Chapitre VI: Plus c'est long, plus c'est bon :)

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Un chapitre un peu plus long que les autres, qui a pris un peu plus de temps à écrire. J'ai vraiment mis du temps avant d'être satisfait de ce que j'écrivais aujourd'hui et, encore maintenant, j'ai des gros doutes. Bah, on verra bien

Chacun de mes chapitres fait entre 10 et 11 pages au format livre de poche. Celui-ci doit en faire 13. Mine de rien, depuis le début et en comptant l'intro, ca fait un total de 70 pages. Presque 1/3 d'un petit livre


Introduction
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V



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Shareen dormait dans un coin, peletonnée sous deux couvertures. Seule sa tête dépassait, lui donnant un air de raton laveur pris au piège. Elle ronflait doucement, remuant parfois la main pour écarter une mèche de cheveux qui lui tombait dans la figure.

Elle avait tenté de résister à la fatigue longtemps, étouffant un baillement, veillant aux côtés de Malek pour renouveler quelques compresses avec des morceaux de tissu trempés dans la rivière. Elle avait été ferme, prenant son rôle de guérisseuse à cœur. Rekk ne put poser une seule question, ni même s’approcher de Malek, sans rencontrer l’hostilité contenue de la jeune fille. Parfois, il avait semblé sur le point de la frapper, mais il s’était toujours retenu. Finalement, grommelant dans sa barbe, le Demon Cornu, la Flamme Infernale, le Boucher, s’était assis près du feu mourant en attendant patiemment que le jeune homme se remette.
Shareen avait eu l’intention de veiller toute la nuit, mais la fatigue l’avait rattrapée lorsque Malek lui assura qu’il allait bien, et elle s’était enroulée dans les couvertures pour se reposer un instant. Ses yeux étaient à peine fermés qu’elle ronflait déjà.

« Elle a l’air d’une enfant, quand elle dort » sourit Malek. « Je ne comprends pas comment elle a pu s’assoupir aussi rapidement, après toute cette excitation. Je n’arriverais pas à fermer les yeux, même si je me couchais maintenant »

Rekk se contenta de hausser les épaules. Il était fort affairé à ranimer le feu. Les branches étaient humides et les braises s’éteignaient l’une après l’autre.
« Si tu avais chevauché autant qu’elle, tu serais dans le même état, gamin »

Malek reposa son regard sur lui. Il avait encore du mal à réaliser la vérité. Shareen le lui avait dit, bien sûr, et l’homme avait confirmé. Il avait devant lui une légende du mal, et cela le rendait quelque peu inconfortable. Rekk le Banni… Deesse du Destin, pourquoi pas le Diable et ses chiens de l’Enfer, encore ? Savoir qu’il avait essayé de le tuer ne rendait pas la situation plus facile à vivre. Rekk… Le Baron Rekk…. Cela sonnait encore plus bizarrement, lorsqu’on lui donnait son titre de noblesse. Heureusement, l’homme ne semblait pas porté sur la chose.

Aucun noble ne s’abaisserait jamais à porter une armure de cuir aussi rapiécée, sans même le blason de l’Empire ni même le sien propre. Aucun noble n’aurait une cape aussi élimée, des bottes aussi fatiguées, une épée aussi banale. Et, à bien y réfléchir, aucun noble ne serait accroupi dans la boue à essayer de faire s’allumer un feu

D’un certain côté, l’homme paraissait relativement peu impressionnant, pour une légende. Il n’était pas très grand, il n’avait pas l’air particulièrement imposant, et aucune aura sombre ne tourbillonnait autour de lui. Malek avait beau le regarder, il ne remarquait aucune queue fourchue, ni sabots fendus. Il huma l’air un instant à la recherche d’une odeur de soufre. Rien. Cela sentait l’humidité, le bois brûlé, et la sueur de corps mal lavés.

Mais d’un autre côté, il ne fallait pas beaucoup d’efforts à Malek pour se persuader de la cruauté du Bourreau en face de lui. Il lui suffisait, en fait, de palper avec délicatesse son côté droit, et de sentir la douleur remonter en lui. Ou bien, il lui suffisait de regarder ces yeux noirs, sans aucune émotion, qui se posaient parfois sur lui avec un air calculateur.

Malek aurait pu devenir hystérique en apprenant contre qui il s’était battu. Mais il n’avait pas eu la force de lever le bras lorsqu’il l’avait appris, encore moins de fuir à toutes jambes. Et maintenant, il était trop tard. Shareen dormait, et il avait eu le temps de prendre sur lui. Un licornéen ne fuit jamais devant le danger ! Hzrdi la corne, et droit devant !

Il eut un sourire amer. Honneur et Pureté, tels étaient les maîtres mots de sa Maison. Mais pour ce qui était de l’honneur, il avait failli à sa tâche. Quant à la pureté…

Rekk, accourpi près du feu, haussa les épaules. Il semblait avoir envie de parler.
« Ne la dénigre pas comme ça. J’ai rarement vu une fille aussi volontaire » grogna Rekk « Il faut du courage, pour entamer ainsi un voyage de plusieurs… ah, ca y est ! » fit-il enfin alors que le feu prenait. « Je déteste la pluie. Ca change la terre en boue impraticable, et ça mouille le bois. Affreux pour voyager. » Il alimenta la flambée pour éviter qu’elle ne se consume trop vite. « Qu’est-ce que je disais ? Ah oui… partir comme ça, sans hésiter, pour chevaucher plusieurs jours dans une région infestée de pillards, tout cela pour la mémoire de Deria. Bah ! Si ce n’est pas de la volonté, c’est de l’inconscience »

« La connaissant, je pencherais pour la seconde proposition » sourit Malek.

Il tendit ses mains vers le feu, reconnaissant de la chaleur qui s’infiltrait enfin en lui. Ses membres étaient engourdis, et il enleva ses bottes pour les vider de leur eau. Rekk le regarda faire avec des yeux impénétrables.

« Ton côté ne te fait pas trop mal ? »
Malek hocha la tête.
« Je crois que je n’ai rien de cassé, finalement. Vous m’avez coupé le souffle, mais mes côtes ont résisté »
Rekk haussa un sourcil, l’air surpris.
« Tant mieux pour toi, gamin. J’étais convaincu de t’en avoir brisé plusieurs »
Malek grimaça un sourire.
« Je vous avais dit que j’avais de la chance. Votre botte a heurté la garde de mon épée avant de me toucher. Elle m’a protégé »
« Ce n’est pas de la chance que tu as eu, gamin. C’est un foutu miracle. Je vais finir par crorie que la Déesse du Destin t’a vraiment pris sous son aile… »
« Si ç’avait été le cas, je ne me serais pas laissé prendre comme ça » grogna Malek, avant de réaliser ce qu’il venait de dire. Mais Rekk se contenta de rire.
« Je te l’ai déjà dit. Il y a des limites à ce que la chance peut accomplir, surtout lorsque tu fais autant de bruit en avançant »
« Je n’ai pas fait de bruit » protesta Malek, vexé.
« Si tu le dis » fit Rekk placidement. « Quoi qu’il en soit, je suis content que tu ailles mieux. »

Malek avala sa salive.
« Merci. Je ne pensais pas que vous vous soucieriez de ça. »
« Pourquoi ? Parce que je m’appelle Rekk, et que je suis sans pitié, c’est ça ? » Il éclata de rire, puis pointa un index épais vers le jeune homme. « Je vais te dire une bonne chose, gamin. Je suis content de ne pas t’avoir tué. Ma fille parlait de toi en bien, et je vois que tu as essayé d’être fidèle à sa mémoire, d’une certaine façon » Il fit la grimace.
« Merci… je crois » fit Malek..

Le silence s’installa. Les nuages s’ammoncelaient dans le ciel, cachant la lune et les étoiles. Seul le feu donnait désormais un semblant de lumière aux alentours, jetant des ombres improbables dans toutes les directions.

« Je voudrais savoir… » demanda Malek, hésitant. « Dites-moi si la question vous dérange, mais qu’est-ce qu’un homme comme vous, avec une réputation comme la vôtre – sans vouloir vous offenser, bien sûr – fait en tant que Seigneur d’une baronnie, aux fins fonds de l’Empire ? Je croyais que vous étiez banni des terres impériales à vie ? »

La bouche de Rekk se tordit dans un rictus amer. Il prit le temps de marcher jusqu’à son cheval, de récupérer une pomme et un peu de viande séchée, puis de revenir au feu. Il s’accroupit, l’épée à côté de lui, et entreprit de manger. Dans cette position, réalisa Malek, il pouvait se lever à tout instant pour faire face à n’importe quel danger. Ce n’était pas une simple précaution, mais une manière de vivre.

