trois !" "Trois ?" "Rentre, au lieu de rester là avec un air ahuri. Je vais t'expliquer. Il y a pas mal de nouveau, tu sais ?" Rekk sourit en s'introduisant dans la caverne. "Je savais que tes recherches seraient fructueuses, Dani. Je ne connais pas un seul sujet qui t'ait résisté. Tu as trouvé une piste ?" "Mieux que ça, mon grand. Je t'ai trouvé un témoin" |
27/04/2003, 21h47 |
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Grenouillebleue |
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