Rien ne me choque ni ne me dérange dans le fait qu'un mod ait été développé pour Battlefield 1942 en prenant comme inspiration le conflit qui embrase une fois de plus le si pétrolier golfe persique.
Rien ne me dérange parce que mettre en scène des drames horribles, parodier des tragédies bien réelles, ou faire une comédie ou un cinéma d'une abomination, a toujours été notre manie à nous afin d'alléger le poids d'une indécente réalité. N'est-ce pas un bonheur de pouvoir se dédoubler, de devenir un autre, quand la souffrance, la peur et la peine sont si proches de notre confortable quotidien ?
Cette création reste dans le stricte domaine ludique, personne ne mourra ni n'aura à souffrir de son développement. Il ne me semble pas que le projet serve une autre idée que de permettre à de jeunes gens, via un support virtuel, de s'identifier aux belligérants d'une guerre. Qu'on la perçoive comme sale, injustifiée, honteuse et liberticide, ou glorieuse, porteuse d'espoir, stabilisatrice et préventive, cela n'entre pas en compte.
Il n'y a vraiment ici pas de quoi faire un esclandre. Ou alors, il faudrait revoir en profondeur et depuis les origines, les sujets d'inspiration de l'ensemble des jeux vidéos.
Cependant, s'il y a peut-être une chose à déplorer, et en cela alors "Desert Combat" pourrait être davantage significatif, c'est de constater avec quelle facilité désormais notre société intègre, digère, condense, empaquette et dématérialise la réalité - aussi triste ou joyeuse soit-elle -, d'une façon qui semble devenue culturelle, le culte de la matière semble avoir abouti à cette échelle de valeur paradoxale : ce qui est diaphane, éphémère, impalpable, simplement porté à la connaissance de tous par l'omniprésence médiatique et un mode de penser iconographique acquiert une véracité et une valeur d'autorité morale indiscutables, au détriment du dasein, de l'être-là, de la réalité environnante de l'existence et dans laquelle baigne inconsciemment la conscience. Un nouveau refoulement ? Mais est-ce vraiment si nouveau ?
Alors, oui, "Desert Combat" pourrait renvoyer, à sa manière, c'est-à-dire dans un contexte opportuniste et malsain, voire obscène - en un mot banal - à ce procédé hélas si familier qui consiste à nier le sens de la vie qui se joue, la valeur de l'Histoire en marche, et le mince espoir que cultivent les honnêtes gens de croire qu'au-delà des mots pré mâchés et des images créées ex-nihilo subsiste l'idée que la vie humaine est sacrée. Car, en choisissant de se faufiler dans le train des actualités, ce jeu si particulier est contraint de supporter une dimension politique et morale de responsabilité que ses joueurs ne sont pas en mesure de tenir.
Tandis que nous jouerons à nous tuer pour de faux, avec les habits de ceux qui se battent aujourd'hui pour de vrai, il n'est pas sûr que nous saurons toujours définir avec certitude la frontière entre l'essentiel et le superficiel. Demain, nous enverrons-nous tuer des gens pour de vrai avec de faux habits ?
Glisser entre le réel et le virtuel ne se fait pas impunément.
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