Le silence se prolongea alors que Rekk mordait dans la pomme. Malek se résignait à ne pas avoir de réponse, lorsqu’il se mit enfin à parler.

« L’Empereur est un vieux rusé. Il n’aime pas jeter les outils qui peuvent encore lui servir. » Il haussa les épaules. « Je l’avais fidèlement servi pendant dix ans, et qu’est-ce que ça m’a apporté, à part une légende qui me colle à la peau, et une gloire dont je me passerai bien ? Est-ce qu’il m’a rendu riche ? Est-ce qu’il m’a gardé auprès de lui ? Non, comme si cela ne suffisait pas, il a continué à m’utiliser pendant quinze ans encore, à garder ses frontières contre les barbares. » Il cracha sur le sol, le visage sombre. « Pourquoi voulais-tu qu’il me bannisse hors du royaume, alors qu’il pouvait m’exiler dans un coin perdu, pour une tâche ingrate que personne ne souhaitait faire ? Le résultat revenait au même, et le peuple était content »
« Le peuple ? »
Rekk grimaça.
« Ce n’est pas l’Empereur qui m’a exilé, gamin, quoi qu’on ait pu te raconter. C’est le peuple, la voix du peuple qui m’a condamné. Les fous ! Ils ne savent rien, ils ne savaient rien. Ils se faisaient manipuler, et moi avec » La voix de celui qu’on appelait le Démon Cornu était amère, maintenant. « Oh, ca l’arrangeait bien, que tous les malheurs du monde me soient imputés. Ca l’arrangeait vraiment bien. Je faisais le sale boulot, et il régnait en paix. Bleh ! »

« Vous n’avez pas fait tout ce qu’on vous reproche, alors ? » s’enquit candidement Malek.
« Tu n’as pas entendu ce que j’ai dit, gamin ? C’est moi qui faisais le sale boulot ! Bien sûr que si, que j’ai fait tout ce qu’on me reproche ! J’ai passé des quartiers entiers au fil de l’épée, j’ai brûlé des villages, j’ai pillé des provinces et j’ai collecté l’impôt. J’ai abattu les traîtres, et les dissidents, et les hors-la-loi, et les mauvais payeurs, et tous ceux qui déplaisaient un tant soit peu à l’Empereur. » Il tendit ses mains vers le jeune homme. « J’ai les paumes pleines de sang, à un point que tu n’imagines même pas » Il eut un sourire qui faisait froid dans le dos. « Et le pire, c’est que j’aimais ça »

Malek eut un sursaut lorsqu’il prononça ses mots, mais il ne recula pas.
« Vousaimiez tuer des gens ? »

Rekk haussa les épaules.
« Pas particulièrement. Mais j’aime l’ordre. Que sont quelques morts comparées à l’unité de l’Empire ? Avec ma lame, j’ai abattu des criminels, et les crimes se sont taris. J’ai tué des fraudeurs, et les fraudes ont diminué. J’ai rasé des villages qui ne payaient pas leurs impôts, et jamais la collecte de la taxe ne s’est mieux portée. J’ai abattu les rebelles et les comploteurs, et l’Empereur est resté sur son trône jusqu’à ce qu’il meure de maladie. J’étais un faiseur de paix, mais personne ne le voit comme cela. Je suis le seul. »

Cette fois-ci, Malek eut du mal à cacher son dégoût.
« Mais vous avez dû tuer des innocents, des centaines d’innocents ! Lorsqu’un village ne paie pas ses impôts, c’est le Gouverneur du village qui est en cause, pas les habitants ! Vous pouviez le tuer, lui… » Il fronça les sourcils « …même si ce serait tout de même une solution extrême, mais pourquoi tuer les habitants ? »

