'libérer' le Moyen-Orient : une obsession occidentale

Répondre
Partager Rechercher
Un très intéressant article trouvé dans le courrierinternational.com

Qui explique comment les puissances occidentales utilisent le prétexte de 'libération' des peuples oppressés par la dictature d'un tyran local, pour faire la guerre dans des pays du Moyen-Orient

Comme quoi l'histoire semble se répéter.

Citation :
ATTENTION, GUERRE PIÉGÉE !

N’oublions pas les leçons de l’Histoire !

"The Independent", Londres

Depuis un siècle, “libérer” le Moyen-Orient est une obsession occidentale. Chaque fois, ces opérations ont tourné au désastre, rappelle Robert Fisk.

Le 8 mars 1917, le général de corps d’armée Stanley Maude publiait une “Proclamation à la population de Bagdad”. L’ar- mée anglo-indienne du Tigre commandée par le général Maude venait d’envahir et d’occuper l’Irak - après une offensive menée depuis Bassorah - afin de “libérer” son peuple de la dictature. “Nos soldats ne viennent pas en ennemis ou en conquérants, mais en libérateurs, déclarèrent les Britanniques. Peuple de Bagdad, souvenez-vous que depuis vingt-six générations vous souffrez sous la botte de tyrans étrangers qui ont tenté de dresser une maison arabe contre une autre afin de tirer profit de vos dissensions. Cette politique révulse la Grande-Bretagne et ses alliés car il ne peut y avoir ni paix ni prospérité là où règne la haine ou la mauvaise gouvernance.” Le général Maude était en quelque sorte le général Tommy Franks de l’époque [ce dernier est le chef militaire des forces américaines stationnées dans le Golfe], et sa proclamation - dont l’ironie prend un relief particulier aujourd’hui - était destinée à convaincre les Irakiens d’accepter l’occupation de leur pays pendant que les Britanniques veillaient sur le pétrole.

Combien de fois l’Occident a-t-il pris pied au Moyen-Orient de façon aussi arrogante ? Sir Edward Allenby “libéra” la Palestine quelques mois après que le général Maude eut “libéré” l’Irak. Quelques années plus tard, les Français vinrent à leur tour “libérer” le Liban et la Syrie, massacrant les forces syriennes restées loyales envers le roi Fayçal, qui avait osé déclarer qu’une occupation française ne correspondait pas à l’avenir qu’il envisageait pour son pays. D’où vient notre éternelle incapacité à tirer les leçons de l’Histoire, à répéter - presque mot pour mot dans le cas de la proclamation du général Maude - les mêmes mensonges, les mêmes promesses illusoires ?

En quoi consiste exactement cette “libération” du Moyen-Orient ? Quel est ce devoir sacré - auquel fait écho aujourd’hui le “tutorat” que le secrétaire d’Etat américain Colin Powell recommande pour le pétrole irakien - dont l’Occident se croit constamment investi dans cette région du monde ? En entrant dans Jérusalem en décembre 1917, le général Allenby offrait à David Lloyd George la ville que celui-ci désirait comme cadeau de Noël. Sa libération, remarqua plus tard le Premier ministre britannique avec un enthousiasme digne d’un croisé, signifiait que la chrétienté “reprenait possession de ses lieux saints”. Il qualifia cette mise au pas de “premier pas vers l’élimination de l’imposture militaire ottomane qui a su nous intimider des années durant du fait de l’incompétence de nos propres stratèges”. Des termes qui rappellent le regret américain de n’avoir pas poussé l’offensive de la guerre du Golfe jusqu’à Bagdad en 1991 ; Lloyd George “terminait le boulot” en réduisant à néant la puissance ottomane, tout comme George Bush fils entend à présent “terminer le boulot” entamé par son père en 1991.

Et toujours, sans exception, il s’agit de renverser tyrans et dictateurs. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, nous avons “libéré” l’Irak une deuxième fois de son administration pronazie. Les Britanniques “libérèrent” le Liban de l’emprise de Vichy, avec à la clé une promesse d’indépendance et quelques ennuis avec de Gaulle et la France libre. Israël - qui, pour les Arabes, n’est qu’une implantation américaine et “occidentale” au Proche-Orient - annonça à deux reprises son désir de “libérer” le Liban du terrorisme de l’OLP en l’envahissant en 1978 puis en 1982, avant d’en évacuer la zone sud dans des conditions humiliantes il y a deux ans seulement. L’intervention militaire américaine à Beyrouth en 1982 fut réduite à néant l’année suivante par un attentat meurtrier visant le quartier général des marines. Et que déclara alors le président Ronald Reagan ? “Le Liban est un élément central de notre crédibilité mondiale. Nous ne pouvons sélectionner les zones où nous devons faire avancer la liberté... Si le Liban finit sous la botte de forces hostiles à l’Occident, non seulement nos positions stratégiques en Méditerranée orientale se verront menacées, mais la stabilité de l’ensemble du Moyen-Orient serait alors mise en danger, y compris les vastes ressources de la péninsule Arabique.”

Une fois encore, nous autres Occidentaux étions “appelés” à protéger le Moyen-Orient de la tyrannie. A Suez, le Britannique Anthony Eden adopta la même position envers l’Egypte, impatient qu’il était de renverser le “dictateur” Gamal Abdel Nasser, tout comme Napoléon avait voulu libérer les Egyptiens du joug des beys ou comme le général Maude avait voulu libérer l’Irak de la tyrannie turque. Aujourd’hui, c’est donc au tour de George Bush fils de vouloir sauver les Irakiens de la dictature de Saddam Hussein. Et, chaque fois, ces invasions occidentales ont été accompagnées de déclarations jurant que les Américains, les Français ou tout simplement l’Occident n’avaient rien contre les Arabes. “Nous n’avons aucun contentieux avec l’Egypte, encore moins avec le monde arabe”, déclarait Anthony Eden au mois d’août 1956. “Nous n’en voulons qu’au colonel Nasser.” Alors, que sont devenues toutes ces belles paroles ? En 1920, la Grande-Bretagne a lâché du gaz sur les Kurdes irakiens récalcitrants avant de s’apercevoir que l’Irak était décidément ingouvernable. Les Arabes, puis les Juifs chassèrent l’armée britannique hors de Palestine et hors de Jérusalem, si chère au coeur de Lloyd George. Les Français durent affronter pendant des années des insurrections en Syrie. Américains et Français abandonnèrent le Liban dans l’humiliation en 1984.

Que se passera-t-il en Irak au cours des prochains mois ? Quel sera cette fois-ci le prix de notre folie, de notre incapacité à tirer les leçons du passé ? Nous ne le saurons qu’une fois que les Etats-Unis auront occupé le pays. Nous le saurons lorsque le peuple irakien exigera la fin de cette occupation, lorsque la résistance populaire à la présence américaine commencera à saper le “succès” militaire que le président Bush annoncera sans nul doute dès l’entrée des premières troupes américaines à Bagdad. C’est alors seulement qu’il reviendra aux journalistes que nous sommes le soin d’en écrire l’Histoire.


Robert Fisk
Pour tout dire, j'avais l'intention de faire un post sur le sujet

Le texte est bien, pas de prises de position intempestives, seulement des faits...
Et si on applique la logique de la série, Dobeliou est en train de rêver éveiller avec ses vastes projets de conquêtes.
A force d'avoir la vue masquée par son ego et ses ambitions, il va se cogner à un nuage et redescendre illico sur Terre.
( 4 jours avant les élections ce serait bien )
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés