La Leçon de Vie : Le Sentier
La foule n'était guère nombreuse, en cette heure matinale, bien qu'attentive. La jeune femme toisait de son regard doux les quelques gens rassemblés.
- Bonjour à vous tous, commença-t-elle. Aujourd'hui en ma première leçon donnée depuis bien longtemps, je commencerai par vous parler de la Vie, ce don que la Nature, dans sa bienveillance, nous a confié afin de la protéger.
Ecoutez bien mes paroles je vous prie :
Yeuze s'éclaircit la voix, ferma les yeux et commença, son ton était frais et clair comme une brise de printemps :
Un sentier qui commence près d'un ruisseau tranquille,
Et flâne un court moment au coeur de l'innocence ;
Quelques vents de tendresse sur un terrain fertile,
Une main agrippée au doigt de la confiance.
Puis la bouche a lâché le sein tendre et servile ;
Le sentier s'aventure au jardin de l'enfance...
Et celui qui grandit fait quelques pas fragiles,
Soutenu par l'amour au regard d'espérance.
Devant l'adolescence le sentier est offert.
Il s'ouvre largement, mystérieux, prometteur,
Ombragé par instants de branches aux fruits verts
Dont on croque la chair d'un appétit menteur.
L'arbre de la jeunesse a la sève trop fière ;
Le front est relevé sous une pluie d'erreurs ;
Mais l'être dérangé par des parfums amers
S'en va à la recherche de plus sûres valeurs.
Les germes de l'espoir travaillent à la moisson,
Et les pas rassurés, foulent une terre ardue.
Mais les pierres d'orgueil déchirent le talon,
Des épines de doute lacèrent les mains nues ;
Des torrents de colère creusent des puits profonds,
Entraînant dans l'oubli bien des rêves perdus.
Le sentier se resserre dans la désillusion :
Et les genoux fléchissent, impuissants et vaincus.
Le coeur se retourne, les yeux vers l'horizon,
Considère l'endroit où il est parvenu.
Il boit les eaux limpides de la méditation.
Il mange les fruits mûrs d'expériences vécues.
Repose, satisfait, sûr de ses convictions.
Mais tandis qu'il pense avoir tout parcouru,
Imperceptiblement, caché par des buissons,
Vers un suprême effort, le sentier continue.
Il s'élève à présent vers les plus hautes cimes,
Pour arriver glorieux aux forces souveraines.
L'esprit saigne en touchant au but rarissime,
Mais il reçoit un sceptre: la liberté sereine.
Contemplant les sommets, excusant les abîmes,
L'HOMME enfin asservi se délivre des chaînes.
Il écoute alors la voix véritable et intime :
"Tu n'eus pas de plus grand ennemi que toi-même !"
La femme rouvrit ses yeux. On n'entendait que le vent souffler sur les hautes tour de l'Académie. Après avoir débattu des enseignements à tirer de cette leçon, l'Ovate se retira à sa table de travail où elle passa quelques temps à répondre en privé aux questions des plus curieux...
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