Chapitre II de l'histoire medfan-qui-doit-trouver-un-titre :)

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Et voilà.
Bon, au rythme d'un chapitre par jour, ne vous attendez pas, encore une fois, à de la grande littérature.

Mais je suis assez content du résultat
Tout commentaire et critique apprécié, comme d'hab !

Introduction
Chapitre I

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Les volets avaient été laissés grand ouvert. On pouvait entendre dehors, étouffés par la distance et la hauteur, les bruits des guerriers qui s’entraînaient dans la cour principale. C’était une musique délicatement sauvage, un mélange de frottements de métal, de cliquetis d’acier et de cris des jeunes recrues, une musique très agréable à l’oreille de l’occupant de la pièce. On n’était pas encore sortis de la saison des neiges, pourtant le soleil brillait avec force aujourd’hui, et le peu de neige qui était tombé ces derniers jours sur l’Académie avait vite fondu. Les entraînements, un temps interrompus, pouvaient enfin reprendre. Ce bruit lui avait manqué.

Malgré ces volets grands ouverts et le soleil qui brillait dehors, la pièce restait à moitié plongée dans l’obscurité. La fenêtre était trop petite, ou la salle trop longue, toujours est-il que les bibliothèques du fond, le râtelier d’armes, et une partie du bureau, restaient dans une ombre perpétuelle. On aurait pu facilement élargir la fenêtre, mais cela ne déplaisait pas à Gundron d’avoir à allumer une vieille chandelle pour pouvoir lire. Il n’appréciait pas particulièrement la lumière du soleil, qui l’aveuglait plus souvent qu’elle ne l’éclairait. Il avait été blessé à la tête, près de vingt ans auparavant. Un de ses yeux s’était fait crever, l’autre ne voyait plus aussi bien qu’autrefois. La semi-pénombre était douce pour lui.

Pourtant, la fraîcheur de la pièce, et les cris au-dehors, ne lui apportaient pas la satisfaction qu’il ressentait habituellement. Au fur et à mesure qu’il lisait, marmonnant les mots, son humeur virait à l’aigre.

« Les imbéciles » gronda-t-il finalement, laissant libre cours à sa colère. « Les sombres crétins. Les fils de catins. ». Il avança la main, tendant la lettre vers la chandelle. Il y eut un Psscht discret lorsque le papier prit feu. Gundron attendit que les flammes lui lèchent les doigts pour lâcher le document. « Les idiots » marmonna-t-il, se levant avec lassitude. « J’aurais dû m’en occuper moi-même ».

Il jeta un œil désabusé vers le miroir. Il n’avait jamais fait ses quarante ans. La pratique régulière de l’escrime, de la lutte et du tir à l’arc lui avaient jusque là épargné les sévices de l’âge. Il menait une vie saine, mangeait bien, dormait bien, et appréciait particulièrement la vie tranquille qu’il avait mené jusqu’alors.

Mais depuis plus d’un mois, il n’avait plus d’appétit, il ne trouvait plus le sommeil, et l’entraînement lui répugnait. Il se sentait fatigué et, pour la première fois, le miroir lui rendit une image de lui qui accusait son âge.

Il avait toujours été plutôt bel homme. La profonde cicatrice qui partait de son front pour rejoindre son menton, et qui avait emporté son œil gauche, s’était résorbée avec le temps et les traitements coûteux, et avaient fini par lui donner un charme particulier que les femmes de la cour semblaient apprécier. A moins qu’elles n’apprécient les sensations fortes. Mais aujourd’hui, dans le miroir, sa balafre semblait hideuse. Son unique œil était vitreux de fatigue et d’inquiétude, et pour la première fois ses cheveux gris semblaient plus nombreux que les cheveux d’un noir de jais qui avaient assis sa réputation. Il soupira.

« Tu es coquet, Gundron ? Tu nous avais caché ça »

La voix railleuse le fit se retourner brutalement. La colère et la honte se la disputaient en lui.

« Je regardais ma cicatrice, Semos. Elle me brûle. C’est mauvais signe »

Le maître de l’académie rentra dans la pièce d’un pas tranquille, et alla s’adosser au mur. Il souriait.

« Ta balafre te brûle, et tu t’inquiètes ? Ne me dis pas que tu es superstitieux comme cela, pas toi, Gundron. Si tu avais des cors au pied, tu me prédirais l’orage ? » Il ricana.

