[Broc] [Background] La Vocation

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La Vocation.



Le soleil d'une fin d'été envoyait, en cette matinée, sa douce lumière dorée sur les collines verdoyantes des Gaidhealtachd. Penchée dans les hautes herbes, une jeune fille, cheveux couleur de braises vives, était occupée à cueillir un énorme bouquet de fleurs dans ses petites mains blanches. Son kilt usé mais rapiécé avec soin, entourant sa taille grêle lui arrivait jusqu'au genoux. Elle se releva pour rassembler rapidement en une tresse sa chevelure d'une main experte. Elle était petite pour l'âge qu'on pouvait lui donner, environ quatorze ans, et menue pour une Gaidheal. Tournant ses yeux verts en direction du sud elle observa en contrebas le paisible village d'Humberton dominé par le Château de Sire Belef. Elle souriait légèrement en observant les petites silhouettes vaquant à leurs occupations dans le hameau, mais on pouvait lire dans son regard une lueur de détermination que ne laissait pas supposer sa frêle apparence.

Soudain, un grondement sourd venu du nord-est, derrière la colline, la sortit de ses pensées. Curieuse elle gravit rapidement les derniers mètres la séparant du sommet afin de connaître la source de cet étrange bruit. Elle vit alors, fonçant bride abattue à travers la plaine, un destrier terre de sienne portant un cavalier vêtu de noir. Elle l'observa quelques instants déconcertée par ce spectacle inhabituel jusqu'à ce qu'elle se rende compte que le cavalier l'avait aperçu et détournait sa monture droit sur elle. La jeune fille fit alors volte-face et se mit à courir en direction du village, mais son kilt l'empêtrait quelque peu et elle trébucha sur la pente. Jetant un regard en direction du sommet, elle vit surgir effarée le cavalier fonçant dans sa direction. Tétanisée elle resta à genoux, persuadée de mourir piétinée par le cheval. Au dernier moment celui-ci fit un écart et passa en trombe près d'elle soulevant un nuage de poussière qui la fit tousser et éternuer. Or, la monture l'avait à peine dépassée qu'elle vit le cavalier chuter lourdement au sol et gésir sans bouger, îlot de noirceur parmi l'herbe haute. Le destrier continua quelques mètres sur sa lancée avant de se mettre à trotter puis de passer au pas pour finalement s'arrêter, tremblant de tous ses membres après l'effort, son corps couvert de sueur s'évaporant en vapeurs visibles dans la fraîcheur matinale.

Se relevant enfin, l'enfant ne savait que faire, l'incident n'avait pas encore été aperçu par le village mais bientôt les gens se rendraient compte de la chose en voyant approcher la monture étrangère, visiblement attirée par le foin de l'étable non loin. Respirant doucement et tentant de faire le moins de bruit possible, elle s'approcha du cavalier étendu aussi près qu'elle l'osa, puis n'apercevant aucun mouvement elle s'apprêta à rentrer précipitamment au hameau lorsque soudain l'homme en noir la saisit faiblement par la cheville et murmura dans un souffle :


Aidez-moi!

Ces simples mots suffirent à retenir le cri que la jeune fille s'apprêtait à pousser alors. Regardant à nouveau le corps gisant au sol, elle vit que peu à peu une mare de liquide vermeil s'étendait sous celui-ci, se mêlant à la terre brune et à l'herbe fraîche. Cet homme était blessé mortellement, comme le daim que son seanair avait abattu d'une flèche au printemps dernier, et son cœur se serra à cette pensée.

Que puis-je faire Messire? Je vais chercher notre guérisseur au village, je reviens au plus vite! S'entendit-elle répondre.

Non! Attendez! Souffla-t-il.

Bougeant son bras droit avec effort, le cavalier agonisant saisit un parchemin à sa ceinture et le fourra dans les petites mains de l'enfant.


Portez ceci à Sire Belef immédiatement, ange de vie, ce message est... de la plus haute importance! Notre Royaume... est en grand danger! Dit-il à bout de force.

Pétrifiée par ces paroles, ne sachant s'il fallait chercher tout d'abord de l'aide pour l'homme étendu ou écouter en premier sa demande, l'adolescente ne bougea pas durant quelques secondes.


Va mon enfant! Il n'est plus temps! Pressa l'homme en essayant pitoyablement de la pousser en direction du Château.

La jeune fille, suivant l'impulsion dérisoire, se mit à courir vers le fort, traversant en courant le hameau sous le regard étonné des villageois présents ne s'étant, jusqu'alors, pas rendu compte de l'événement. Elle fut arrêtée par les hallebardes croisées des deux gardes postés à l'entrée du castel jetant leurs regards suspicieux à cet enfant échevelée et couverte de poussière.


Laissez moi passer! J'ai un message pour Sire Belef! Cria-t-elle.

