Chronique d'une mort prémeditée

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Derniers préparatifs, je n’ai rien oublié… un dernier regard autour de moi, puis par la fenêtre, regardant la Vie…

Je me demande l’espace d’un instant à quoi ils pensent, tous, à cette seconde, tandis que je sens ma gorge se serrer. Je regarde les cavaliers passer, imaginant une direction pour l’un, ou l’autre, suivant la parure que je perçois. L’une étincelante m’indiquant un guerrier accompli, le suivant plus modeste, un cuir abîmé, sans doute vient il de la trouver.
Un couple, au loin. Sont ils frère et sœur ? amis ? amants peut être ? Je ne peux percevoir les mains qui se touchent, je n’aurais jamais ma réponse.

Non, je ne pleurerais pas. Il n’est plus temps pour les larmes.
A quoi bon.
Je repense à mes échecs, en amour comme au combat, mais.. me dis-je avec un petit sourire, l’amour lui même est le plus beau des combat : On choisit de laisser gagner l’autre, tout en se gardant l’illusion d’être en ce sens donc vainqueur... Accepter de se donner, quelle belle preuve d’humilité, un Don absolu…

Un visage..
Celui de l’Etre Aimé, si présent dans ma mémoire, mais si loin de mon regard…

Une blessure…
Ces mots, si cruels sortant de cette bouche, que l’on aimait tant à embrasser, ces mots qui ont autant de force, et apportent autant de douleur que n’importe quel poignard..
Ce fiel verbal, aussi efficace que celui d’un assassin et sicaires réunis.

Secouant la tête, espérant chasser ces images, cette voix, de mon esprit je reporte mon attention sur la table devant moi. Est ce que j’essaie de gagner du temps ?
Je ne quitte pas des yeux pourtant cette fiole, que m’a apportée tantôt cette Ombre.

Pourquoi ne puis je me résigner, à l’empoigner et la jeter au mur ?
Je le ferais d’une telle force, avec un accès de rage certaine, en pensant à POURQUOI j’en suis arrivée là !
A tous ces doutes, ces soit disant certitudes, à ces espoirs, à…..
Tant, et trop, de choses…
Et la force, je ne l’ai plus.

Je sors donc ma dague, la caresse, délicatement. Pas assez, apparemment puisque je ressens d’un seul coup une petite brûlure, et regardant négligemment mon pouce, j’y vois une petite goutte de sang.
Oh..

Comme hypnotisée, je la porte à mes lèvres, la léchant, le regard flou porté sur un point fixe, invisible, devant moi.
Mes yeux passent de mon pouce, à la fiole. Je dois faire attention.
Ouvrant le bouchon avec précaution, je laisse couler doucement le liquide sur ma lame.

Je songe non sans peine, que c’était un présent de mon Aimé…
Ma Vie..

Le liquide est d’une couleur indistincte. Presque sous le charme, j’essaie d’en deviner la définition exacte : la couleur me semble être un vert, ou si je penche la tête, jaunâtre ; quels ingrédients peuvent donner à la mixture cet aspect à la fois mat et luisant ? que de contrastes, me dis-je, rêveuse…

Est ce mon reflet, que j’entrevois, sur mon arme ?
Je la tourne, et joue avec mon image : là, ma bouche, là encore, mon œil droit… malgré la distance j’en devine le dessin rougit par les larmes. Là, mon nez… Verrais je mon menton ? Je pourrais presque m’en amuser, c’est drôle…
De très loin, sans doute, la petite fille qui est en moi s’amuse, inconsciente.
Mon Prélude à la mort sera donc un retour à la Pureté.
C’est si cruel, aussi, cette vision.

Le réaliser me fait le même effet que lorsque je suis au galop sous une pluie battante : elle me cingle l’âme elle même.

Il me manque quelque chose.
Je vais chercher le tout premier arc que j’ai eu entre les mains, et le serre fort, contre mon corps. Il me semble parfois qu’il est presque aussi grand que moi. Quelqu’un entrant penserait que je suis en train de prier.

Encore une larme, que je sens couler sur ma joue…
Bientôt…

A genoux, je pense enfin à tous ceux que j’aime, tous ceux qui ne comprendront pas. Je pense aussi à Lui. Je me demande ce qu’il fait, si il se bat dans un quelconque Val, si il aime à nouveau…
Si.. parfois… il pense à moi.

Est ce que je rêve, ou est ce qu’il me semble reconnaître son pas à l’extérieur ?

Souvenir…
Ce même pas, précipité. Plutôt une course, pour nous Lurikeen ! Mais nous nous retrouvions alors, et ses mains dans les miennes, nous nous regardions et riions aux éclats, heureux…

Est ce que je rêve encore, ou le battant de la porte vient de grincer ?
Dites moi, que je ne rêve pas, et que j’entends quelqu’un murmurer mon prénom, puis m’appeler. Que cette voix, Sa voix…

Je me retourne, vers cette entrée, et un genoux à terre je commence à me relever. Fronçant les sourcils, perdue dans cet Espoir fou !

Le cœur battant la chamade, je murmure des choses que je ne peux moi même traduire, mais certains mots reviennent en rythme : il est là, il est là, il est là… il est là…

Mais est il vraiment là ?
Je ferme les yeux, posant le plat de ma paume libre, sur le sol de pierre, froid.

Le contact d’une nouvelle larme tombant sur le revers de ma main me fait sursauter. Je réalise, que l’autre n’a pas quitté la dague, et la serre si fort qu’elle m’en fait presque mal.

Ne perdons plus de temps.
Déterminée, j’enserre la garde de mes deux mains, et la pointe droit vers mon cœur.

Peu importe, que l’on me juge sans honneur.

Avant qu’un sanglot ne s’arrache de ma poitrine, je serre encore plus l’arme et …


Je sens soudain des mains m'empoigner les épaules, tandis qu'une voix me hurle des mots que je ne comprends pas.
A demi hagarde, je ne réalise pas.
Ma main effleure le visage de mon sauveur, et je le regarde, comme si je ne l’avais jamais vu, moi qui ne le connais que trop…

Son visage s’approchant du mien, et ses mains sur mes joues, il me murmure ces mots qui savaient me bercer...

Il est là.
Mais toi...

Citation :
Provient du message de Zekinder :
t'as un don pour raconter des histoires!!
Peut être parce que j'aime à faire vivre et vibrer ces mots...
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