« Je ne serais pas aussi inquiet, et ma balafre, comme tu dis, ne me brûlerait pas autant, si tu n’étais pas un crétin de la pire espèce ! » Il avait hurlé ces derniers mots. « Tu ne sais pas ce que tu fais, ni dans quoi tu t’engages. Tu ne m’as même pas consulté avant de faire ce que tu as fait, et maintenant la justice est en marche »

Semos leva un sourcil. Il n’avait jamais vu le vieil homme sortir ainsi de ses gonds jusqu'alors.
« Ho ? La ‘justice est en marche’ ? Voilà qui est intéressant. Si tu me disais un peu pourquoi je suis aussi stupide ? J’aimerais comprendre »
Gundron fit un effort visible pour reprendre le contrôle de soi.
« Tu joues avec des forces que tu ne comprends pas, que tu ne peux pas comprendre » gronda-t-il sourdement. « Je t’avais dit d’étouffer cette histoire, et de tuer la fille avant qu’elle ne prévienne son père. Je te l’avais dit ! »
Semos haussa les épaules.
« Ce n’est que ça, qui te tracasse ? Alors ne t’inquiètes plus, j’ai envoyé deux assassins sur ses traces, elle devrait être morte à l’heure qu’il est »
« Elle ne l’est pas ! » martela Gundron, frappant du poing sur la table. « Elle ne l’est pas, parce que tes abrutis d’hommes de main ont attendu trop longtemps pour l’attaquer, jusqu’à ce qu’elle soit sous la protection des hommes du château »

Pour la première fois, Semios parut troublé.
« Comment as-tu appris cela ? Je viens moi-même de… » Il se tut.
« J’ai mes informateurs, moi aussi. Et je fais bien d’en avoir, vu le degré d’incompétence que tu mets dans tout ce que tu fais ! C’est incroyable de voir cela ! Je te fais une demande simple, une seule, et il faut que tu fasses tout rater ! »

C’était maintenant à Semios de s’échauffer.
« Ne me parle pas sur ce ton, Gundron. Qui t’a permis d’espionner mes hommes ? Souviens-toi que c’est désormais moi, le maître de l’Académie. »
« …Et je te laisse ce titre volontiers, compte tenu de ce qui risque de t’arriver » ricana Gundron, levant les bras au ciel. « Je te le laisse volontiers ! Pour ma part, je pense que je vais probablement m’exiler pour quelques mois… peut-être quelques années. Mais comment feras-tu sans mes conseils ?»

Semios s’était calmé, et le regardait maintenant d’un air maussade.
« Je ne sais pas comment tu es au courant, mais effectivement, c’est bien ce qui s’est passé. Mes hommes ont voulu attendre jusqu’à ce qu’elle soit perdue dans la steppe, pour être bien sûrs que personne ne soit le témoin de son meurtre. Mais des cavaliers sont venus, et l’ont escortée jusqu’au château »
« Oui. Maintenant, il est sans doute au courant. Tu aurais dû m’écouter, la tuer dès qu’il est devenu clair qu’elle allait déserter. »

Semios s’assit lourdement sur une chaise, puis lança un sourire narquois à Un-Oeil.
« Ne me dis pas que tu as peur de lui. Ce n’est plus qu’une antiquité, maintenant. Il doit avoir plus de quarante ans, presque cinquante ! » Il surprit le regard noir de Gundron, et son sourire s’élargit. « Oui, il est très vieux maintenant, il n’est probablement plus bon à rien. » Il haussa les épaules. « Cela fait quoi, quinze ans qu’il a été banni ? Plus personne n’a entendu parler de lui depuis, à part pour nous confier sa fille. Je trouve que tu t’affoles vraiment pour pas grand chose »

Gundron se leva.
« Il est possible que je m’inquiètes pour rien, en effet. Il est possible que cet homme soit mort entre-temps, tué par des barbares – même si c’est hautement improbable, car je l’aurais certainement appris. Il est aussi possible qu’il soit infirme, ou blessé, ou tout simplement qu’il ait vieilli, grossi… Mais… » Il tendit son doigt vers le maître de l’Académie. « Es-tu prêt à en prendre le risque ? Depuis qu’il est aux frontières nord de l’Empire, nous avons connu la paix. Il a repoussé plus d’invasions barbares que je peux en compter, avec sa petite bande de va-nu-pieds et les vivres et les hommes que l’empereur lui envoie. Ce n’est certainement pas quelqu’un qui m’a l’air inoffensif »

Semios secoua la tête.
« De toute manière, je ne comprends pas vraiment pourquoi nous devrions nous inquiéter. Après tout, ce n’est pas nous qui avons tué sa fille. Libre à lui d’aller chercher les coupables, si ça l’amuse, et de les étriper sur la place publique. Ce n’est pas moi que cela dérangera. »
« Tu étais trop jeune pour le connaître. Tu ne connais pas le personnage » Gundron frémit. « Il est aussi impitoyable que ses surnoms le font paraître. Il est tout à fait possible qu’il vienne nous défier ici, simplement parce que nous n’avons pas su assurer la sécurité de sa fille… »

