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La grande trouvaille des inventeurs du christianisme : "Dieu est amour !"
Et alors ? Qu'est-ce que ça change ?
Tu peux toujours prêcher aux hommes un dieu d'amour, ils se serviront de lui pour sanctifier leurs crapuleries et leurs crimes "pour la bonne cause" ainsi que les massacres de masse, curés bénisseurs en tête.
Dieu, on lui fait dire ce qu'on veut. C'est d'ailleurs à ça que ça sert.
L'amour, tel qu'il existe dans la société n'est bien souvent que l'échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes.
Nous ne sommes déjà pas assez parfaits pour être toujours aimables… alors pourquoi voulons-nous être toujours aimés ?
Amour, amour, quand tu nous tiens, on peut bien dire Adieu prudence ! mais aujourd’hui, les cartes ont changé…
La meilleure façon de faire cesser les tortures de l'amour qui manque, c'est de le satisfaire.
Si l'amour n'est que le roman du cœur, c'est le plaisir qui en est l'histoire, car il y a plus de gens qui veulent être aimés que de gens qui veulent aimer eux-mêmes.
L'amour, d'ordinaire, ne dure que jusqu'au moment où il allait devenir raisonnable et fondé sur quelque chose.
Ce qu'il y a d'ennuyeux dans l'amour, c'est que c'est un crime où l'on ne peut pas se passer d'un complice.
Ce qu'on fait par amour l'est toujours par-delà le bien et le mal.
Le "je ne sais quoi" d'une femme, il n'y a que ça qui compte.
Il en est en amour comme en toutes choses. Ce qu'on a eu n'est rien, c'est ce qu'on n'a pas qui compte.
Plus un esprit est revenu de tout, plus il risque, si l'amour le frappe, de réagir en midinette.
Aimer son prochain est chose inconcevable. Est-ce qu'on demande à un virus d'aimer un autre virus ?
Il est du véritable amour comme de l'apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu.
Qui commence à aimer doit se préparer à souffrir.
Quand un discours naturel peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu'on entend, laquelle on ne savait pas qu'elle y fût, en sorte qu'on est porté à aimer celui qui nous la fait sentir ; car il ne nous a pas fait montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable, outre que cette communauté d'intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le coeur à l'aimer.
Qui voudra connaître à plein la vanité de l'homme n'a qu'à considérer les causes et les effets de l'amour. La cause est un je ne sais quoi (Corneille), et les effets en sont effroyables. Ce je ne sais quoi, si peu de chose qu'on ne peut le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier.
Le nez de Cléopatre : s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.
Si la morale de Cléopâtre eût été moins courte, la face de la terre aurait changé. Son nez n'en serait pas devenu plus long.
L'enfant dit (retour du cinéma où il a vu un "drame" et le héros ou le traître tué assez niaisement) : "S'il avait été malin, il se serait mis à quatre pattes et il se serait sauvé." Cette correction est remarquable. Si, etc., le drame eût été tout autre.
Que de gens ont pensé qu'à la place d'Adam ils n'eussent point mordu ; à la place de Napoléon, évité la guerre d'Espagne ! À la place de Pascal, on aurait fait l'économie de la pensée du nez de Cléopâtre, qui est bien inutile.
Cette pensée, si elle eût été moins naïve... n'eût pas été.
Le nez de Cléopâtre plus long, voilà toute la face du monde changée.
Et la sienne donc.
L'ironie du nez de Cléopâtre et des sourcils de Zeus, le contraste dérisoire des petites causes et des grands effets sont [...] des apparences paradoxales qui se dissipent quand on considère la susceptibilité infinie et l'infini pouvoir signifiant d'un esprit capable de convertir tout excitant en prétexte et en symbole. Si bien qu'en définitive l'effet grandiose a vraiment une cause grandiose !
Si le nez de Cléopatre avait été plus long, Jules César se serait piqué le ventre.
Vouloir oublier quelqu'un, c'est y penser. L'amour a cela de commun avec les scrupules, qu'il s'aigrit par les réflexions et les retours que l'on fait pour s'en délivrer. Il faut, s'il se peut, ne point songer à sa passion pour l'affaiblir.
Je me suis toujours défié en amour des passions qui commencent par être extrêmes ; c'est mauvais signe pour leur durée. Les gens faits pour être constants, destinés à cela par leur caractère, sont difficiles à émouvoir.
Rarement la beauté et le je ne sais quoi se trouvent ensemble.
J'entends par le je ne sais quoi : ce charme répandu sur un visage et sur une figure, et qui rend une personne aimable, sans qu'on puisse dire à quoi il tient.