Rekk le regarda d’un air dur.
« Tu es un licornéen, gamin. J’ai jeté un œil à ton bouclier. Tu es tout pétri d’honneur, et de chevalerie, et de respect mutuel. Tu ne sais rien de la vie, tu ne comprends rien, tu ne peux rien savoir. » Il haussa les épaules. « Regarde ce qui se passe en moment, regarde ce qui est arrivé à ma fille ! Lorsqu’il n’y a pas de gens comme moi, avec une épée prête à frapper ceux qui menacent l’unité de l’Empire, les problèmes se multiplient. J’ai entendu dire que le centre ville de Musheim était désormais une zone dans laquelle les gardes n’osent plus aller. J’ai entendu dire que l’Empire avait des problèmes de trésorerie, car il était systématiquement floué sur l’impôt. J’ai entendu beaucoup de choses et, crois-moi, cela va forcément finir par faire des morts. Beaucoup plus de morts que ce que j’aurais fait, moi. »

Malek ne se laissa pas démonter pour autant.
« Vous prenez-vous pour un Dieu, à juger ainsi les hommes, et à déterminer avec votre lame s’ils sont coupables ou non ? Est-ce ainsi que vous fonctionnez ? »

Rekk eut un soupir fatigué.
« Si tu avais le choix entre tuer dix personnes pour assurer la paix à ton pays, ou ne pas les tuer et semer les germes de la guerre, que ferais-tu ? »
« Je ne sais pas ce que je ferais, mais je ne les tuerais certainement pas de sang froid ! Si vous raisonnez ainsi, alors tuer vingt personnes serait aussi un faible prix à payer pour la paix ? Et trente ? Et cent ? Combien de vies humaines vaut la paix, à combien l’estimez-vous ? »

« Ne me juge pas, gamin » gronda Rekk. « J’ai déjà beaucoup trop parlé. Personne ne peut me juger, hormis moi » Il avait l’air triste, en disant cela.

Jamais, probablement, ne s’était-il autant confié. Mais Malek avait ce don, cette qualité qu’ont certains de faire parler sans jamais avoir à faire d’efforts. Il avait ce visage ouvert qu’ont les meilleurs amis, cette écoute active qui incitait à en dire plus, et qui poussait Rekk à ouvrir son cœur, fût-ce aussi faiblement.

« Et ? Quel a été votre jugement ? » fit Malek, tout doucement.
« Coupable, bien sûr. Cent fois coupable. Pourquoi crois-tu que je suis parti en exil et que j’ai obéi à l’Empereur ? Pourquoi crois-tu que je suis resté autant d’années à protéger l’Empire des invasions barbares, luttant jour après jour pour ne pas céder un pouce de territoire, pour protéger les fermes du sud et les villages de la frontière ? » Il eut un sourire désabusé. « J’aime à croire que j’ai sauvé des vies, pendant ce temps. Peut-être que cela va me racheter. » Il haussa les épaules. « Je croyais que je terminerais ma vie là-bas, mais les Dieux n’en ont pas voulu ainsi. Dans quelques jours, je serai à Musheim »

« Et ? Qu’allez-vous faire ? Vous allez rechercher l’assasin de votre fille ? »
« Je te l’ai déjà dit. Je vais le chercher, je vais le trouver, et je vais le dépecer. Je vais jeter sa peau aux animaux, et je le ferai brûler à petit feux pour qu’il souffre longtemps avant de mourir. »

Malek soupira. Le feu s’éteignait tout doucement, les dernières braises rougeoyant dans l’obscurité. Il n’allait pas tarder à faire jour, et ils avaient tout deux besoin de sommeil. Du moins, lui-même en avait fort besoin. Il haussa le ton.

« Vous parlez de rédemption, mais vous ne changez pas vos méthodes. Vous avez réellement l’intention de chercher l’assassin ? »
« Oui »
« Et lorsque vous l’aurez trouvé, vous ne le livrerez pas à la justice ? »
« Non »
« Vous le torturerez, pour qu’il paie au centuple la mort de Deria ? »
« Oui. Pourquoi ces questions ? »
« Parce que cela me plaît, et que je viens avec vous. »
Eleon LongueLame aimait la taverne du Couteau Tranquille. A la différence des autres dans le centre-ville, celle-ci était presque fréquentable. Il y avait peu de bagarres, et les nombreux videurs mettaient rapidement les contrevenants au pas. Au sous-sol, une salle de jeux attirait tout l’or de la racaille de Musheim, et les tenants de l’établissement ne tenaient pas à ce qu’une quelconque confusion puisse empêcher leurs clients de dépenser.