Semios resta silencieux un instant, touché par le ton inquiet de son interlocuteur. Mais il finit par hausser les épaules de nouveau.
« Je n’ai rien à craindre d’un vieillard. Si jamais il ose venir jusqu’à moi, je m’en occuperai moi-même. Après tout, c’est moi qui ai remporté le dernier tournoi, l’an dernier. C’est moi la meilleure lame du royaume. » Il eut un sourire cruel. « Cela fera du bien à ma légende, si jamais les gens apprennent que j’ai tué Rekk le Banni en combat singulier »

Gundron se contenta de rire.
« Tu crois vraiment que tu es le meilleur épéiste ici-bas ? Tu crois que tu avais une chance contre moi ? Dans ce cas, pourquoi avais-tu pris ma famille en otage ? »
« J’aime gagner » fit Semios, un demi-sourire aux lèvres. « Je n’aime pas prendre de risques. Mais je t’aurais battu, avec ou sans cela. Tu n’es plus un aussi bon duelliste qu’autrefois, Gundron. Ton temps a passé »

La tension était palpable dans la pièce, alors qu’Un-Œil portait la main à son épée. Un instant, les deux hommes se regardèrent et se jaugèrent. Puis Gundron cracha sur le sol.
« Tu es un abruti, Semios, et toute ta science des armes ne te servira à rien contre ta stupidité. »

Il souffla la bougie sur la table, puis sortit de la pièce d’un pas vif.
« Attends ! » cria Semios derrière lui.

Gundron se retourna pour lui faire face, et suivit du doigt la cicatrice qui lui fendait le visage.
« La dernière fois que je me suis battu contre cet homme, voilà ce qu’il m’a fait. Souviens-toi, lorsque tu l’affronteras, tu n’auras peut-être pas tes hommes de main pour truquer le combat »

Semios resta dans l’embrasure de la porte jusqu’à ce que les échos du rire de Gundron aient fini de résonner.





Malek sauta au bas de son cheval pour examiner les empruntes sur le sol. La neige s’était arrêtée de tomber voici quelques heures, heureusement, et la piste était encore aisément visible.

Ils étaient huit. Le jeune homme avait assisté à la scène, de loin, mais il n’avait pas osé bouger de sa cachette pour avoir une meilleure vue, et il n’avait pas été sûr de leur nombre, alors.
Huit hommes, armés comme pour partir en guerre... Et ils avaient emmené Shareen sous bonne garde.

Malek soupira. Cela faisait plus de dix jours qu’il suivait la jeune fille, depuis qu’elle avait demandé et obtenu la permission de sortir de l’Académie pour quelques temps. Il était sûr qu’elle avait une idée derrière la tête, et il avait raison. Depuis une bonne semaine, elle devait être considérée comme déserteuse… et lui aussi.

Il haussa les épaules. Laissons les professeurs s’affoler et grogner dans leur coin.. A la différence de Shareen, il était de noble naissance, même si sa maison était relativement mineure. Le cheval d’un blanc laiteux, avec une unique corne au milieu du front, qui figurait sur son bliaut le désignait comme un membre des Licorniers. Le fils du duc de Licorne, pour être plus précis. Et si le fils du duc désirait quitter l’Académie pour quelques temps, alors les professeurs n’avaient qu’à s’incliner. Le pouvoir a parfois du bon.

C’était surprenant, à bien y réfléchir. La jeune fille n’avait jamais paru faire montre de beaucoup de jugeote, ni de beaucoup d’autonomie. A part son amitié avec Deria, c’était une fille parmi les autres, ni particulièrement belle, ni particulèrement intelligente, ni surtout particulièrement courageuse. Qu’elle ait décidé de partir ainsi, de braver tous les interdits, en était d’autant plus surprenant. Il y avait peut-être quelque chose à en faire, de cette fille, finalement ?

Son sourire apparut et disparut, alors qu’il considérait le problème qui s’offrait à lui. Il ne savait pas très bien pourquoi il avait commencé à suivre Shareen, mais il l’avait fait, et il n’avait pas su la protéger.

« Je ne suis qu’un lâche » se murmura-t-il, tout en sachant pertinemment qu’il n’aurait jamais rien pu faire mais se le reprochant tout de même. « J’aurais pu l’aider ». J’aurais pu me faire tuer, oui !