On demandait à M... pourquoi la nature avait rendu l'amour indépendant de notre raison. "C'est, dit-il, parce que la nature ne songe qu'au maintien de l'espèce, et, pour la perpétuer, elle n'a que faire de notre sottise. Qu'étant ivre, je m'adresse à une servante de cabaret ou à une fille, le but de la nature peut être aussi bien rempli que si j'eusse obtenu Clarisse après deux ans de soins ; au lieu que ma raison me sauverait de la servante, de la fille, et de Clarisse même peut-être. À ne consulter que la raison, quel est l'homme qui voudrait être père et se préparer tant de soucis pour un long avenir ? Quelle femme, pour une épilepsie de quelques minutes, se donnerait une maladie d'une année entière ? La nature, en nous dérobant à notre raison, assure mieux son empire ; et voilà pourquoi elle a mis de niveau sur ce point Zénobie et sa fille de basse-cour, Marc-Aurèle et son palefrenier."
Il n'y a plus aujourd'hui d'inimitiés irréconciliables parce qu'il n'y a plus de sentiments désintéressés. C'est un bien qui est né d'un mal.
La seule victoire en amour, c'est la fuite.
L'opposé de la débauche, ce n'est pas la pruderie, ce n'est pas l'austérité, ce n'est pas l'abstinence : c'est l'amour.
Une femme aime moins son amant pour l'esprit qu'il a que pour l'esprit qu'on lui trouve.
La belle-fille de Buffon déshonorait un époux fort épris et s'en moquait ouvertement. À un dîner de famille, elle demande à son beau-père : "Vous qui avez si bien observé, comment expliquez-vous que ceux qui nous aiment le plus soient ceux que nous aimons le moins ?
Le célèbre naturaliste se contenta de répondre :
- Je n'en suis pas encore au chapitre des monstres.
Rivarol disait du fils de Buffon : c'est le plus pauvre chapitre de l'Histoire naturelle de son père.
Négligé de tenue, disgracieux d'aspect, Villemain n'en était pas moins galant. Et il se dissimulait si peu ses imperfections qu'il les faisait entrer en ligne de compte dans cette déclaration à une jeune femme :
- Aimez-moi, personne ne le croira.
On ne souffre jamais que du mal que nous font ceux qu'on aime. Le mal qui vient d'un ennemi ne compte pas.
Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu hais.
Il n'y a qu'une loi en sentiment. C'est de faire le bonheur de ce qu'on aime.
Qu'est-ce que l'amour ?
Le besoin de sortir de soi.
L'homme est un animal adorateur.
Adorer, c'est se sacrifier et se prostituer.
Aussi tout amour est-il prostitution.
On peut promettre des actions, mais non des sentiments, car ceux-ci sont involontaires. Qui promet à quelqu'un de l'aimer toujours, ou de le haïr toujours, ou de lui être toujours fidèle, promet quelque chose qui n'est pas en son pouvoir ; ce qu'il peut bien promettre, ce sont des actions qui, à la vérité, sont ordinairement les conséquences de l'amour, de la haine, de la fidélité, mais qui peuvent aussi provenir d'autres motifs, car a une seule action mènent des chemins et des motifs divers.
Qui les veut faire durer, il faut couvrir son feu de cendres, et son amour de mystère.
Certains amoureux éprouvent à abaisser leur maîtresse le même plaisir que les enfants à éventrer leurs pantins.
Permettez-moi de vous dire que, en général, l'opinion des fils sur leurs mères est insoutenable : ils ne songent pas assez qu'une mère n'est mère que parce qu'elle aima et qu'elle peut aimer encore. C'est pourtant ainsi, et il serait déplorable qu'il en fût autrement. J'ai remarqué que les filles, au contraire, ne se trompent pas sur la faculté d'aimer de leurs mères ni sur l'emploi qu'elles en font : elles sont des rivales ; elles en ont le coup d'oeil.
Il est toujours possible de lier les uns aux autres dans l'amour une assez grande foule d'hommes, si seulement il en reste d'autres à qui manifester de l'agression.
Le commandement "Aime ton prochain comme toi-même" est la défense la plus forte contre l'agression humaine et un excellent exemple de la démarche non psychologique du sur-moi-de-la-culture. Le commandement est impraticable ; une inflation aussi grandiose de l'amour peut seulement en abaisser la valeur, elle ne peut éliminer la nécessité. La culture néglige tout cela ; elle se contente de rappeler que plus l'observance du précepte est difficile, plus elle est méritoire. Mais celui qui, dans la culture présente, se conforme à un tel précepte ne fait que se désavantager par rapport à celui qui se place au-dessus de lui. Quelle ne doit pas être la violence de cet obstacle à la culture qu'est l'agression, si la défense contre celle-ci peut rendre aussi malheureux que l'agression elle-même !
On n'est pas beau après l'amour. Mouvements ridicules, où on perd chacun un peu de matière. Grandes saletés.
L'amour ! Alors, on aime un appareil respiratoire, un tube digestif, des intestins, des organes d'évacuation, un nez qu'on mouche, une bouche qui mange, une odeur corporelle ? Si on pensait à cela, comme on serait moins fou !
L'amour, c'est le physique. Et La Rochefoucauld l'a oublié : l'amour est encore une forme de l'intérêt. Ce qu'on aime dans un autre, c'est soi, c'est son plaisir, c'est le plaisir qu'on lui donne et qui est encore une forme du nôtre.