Eleon n’aimait pas jouer. De toute manière, il n’avait plus beaucoup d’argent. Avec un soupir, il tâta la bourse à son côté, qui s’était rapidement aplatie au fur et à mesure des jours. S’il se souvenait bien, il ne lui restait plus qu’une seule pièce d’argent, et quelques pièces de cuivre qui se battaient en duel. Une véritable misère.

Le métier de chasseur de primes était difficile, mais il rapportait souvent beaucoup, pour peu que l’on fût le premier sur l’affaire. Certains brigands pouvaient ramener jusqu’à une ou deux pièces d’or. Il en avait même vu un monter à six. Mais les affaires étaient calmes en ce moment, bien trop calmes. Cela faisait bien un mois qu’il n’avait reçu aucune demande. Si cela continuait, Comeral et lui allaient devoir finir par accepter des missions de garde du corps pour gagner leur vie. Il y avait une forte demande, en ce moment. Beaucoup de riches marchands, et même beaucoup de simples négociants, semblaient être de plus en plus inquiets pour leurs commerces. Ils recrutaient à tour de bras, mais la paye était médiocre, et le métier ennuyeux. Non, Eleon préférait de loin le plaisir de la chasse.

« Désolé d’avoir tardé » Comeral s’assit à sa gauche, pour pouvoir comme lui avoir le dos au mur. Il posa contre la cloison l’épée gigantesque, presque grande comme lui, qui faisait sa réputation, et se fendit d’un sourire roublard. « Une fille de taverne peu farouche, et qui pour une fois ne demandait pas d’argent. C’est rare »
Eleon s’autorisa un petit rire.
« Tu ne t’es pas fait voler ton argent, au moins ? C’est une de leurs astuces les plus évidentes »
« Pour qui tu me prends ? Non, c’est mon regard ténébreux et mon visage d’ange. Tu ne peux pas comprendre, Eleon. Tu es né avec une face de rat et des yeux niais »
« Ha ! C’est toi qui ose me dire ça, tête de chameau ? » Il haussa les épaules et changea abruptement de sujet « Alors, quoi de neuf ? »
« Pas grand chose, malheureusement. Un cocu veut abattre l’amant de sa femme, il offre une pièce d’argent et douze pièces de cuivre. L’amant en question cherche à lui retourner la politesse, et il offre un peu plus. Deux pièces d’argent »
« C’est lui qui vivra vieux, et qui épousera la veuve » prophétisa Eleon, se balançant doucement sur sa chaise. « Mais ce n’est pas du travail pour nous. Trop mal payé. Rien d’autre ? »
« Rien de vraiment intéressant. Si, un gamin du Quartier Maudit offre une récompense de trois pièces d’argent pour qui trouvera l’assassin d’une fille qui est morte il y a quelques jours »
« Trois pièces d’argent, eh ? Mais c’est un travail d’enquête, ca m’ennuie d’avance » Il soupira. « Nous sommes des chasseurs de primes, nous. Les meilleurs du pays. Je me demande pourquoi on s’ennuie à collecter les rumeurs dans les tavernes. C’est ennuyeux, c’est lassant, et ça ne nous mène à rien »
« Tu as combien d’argent sur toi ? » s’enquit Comeral avec un sourire.
« Quelques pièces de cuire, de quoi tenir une nuit peut-être… »
« Eh bien tu as ta réponse. On reste dans les tavernes à écouter des rumeurs parce que même deux pièces d’argent nous feraient du bien mainten… »

Il s’interrompit alors que la porte de la taverne s’ouvrait violemment. Elle heurta le mur avec un bruit sourd.
Personne n’agissait ainsi au Couteau Tranquille, s’il tenait à la vie. Avant même que le bruit ait fini de résonner dans les oreilles d’Eleon, six videurs aux massues imposantes sortaient des alcôves dans lesquelles ils patientaient, pour intercepter le ou les perturbateurs. Mais le sifflement d’un carreau d’arbalète se fit entendre, et ils s’immobilisèrent, indécis.