Avec lassitude, il resserra son manteau sur ses épaules. Il n’avait pas prévu que la jeune fille allait se diriger vers le nord. S’il avait su, il se serait équipé plus chaudement. Mais Shareen ne lui en avait pas laissé le temps, piquant des deux comme si elle espérait avaler les lieues.

Malek hésita un instant. Il y avait deux possibilités. Soit il laissait tomber cette folie sans queue ni tête, abandonnait Shareen à ses ravisseurs, et retournait à bride abattue se réchauffer à Musheim. Soit il laissait tomber toute prudence et se décidait à suivre la piste, risquant sa vie sans pouvoir faire quoi que ce soit, de toute manière. Posé ainsi, le problème n’avait qu’une solution.

Maudite sois-tu, Deria, quand vais-je enfin cesser de me sentir coupable ?
Il avait très mal vécu la mort de la jeune fille, se retirant dans ses quartiers durant plusieurs jours avant de rejoindre enfin l’entraînement. Il l’aimait bien, cette fille, il la taquinait souvent. C’était la seule parmi celles qu’il connaissait qui avait du caractère. Et quel caractère ! Il grimaça en se rappelant le coup de genou qu’elle lui avait asséné, et vérifia rapidement que tout était en place.

« Je crois que je n’ai pas le choix » soupira-t-il enfin, vérifiant que son épée jouait bien dans son fourreau. « Je vais aller voir si je peux aider ta précieuse amie, Deria. Mais je te préviens, si jamais je tombe sur des ennuis, je file tout de suite. » Il eut un grognement étouffé en apercevant un point sombre se rapprocher, au loin. « A moins que les ennuis ne me tombent dessus ».

Cillant pour mieux voir, il mit sa main en protection contre le soleil. Ce point sombre avait bien l’air d’être en mouvement. C’était trop loin pour le dire, mais il s’agissait certainement d’un cavalier. Plissant encore plus les yeux, il étudia l’horizon, mais ne put rien voir d’autre. L’intrus était seul.

« Seul ou huit » grommela-t-il, « je ne veux pas avoir à faire avec qui que ce soit qui puisse traîner par ici ». Prudent, il sortit son arc et enleva le boyau de porc qui en protégeait la corde. Il allait peut-être avoir à s’en servir. Et peut-être pas. Si les Dieux sont avec moi, peut-être pas. Il ne m’a peut-être pas remarqué. Ou peut-être qu’il m’a vu, et qu’il a peur, lui aussi. Mais le point semblait grossir alors que l’intrus changeait de course pour se diriger vers lui. Au temps pour mes espoirs…

Malek lança son cheval au galop, s’éloignant de la piste qu’avait laissé Shareen pour essayer de se fondre dans la toundra. Ce n’était qu’une végétation anémique, qui n’allait jamais pouvoir le cacher, mais au moins pouvait-il espérer distancer l’intrus.

« C’est bien ma foutue chance » gémit-il en talonnant sa monture de plus belle. « Foutue chance de foutue journée, saloperie ! »

Mais l’homme se rapprochait inexorablement. Sa monture, un robuste poney du nord qu’il semblait monter à cru, se serait certainement faite distancer par un cheval dans des conditions normales. Mais celui de Malek était fourbu, et ses sabots n’étaient pas habitués à la neige. Il ne cessait de glisser, et de perdre du temps.

« G’rnak Nash’salee Lan ! » hurla son poursuivant.
« Oui, c’est ce que ma mère me disait aussi » grogna Malek, tirant brutalement sur les rênes.

Cela ne servait plus à rien de fuir. Son cheval haletait et soufflait comme un phoque, et il n’avait pas l’intention de le crever sous lui, et de continuer à pied dans ce désert de neige. Respirant calmement pour tenter de se contrôler, il le fit volter, et tira son épée.

« G’rnak Nash’salee Lan ! » répéta l’intrus.
Maintenant que Malek pouvait enfin le voir, il souhaitait fortement ne pas s’être retourné. C’était un homme de haute taille, presque un géant, qui semblait totalement disproportionné sur ce poney. Il était vêtu de peaux de bêtes grossièrement cousues entre elles, et un collier de dents se balançait à son coup. Il portait une hache dans chaque main, et semblait fermement décidé à s’en servir.
« G’rnak Nash’salee Lan ! » hurla-t-il de nouveau.

« Mais c’est qu’il deviendrait fatigant, le grand singe ! » fit Malek, tentant de cacher la terreur qui l’envahissait. « Allez, viens, viens tâter de mon épée »

Ses doigts étaient glissants de sueur. Il ouvrit et ferma sa main, puis reprit son arme. Ses professeurs l’avaient félicité de nombreuses fois pour ses talents martiaux. Il espérait ne pas les décevoir aujourd’hui. Avec prudence, il mit son bouclier en position.