Pour être aimé, il faut ne pas aimer ou savoir cacher son amour. C'est une vérité qui n'a pas fini d'être vraie.
L'admirable maxime de La Rochefoucauld : "Il y a des gens qui n'auraient jamais été amoureux, s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour", est applicable à beaucoup d'autres sentiments ; à tous peut-être. Il faut un esprit extraordinairement averti pour s'en apercevoir. Et ce serait une profonde erreur de croire que les êtres les moins cultivés sont les plus spontanés, les plus sincères. Le plus souvent ce sont, au contraire, les moins capables de critique, les plus à la merci de l'instar, les mieux disposés, par faiblesse ou paresse, à adopter des sentiments de convention et à les exprimer par des phrases toutes faites qui leur épargnent la peine d'en chercher d'autres plus précises, phrases dans lesquels leurs sentiments se glissent prenant tant bien que mal la forme de cette coquille d'emprunt.
Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie.
La haine est clairvoyante en ce sens qu'elle fait être ce qu'elle suppose, car ignorance, injustice, haine lui répondent aussitôt. L'amour trouvera toujours moins de preuves ; car il n'est point promis qu'il suffise de vouloir l'autre attentif, bienveillant, généreux, pour qu'il le soit. Toutefois, par cela même, il est clair qu'il faut choisir d'aimer, et de jurer, et de ne jamais céder là, étant évident que la plus forte résistance ici ne peut être vaincue que par la promesse la plus généreuse.
[...] l'expérience nous montre qu'aimer se n'est pas nous regarder l'un l'autre, mais regarder ensemble dans la même direction.
L'amour est une histoire à dormir couché.
Être aimé, dans la meilleure des circonstances, est quelque chose de bien mystérieux. Mais il ne sert à rien de chercher à s'enquérir, car les questions ne font que brouiller plus encore le sujet. Au mieux, l'autre est incapable de vous dire pourquoi. Au pire, ses raisons de vous aimer se révèlent des choses qu'il ne vous serait jamais venu à l'esprit de trouver aimables -cet affreux grain de beauté sur votre épaule gauche. Une fois encore, on se rend compte, trop tard, que le silence est d'or.
Voici donc une nouvelle leçon utile pour la poursuite de notre sujet : Il ne faut jamais accepter en toute simplicité et gratitude ce que la vie peut nous offrir à travers l'affection d'un partenaire. Il faut supputer. Se demander, plutôt que lui demander, ce qu'il peut bien trouver en nous. Car il faut qu'il y ait un intérêt ou quelque autre raison égoïste qu'il n'est pas près de nous révéler.
Avec ce mot on explique tout, on pardonne tout, on valide tout, parce que l'on ne cherche jamais à savoir ce qu'il contient. C'est le mot de passe qui permet d'ouvrir les coeurs, les sexes, les sacristies et les communautés humaines. Il couvre d'un voile prétendument désintéressé, voire transcendant, la recherche de la dominance et le prétendu instinct de propriété. C'est un mot qui ment à longueur de journée et ce mensonge est accepté, la larme à l'oeil, sans discussion, par tous les hommes. Il fournit une tunique honorable à l'assassin, à la mère de famille, au prêtre, aux militaires, aux bourreaux, aux inquisiteurs, aux hommes politiques. Celui qui oserait le mettre à nu, le dépouiller jusqu'à son slip des préjugés qui le recouvrent, n'est pas considéré comme lucide, mais comme cynique. Il donne bonne conscience, sans gros efforts, ni gros risques, à tout l'inconscient biologique. Il déculpabilise, car pour que les groupes sociaux survivent, c'est-à-dire maintiennent leurs structures hiérarchiques, les règles de la dominance, il faut que les motivations profondes de tous les actes humains soient ignorés. Leur connaissance, leur mise à nu, conduirait à la révolte des dominés, à la contestation des structures hiérarchiques. Le mot d'amour se trouve là pour motiver la soumission, pour transfigurer le principe du plaisir, l'assouvissement de la dominance.
Il y a des milliers d'années que périodiquement on nous parle de l'amour qui doit sauver le monde. C'est un mot qui se trouve en contradiction avec l'activité des systèmes nerveux en situation sociale. Il n'est prononcé d'ailleurs que par des dominants culpabilisés par leur bien-être et qui devinent la haine des dominés, ou par des dominés qui se sont brisé les os contre la froide indifférence des dominances. Il n'existe pas d'aire cérébrale de l'amour. C'est regrettable. Il n'existe qu'un faisceau du plaisir, un faisceau de la réaction agressive ou de fuite devant la punition et la douleur et un système inhibiteur de l'action motrice quand celle-ci s'est montrée inefficace. Et l'inhibition globale de tous ces mécanismes aboutit non à l'amour mais à l'indifférence.
L'amour, c'est un sport. Surtout s'il y en a un des deux qui veut pas.
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