« Faites place ! » hurla une voix, alors qu’une dizaine de gardes s’introduisaient dans l’établissement, renversant les tables sur leur passage. « Faites place et écoutez, vermines lubriques et purulentes ! »

Le personnage qui progressait dans la haie de gardes n’était pourtant pas très impressionnant. Vêtu d’un lourd manteau à capuche qui dissimulait à moitié son visage, il avançait d’un pas emprunt de vanité jusqu’au centre de la salle. Les gardes se déployèrent autour de lui.

« Qui est-ce ? » chuchota Eleon.
« Un homme de main quelconque qui cherche à se rendre important » fit Comeral, inclinant la tête en souriant. « Je crois bien que j’ai déjà vu sa sale bobine quelque part, même s’il cherche à dissimuler son visage »

La taverne bruissait de murmures, mais les bruits habituels s’étaient tus, les chants s’étaient taris et les verres s’étaient reposés. Tous à présent tendaient l’oreille pour comprendre ce qui se passait et entendre ce que le nouveau venu avait à dire.

« Ecoutez-moi tous ! » hurla l’homme, sans que ce fût nécessaire tant l’attention de la taverne était palpable. « Nous recherchons un homme qui se dirige vers ici. Un homme très dangereux. Un épéiste de légende ! Nous recherchons un voleur, un assassin, un violeur aux multiples forfaits ! »

Quelques cris et huées firent écho aux paroles de l’homme – beaucoup de clients de la taverne avaient déjà volé ou tué eux-même – mais certains se rapprochaient pour écouter. Eleon était de ceux-là. Tout cela sentait très bon.
« Qui est-ce que tu recherches, Balorn ? Ne nous fais pas languir ! » lança Comeral, les yeux rieurs, s’appuyant sur sa gigantesque épée comme sur un dossier de chaise. « Contre quel petit guerrier sans gloire as-tu une dent aujourd’hui ? »

Celui qu’il avait appelé Balorn leva deux yeux haineux de sous l’intérieur de son capuchon, furieux qu’on ait interrompu sa tirade. D’un geste, il aurait pu ordonner aux gardes de saisir le perturbateur, mais deux choses le retinrent. D’une part, un combat ici ne pouvait que dégénérer en émeute. D’autre part, Comeral aurait parfaitement été capable de tailler en pièces sa petite escorte par lui seul. Avec un rictus de colère, Balorn abandonna cette idée.

« Tu ne riras pas ainsi longtemps, Comeral ! La personne que nous recherchons, c’est Rekk le maudit ! Je le veux, mort ou vif ! »

Les murmures de conversation s’intensifièrent dans la pièce, alors que tout le monde se retournait vers son voisin pour discuter et se faire confirmer ce qui venait d’être dit. S’il y avait bien un nom que tout le monde connaissait ici, c’était bien celui-là.

« Tu n’as pas suffisamment mangé de soupe, Balorn, que ta mère a dû te menacer de cette histoire ? Je vais vite te rassurer, il n’existe pas, ton bonhomme ! Ce n’est qu’un épouvantail à enfants ! » lança Comeral. Des rires gras se firent entendre de part et d’autre de la taverne alors qu’il ajoutait : « Mais qu’est-ce qu’on devrait attendre d’autre de la part d’un homme qui emporte dix gardes avec lui pour prendre un verre ? »

Balorn était pourpre de fureur. Avec un effort visible sur lui-même, il parvint à se contenir, et il plongea la main dans sa poche. Une pièce d’or brillait dans ses mains. Dans le Centre-Ville, c’était un véritable appel au meurtre que de se promener avec une telle somme sur soi. Cela eut au moins le mérite de faire taire les conversations et d’étouffer les rires.