Les soldats la regardèrent d'un air morne, restant impassibles. Serrant ses petits poings de frustration, la jeune fille prit une grande inspiration en reculant de quelques pas puis fonça à toute vitesse sur les gardes et se glissa sous les deux hampes dressées. Les maîtres d'armes étaient tellement ébahis qu'ils mirent plusieurs secondes à réagir et à se lancer à la poursuite de l'effrontée. Traversant en trombe la grand-cour, la jeune intruse essayait de se remémorer la disposition des lieux, se souvenant du Banquet de Printemps traditionnel auquel le village avait été invité. Franchissant une porte ouverte, elle se retrouva dans les cuisines sous le regard intrigué des servantes et laquais. Elle découvrit un escalier et le grimpa quatre à quatre entendant les clameurs de ses poursuivants non loin. Tournant au hasard dans les couloirs, la chance fut avec elle car en arrivant dans un large corridor elle reconnut des éclats de voix familiers mais différents de celles des gardes : le si bien connu Conseil des Nobles aux vitupérations si virulentes qu'on pouvait parfois l'entendre depuis la place du village lorsque le vent portait bien.

Ne voyant aucun soldat gardant la lourde porte de chêne de la salle bruyante, la jeune fille s'approcha doucement de l'entrée prêtant l'oreille à ses poursuivants qui visiblement ne la cherchaient pas au bon endroit. Levant sa main pour pousser le battant, elle eut un infime moment d'hésitation puis entra. Un débat faisait rage, s'en était presque comique se dit-elle voyant certains nobles au teint congestionné s'égosiller à qui mieux mieux. Son entrée passa totalement inaperçue et regardant tour à tour les seigneurs rassemblés autour de la longue table, elle chercha du regard Sire Belef. Elle l'aperçut alors, à l'extrémité, observant avec attention chacun des nobles, vociférants sur des questions aussi importantes que la couleur du toit du nouveau silo à grain, en lissant doucement sa fine moustache de sa main droite. Se rendant compte qu'il était impossible à l'enfant de se faire entendre par delà ce vacarme, elle grimpa sur la longue table et avança résolument en direction du seigneur des lieux, renversant au passage carafes de vin fin et plateaux de fruits, sous le regard interloqué des nobles assemblés. Au fur et à mesure de son avance, le silence se fit, d'aucun n'esquissa un mouvement, encore trop abasourdi pour le faire tandis que Sire Belef fixait alors, quelque peu intrigué, l'enfant.

Arrivée devant le seigneur, elle se campa fermement sur ses petites jambes mais avant qu'elle n'ait pu ouvrir la bouche un noble rougeaud et ventripotent se leva et intervint d'un ton dédaigneux :


Allons bon! Que vient faire ici cette jeune meneah ? N'avez-vous point du travail aux champs au lieu de déranger ce Conseil d'extrême importance? Quittez les lieux et laissez-nous terminer mon enfant!

Il se rassit alors d'un air complaisant. Mais la jeune fille ne se laissa point faire, se tournant d'un air farouche envers l'intervenant et pointant un doigt accusateur elle rétorqua :

Vous! Je ne vous ai point adressé la parole! Et ne parlez pas de l'importance de ce Conseil de mascarade! Il est aussi inutile qu'un feu de cheminée en plein été!

Regardant à nouveau Sire Belef les yeux baignés de larmes.

Je suis venue ici pour porter un message à Sire Belef!

Brandissant son poing minuscule serré sur le parchemin froissé et rougi du sang du cavalier.

Il y a là... dehors un homme en train de... mourir, il m'a donné ce... ceci pour vous Messire en disant que c'était très imp... important... et je me suis jurée d'obéir à sa requête! Alors écoutez-moi Mess... Messire et lisez ceci, je vous en prie ! Sanglota-t-elle, les larmes roulant de ses yeux et collant sur ses joues les mèches rousses détachées de sa tresse.

Le gros noble s'apprêtait à tancer l'insolente mais Sire Belef leva sa main droite en signe d'apaisement pour couper court aux protestations. Il regarda d'un air doux l'enfant bouleversée :


Remettez-moi ce parchemin mon enfant, je vais lire ce message ne vous en faites pas.

Ce qu'elle fit, ses yeux verts indiquant son soulagement et attendit que le seigneur ait fini de le parcourir. Au fur et à mesure de sa lecture, Sire Belef fronça peu à peu les sourcils, puis il se leva subitement et lança d'un ton péremptoire aux nobles assemblés :

Messires! J'ai là de terribles nouvelles! Nos ennemis envahissent nos terres et ont dévasté Caer Hurbury, des renforts sont mandés d'urgence à la Citadelle de Snowdonia. Le Conseil est annulé en cet instant, retournez aux plus vite à vos castels et amenez tous les hommes disponibles en Snowdonia. La bataille sera rude! Puisse la Lumière guider nos bras vengeurs en ces heures sombres. Partez sur-le-champ!

Puis tournant un regard radouci envers l'enfant :

Petite meneah, tu n'imagines pas l'importance du message que tu nous as apporté, si nous repoussons nos ennemis ce sera grâce à ta célérité et ta détermination. Je te remercie par avance.

Ce... ce n'est rien Messire! Je ne... connaissais pas la teneur de ce pli. Mais il y près du village un... un cavalier mourant Seigneur! Il faut aller le soigner, je vous... je vous en prie! Parvint-elle à balbutier confusément.