Le barbare le regarda et sourit férocement. Il passa un doigt sous son collier, puis le porta en avant pour le lui faire admirer. Le jeune homme déglutit. Ce qu’il avait pris pour des dents d’animal étaient en réalité des molaires humaines.

Et, aussi vite que cela, le barbare le chargea. Malek s’attendait à moitié à le voir crier de nouveau dans son étrange langue, mais visiblement, son adversaire voulait économiser son souffle.

Deux haches à double tranchant vinrent s’abattre sur lui, dans le but avoué de lui trancher l’épaule. Il interposa son bouclier au dernier moment, et les armes ricochèrent dessus. Il poussa un grognement de douleur alors que le choc remontait dans son bras. Serrant les dents, il riposta d’un coup de taille que le barbare para sans souci. Puis, ce fut un brouillard de lames alors qu’il tentait désespérément de bloquer tous les coups, sans voir la moindre ouverture.

Puis le barbare recula enfin pour reprendre son souffle. Le bouclier était cabossé en plusieurs endroits d’avoir amorti des chocs aussi puissants, et la peinture s’était écaillée en de nombreux endroits. Malek ne sentait plus son bras, mais il était encore en vie, et la peur avait, d’une manière ou d’une autre, disparu. Il cracha sur le sol.

« Tu veux jouer à ça ? Tu veux jouer à ça, hein ? »
Soudain lui revinrent en mémoire des paroles de Deria, de l’époque où ils étaient amis et s’entraînaient ensemble. Elle était aussi bonne que lui, parfois meilleure. Et elle lui prodiguait de bons conseils. Il vaut toujours mieux se laisser envahir par la colère que par la peur. Malek prit une grande inspiration, et chargea en hurlant.

Son épée fut déviée d’un mouvement de hache, mais il accompagna le mouvement avec son bouclier et, avec toute la force de sa monture, donna un grand coup d’écu dans la poitrine de son adversaire. Le barbare dégringola de son poney en lâchant ses armes.

« Si j’avais un cheval frais, j’abandonnerais le combat ici » haleta Malek, essuyant la sueur qui lui coulait dans les yeux. « Mais je n’en ai pas, alors je crois que je vais devoir te tuer »

Le barbare se baissait pour ramasser les haches lorsque la pointe de l’épée du jeune homme le cueillit à la base du menton puis lui trancha la gorge.
« G’rnak Nash...” parvint-il à prononcer, avant que le sang ne noie ses paroles et qu’il ne s’effondre lentement sur le sol. La neige autour de lui se teinta de rouge.

« G’rnak toi-même » grimaça Malek. Il descendit péniblement de cheval, et donna un coup de botte au corps de l’homme pour le faire tourner. « Je reconnais que ce n’était pas très chevaleresque, mais tu n’as pas fait preuve de beaucoup de courtoisie non plus ».

L’ivresse du combat se dissipa lentement, et il se laissa tomber à terre, à côté de sa victime. Il eut à peine le temps de tourner la tête avant de vomir.
C’était une chose que de combattre aux entraînements depuis plus de dix ans, une chose de savoir que viendrait un jour où ces jeux deviendraient réalité… et c’en était une autre que d’avoir tué son premier ennemi, même s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort.

Il resta un instant prostré, mais il lui vint bien vite à l’idée que cet homme était probablement un éclaireur, pour se déplacer ainsi, sans peur, au sein de l’Empire. Si c’était réellement le cas, alors d’autres pouvaient suivre. Malek n’avait aucune intention de revivre la même scène. Il remonta à cheval, et rejoignit de nouveau la piste.

Crétin des montagnes, abruti fini. Tu sors à peine d’un combat et tu ne rebrousses pas chemin ? Qu’est-ce qu’il faut qu’il m’arrive pour que je rebrousse chemin, hein ? Une avalanche ? Une invasion de barbares ?

La nuit tomba sans qu’il s’en rende compte, et il continua à avancer un instant, avant d’abandonner et de trouver un endroit reclus pour la nuit. Il n’était plus possible de pister à la lueur des étoiles, et il ne restait plus qu’à espérer qu’il ne neige pas avant le matin. Haussant les épaules, il entreprit de dégager un espace assez large pour lui et son cheval au pied d’un énorme rocher, et s’emmitoufla dans ses couvertures. Au moins était-il protégé du vent, et assez bien caché pour que personne ne puisse apercevoir sa monture.

« Pourvu qu’il ne neige pas » murmura-t-il, priant les dieux entre deux bouchées de viande salée.

Evidemment, il neigea.
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