« Croyez ce que vous voulez, mais je vous dit que ce Rekk existe. Il vient vers Musheim, et cela contrarie grandement mon maître. Pour la personne qui le tue, il y aura… » Il fit une pause, ménageant visiblement ses effets « dix pièces d’or, comme celle-ci, pour sa tête ! »

Eleon se renfonça dans sa chaise, stupéfait.
« C’est qui, ce gars ? Tu as l’air de le connaître ? » siffla-t-il à l’oreille de Comeral.
« Un homme de main de Semos, le maître de l’Académie. J’ai joué aux cartes quelques soirs avec lui. Un mauvais joueur, par ailleurs, incapable de bluffer. Mais j’ai bien l’impression qu’il joue trop gros, aujourd’hui. Regarde. » Plus fort, pour que la salle l’entende, il ajouta : « Hey, Balorn, qu’est-ce qui nous empêche de venir piétiner tes misérables gardes et de nous emparer de l’or que tu nous as montré ? Une pièce d’or dans la poche valent mieux que dix dans la nature ! » Quelques gros bras, dans la foule, manifestèrent leur approbation, et les gardes levèrent nerveusement leur lance.

« Je suis ici par la volonté de Maître Semos » couina l’homme de main, manifestement terrorisé. « C’est lui qui veut la peau de Rekk. Si jamais vous m’agressez, il viendra avec la totalité de la garde pour raser cette taverne, et il vous traquera tous jusqu’au dernier ! Vous savez qu’il est rancunier ! »
« Et voilà » fit Comeral en se rasseyant, un demi-sourire au lèvre. « Je t’avais dit que c’était un mauvais joueur. Il dévoile tout de suite toutes ses cartes… »

Eleon resta un instant perdu dans ses pensées. Sa main suivait le contour de la seule pièce d’argent qu’il lui restait.
« Pour dix pièces d’or, je suis prêt à assassiner qui il veut, même un rêve, même une légende. Si ce Rekk existe réellement, alors il est déjà mort. »
Comeral haussa un sourcil.
« Je me doutais que tu dirais cela. Ca me paraît une mission intéressante, en effet, même si, » il pointa un doigt vers la salle en ébullition « visiblement nous ne serons pas les seuls sur le coup. D’un autre côté, il y a des risques. Si ce Rekk existe, comme tu le dis, et qu’il est fidèle à sa réputation, il ne sera pas facile de le combattre. On dit que c’était une des meilleures lames de l’Empire. »

Eleon eut un sourire carnassier. Il referma son poing, l’ouvrit et, soudain, deux dagues se balançaient sur ses doigts, en équilibre sur la pointe.
« Qui a parlé de le combattre ? Il s’agit simplement de le tuer »
Vraiment excellent

Je upp tout ca pour que personne ne rate ce bijou.

Continue Grenouille, je t'interdis de t'arreter avant la fin de l'histoire !
__________________
Llewyn - Lorelyn
Autrefois membre des defuntes Amazones d'Albion (Ys)
Re: Chapitre VI: Plus c'est long, plus c'est bon :)
Citation :
Provient du message de Grenouillebleue
[i]Un chapitre un peu plus long que les autres, qui a pris un peu plus de temps à écrire. J'ai vraiment mis du temps avant d'être satisfait de ce que j'écrivais aujourd'hui et, encore maintenant, j'ai des gros doutes. Bah, on verra bien

Chacun de mes chapitres fait entre 10 et 11 pages au format livre de poche. Celui-ci doit en faire 13. Mine de rien, depuis le début et en comptant l'intro, ca fait un total de 70 pages. Presque 1/3 d'un petit livre

Ah tu vois mes remarques portent leurs fruits

Sinon très bien, j' aime beaucoup celui si
Je t' embête pas parce que il est tard mais attention, je vais reviendre
__________________
http://loengrin.chez.tiscali.fr/Image/signatkee.jpg
Je ne suis pas sûr de ton calcul là. Je ne lis pas très vite, et tes 6 chapitres sont quand même assez vite lus. Ou alors tu parles d'un format livre de poche en gros caractères.
Malheureusement, le chapitre VII ne sera probablement pas pour aujourd'hui, je dois m'occuper de former une stagiaire dans la journée, donc pas de temps pour écrire...

On verra si j'arrive à squeezer quelques pages entre midi et deux

En attendant, si vous avez d'autres commentaires, des suggestions, des idées sur comment vous voulez que l'histoire évolue...
Citation :
Provient du message de Grenouillebleue
Une petite québéquoise charmante
J'adore cet accent.
J'confirme

Et, si tu es doué(*), tu constateras qu'il prend une autre dimension encore dans certaines circonstances

Ekios petit coquin, paske je le vaux bien

(*) seduisant
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