L'innocence perdue (texte)

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« Papa, c’est quoi être opprimé ? »

L’homme regarde son fils, le sérieux de la question se lit dans le regard de l’enfant. Le père fait alors un geste et sous les yeux du petit garçon un paysage se mets à défiler :

*une immense plaine désertique, des hommes courbent le dos, tentant d’arracher à la terre leur maigre subsistance. Les os saillent sous leurs chemises en haillons. Le soleil les frappe, rendant encore plus pénible leur labeur.. Non loin, au village, des femmes se sont rassemblées. L’une d’elle, les yeux secs d’avoir trop pleuré, dépose doucement son enfant dans un lit de terre. Elle lui caresse une dernière fois les cheveux en murmurant : maintenant tu n’auras plus jamais faim.. Elle s’éloigne sans se retourner, sans un regard pour son enfant qui dors à présent près de ses frères. Les autres femmes la regardent partir, ayant toutes a l’esprit une unique pensée : qui sera la prochaine a coucher ainsi son enfant ?

Le paysage devient flou ; une ville bruyante, une maison. Des coups frappés à la porte, des hommes en armes font irruption dans la demeure. Un homme tente de fuir, une balle le rattrape, le clouant dans une immobilité sans vie. Le deuxième homme résigné, détache doucement les bras de son fils apeuré lui enserrant le cou, le tends à son épouse et sort suivit par les gardes. Un coup de feu éclate, la femme sursaute pendant que les larmes coulent sur ses joues.. douleur silencieuse…

Le paysage change à nouveau… un palais, des hommes richement vêtus festoient, rient et chantent. L’argent coule a flot, la nourriture est abondante pendant qu’à l’extérieur le monde crie famine.*

Le père regarde alors son enfant :

« voilà mon fils ce qu’est l’oppression… »

« Et on ne peux rien faire ? « Demande l’enfant.

« Si mon fils, nous allons agir. »

L’enfant sourit, confiant en son père.

Plus tard

L’enfant observe son père, attendant de lui la solution a la misère de ce peuple. Il le regarde négocier avec les autres peuples, prendre des mesures, envoyer des hommes sur place. Il est fier de son père…

Il regarde à nouveau le paysage et revoit la ville.

*Les avions de son père la survole, et soudain l’horreur se déclenche. Les bombes tombent, explosant au hasard. Les maisons sont en flammes, les habitants fuient sous un déluge de feu, de poussière et de gravats. Au milieu de la rue, un enfant, l’enfant qu’il a déjà vu, est en larmes, couvert de sang. Près de lui, le corps déchiqueté de sa mère morte pour le protéger, autour de lui fumée, hurlements de douleur.. Et l’enfant pleure en observant les avions toujours plus nombreux, toujours plus meurtriers. Il pleure, ne comprenant pas pourquoi, alors que son père est déjà parti, on lui enlève à présent sa mère…
La ville s’estompe et fait place au village. Les paysans sont là, toujours plongés dans leur misère. Ils voient d’un œil morne les soldats arriver. Ceux-ci, soucieux de ces hommes et femmes, leur distribuent quelques vivres. Mais des hommes en noirs arrivent et étudient le sol. Ils donnent des ordres. Les soldats reprennent les armes et entreprennent de chasser ceux qu’ils avaient aidés peu de temps auparavant. Poussée, harcelés, les paysans abandonnent derrière eux leurs maigres possessions et prennent la route de l’exil. Dans le soleil couchant, la femme jette un dernier regard vers la tombe fraîche de son fils. Elle voit des machines creuser à l’endroit même ou elle s’était agenouillée pour lui faire un dernier adieu… Un bruit sourd, des hurlements de joie.. une eau noire commence à s’élever vers le ciel…*

Un sourire satisfait apparaît sur les lèvres du père. Un petit bruit le fait se retourner. Son fils est là, regardant ces scènes de guerre, d’horreur, d’avidité et pleure doucement.

La déception se lit sur son visage. Son père, cet homme qui, croyait’il, allais aider ce peuple, n’est rien d’autre qu’un oppresseur de plus. Seule les richesses de ce pays l’attirait. Tout son innocence s’envole, avec la fierté qu’il éprouvait pour son père.

Avant que celui ci n’aie eu le temps de lui donner une explication, de lui faire un mensonge de plus, l’enfant franchit le miroir et se retrouve face au petit orphelin. Autour d’eux, les bombes éclatent, les gens hurlent… leurs regards se croisent, deux détresses qui se trouvent et se comprennent, deux innocences bafouées par les mensonges et la folie des hommes.

Leurs mains se touchent, le paysage autour d’eux change, la ville et les flammes disparaissent, les cris de douleur s’estompent. Seuls restent ces deux enfants que l’horreur a réunis et au fond de leur cœur cet amour de l’humanité qui fera peut être d’eux des hommes différents.
Re: L'innocence perdue (texte)
Citation :
Provient du message de Myriel
Leurs mains se touchent, le paysage autour d’eux change, la ville et les flammes disparaissent, les cris de douleur s’estompent. Seuls restent ces deux enfants que l’horreur a réunis et au fond de leur cœur cet amour de l’humanité qui fera peut être d’eux des hommes différents.
Ca fait 10 000 ans qu'on nous promet que l'amour, la fraternité et tout le reste changeront le comportement des Hommes .... alors bon, n'est-ce pas aussi un odieux mensonge ??

*sifflote*
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