Oui mon enfant. Gardes! Dit-il aux soldats s'approchant, ceux-ci ayant finalement réussi à retrouver l'intruse. Amenez cet enfant à Frère Sabutai, qu'elle le guide auprès du messager blessé près du village! Et ne perdez pas de temps à discuter mes ordres, obéissez immédiatement ! Ordonna-t'il aux gardes hésitants.

Ils escortèrent la jeune fille avec une rare célérité, pour des soldats, et bientôt celle-ci guidait le guérisseur auprès de l'homme en noir toujours étendu sur le versant de la colline. Celui-ci respirait toujours, bien que faiblement, lorsqu'ils arrivèrent et il ouvrit à demi les yeux. Discernant l'enfant, il souffla, au prix d'un gigantesque effort :


Alors... tu as... réussi ange de vie? Sire... Belef est averti?

Oui! Oui Messire! Notre Seigneur fait envoyer des troupes pour lutter contre nos envahisseurs. Mais Frère Sabutai est là pour vous soigner, nous allons vous sauver! Dit-elle à travers ses larmes, tenant la main du messager, agenouillée au milieu de la mare de sang répandu.

Alors... tout ira bien. Puisse la Lumière... Soudain il se tut, son visage se tordit légèrement dans un dernier spasme d'agonie puis se détendit en une expression paisible. Il n'était plus.

Messire? Messire! Ne mourez pas! Cria-t-elle. Frère Sabutai! Guérissez le je vous en prie! Ne pouvez vous rien faire?

Elle s'effondra alors, le corps secoué de sanglots, contre la robe de bure du moine agenouillé près d'elle, lui tapotant doucement l'épaule pour la réconforter :

Hélas ma jeune meneah. Même les pouvoirs que la Lumière m'a apportés ont leurs limites. Cet homme avait une blessure empoisonnée. C'est un miracle qu'il ait réussi à venir porter ce message jusqu'ici en restant en vie. C'est sa volonté aidée par la Lumière qui l'a maintenu vivant. Une heure avant j'aurai peut-être pu le sauver, mais la Lumière en a décidé ainsi, prie avec moi pour son âme mon enfant. Répondit d'un ton doux le guérisseur.

J'aurai pu le sauver, si j'avais su le faire lorsque je l'ai découvert! Dit la jeune Gaidheal relevant la tête, le visage baigné de larmes mais montrant une nouvelle expression de détermination.
Si j'avais su! Apprenez-moi Frère ! Je jure par la Lumière, ou quoi que ce soit qui nous guide, que plus jamais cela n'arrivera moi vivante. Je serai là pour empêcher ceci! Nos ennemis paieront pour ceci!

Comment te nommes-tu mon enfant? Lui demanda le moine à brûle-pourpoint.

Machinalement l'enfant répondit, perdue dans ses pensées :


Alvirulan, Frère Sabutai, mais tout le monde m'appelle Alvi au village.

Et bien meneah Alvirulan, veux-tu m'aider à prier pour le repos de cet homme courageux?

Oui mon Frère, bien sur...

Puis se redressant, elle murmura d'un ton déterminé autant pour elle que pour le corps étendu :

Oui je le jure, je sauverai les vies innocentes. Je vivrai dans l'abnégation et l'altruisme. La Lumière me guidera désormais...

Une brise soudaine emporta son vœu pieux. La scène était bien étrange en cette fin de matinée estivale : un homme en noir étendu comme endormi au sol, son sang rouge formant un contraste frappant avec l'herbe verte, un autre homme debout vêtu d'une robe de bure prononçant des paroles de sacrement, et une jeune fille rousse levant une main fermée vers le ciel, sa silhouette frêle se remarquant à peine sur la colline mais dégageant une étrange puissance...Sa Vocation serait. La suite, et bien, vous la connaissez, tout du moins en partie...




NB : Je vous traduis certains mots gaéliques que j'ai employés (langue parlée en ce temps là dans les Highlands).

Gaidhealtachd : Highlands.
Gaidheal : Un(e) Highlander.
seanair : grand-père.
meneah : jeune fille, adolescente (prête à être mariée).


Ps: tous vos commentaires sont les bienvenus, je me lance dans un récit épique façon roman d'apprentissage, ceci n'est qu'un début qui ne demande qu'à progresser Pour ceux qui ne me connaissent pas, et bien, découvrez moi ainsi...


Pps: édité en police plus grande pour meilleure lisibilité
Je vous remercie pour vos remarques, cela me pousse à continuer ainsi

Sinon Cayenne, je suis en 1280*1024 sous Windows et je trouve le texte parfaitement visible

Ps: j'ai édité le texte en une police plus grande pour une meilleure lisibilité
Citation :
Provient du message de Horfild
Encore !
Hihi, j'y travaille
Magnifique.
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"We'll get a world divided between a genetically superior upper class that's tall, slim, health, attractive, intelligent, and creative; and an underclass of substandard humans who probably spend all day looking for message boards to flame."
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