L’artisan m’avait assuré que c’était presque un chef d’œuvre, en tous les cas rien que la douceur du bois sur mes doigts me le faisait penser… mais ce genre de considération totalement poétique n’a rien à voir avec l’objet, ni son utilisation.
Je songeais non sans crainte à ce qui m’attendait, il était encore temps de reculer… en fait, j’avais encore un bout de chemin, de nombreuses villes à traverser avant d’Y arriver.
Le désirais je seulement ?
Et si oui, quelles étaient mes motivations profondes ? la chasse ne suffisait elle donc pas ? Elle me rapporte de quoi subsister, et pourvoit même à me vêtir, alors… pourquoi ?
Peut être, l’épreuve du feu…
Connaître ce lieu dont rêvent tous les jeunes hiberniens en voyant revenir les jeunes guerriers qui, épuisés et joyeux, les mines déçues ou les regards fiers, narrent leurs aventures au cœur de la Capitale.
Savoir, que je peux moi aussi faire face à l’ennemi ?
Basar…
J’y suis presque. Le temps d’un dernier galop, et me voici devant les portes… Les Portes.
Elles me semblent si grandes, et nulles poignées ?
Un sursaut d’inquiétude, soudain m’envahit et me glace le sang, ce serait trop injuste !
Je regarde les gardes, nul ne semble prêt à répondre à mes interrogations muettes.
Un homme s’approche, il porte une armure aussi brillante que l’astre lui même, et se dirige non pas vers la porte elle même, mais sur le côté.
Ah ! un rire nerveux s’échappe de ma gorge : que n’ai je regardé autour, moi aussi, j’aurais alors vu ce levier pourtant peu discret !
Je passe donc cette porte. O Porte, que ne pourrais je écrire sur toi à l’avenir, me dis-je, en un dernier sourire.
J’avance doucement, en regardant partout et nulle part à la fois, émerveillée et effrayée, retenant ma respiration comme si un souffle pouvait tout faire disparaître.
Les cliquetis des mailles, le martèlement des bottes, les éclats de voix, rires, insultes même, me forcent à me retirer de ma torpeur ; c’est à la fois terrible et merveilleux. Je regarde chaque personne, marchand, comme si je découvrais la vie, ces créatures.
Je vois une jeune femme se diriger vers une immense créature, et lui demander un médaillon pour « Les Vaux ». Je connais à présent la marche à suivre.
Au loin des voix s’exclâment, deviennent pressantes, accueillent un groupe d’homme, et une femme en robe également.
Un nom revient souvent, « Glasny ». En alerte, je répète les mots qu’a prononcé celle que je devinais être enchanteresse.
Un médaillon pour les vaux.
Je me retourne, et le cercle de pierre me fait l’effet d’une fourmilière. Je rejoins la foule.
Enfin, Glasny prononce les mots qui m’enverront là où j’aurais réponses à mes questions, dans un éclat de lumière et de murmures.
Bien que je m’étais promis de tout voir, tout vivre, je n’avais pu m’empêcher de fermer les yeux durant la téléportation.
Alors que je les rouvrais, je me rendis compte que le groupe était nettement moins important. Quelque ame, dont certaines aussi peu assurées que moi, étaient là, tout près.
Une jeune lurikeen me propose de se joindre à elle. Je n’ignore pas que l’union fait la force, mais j’ai l’habitude de voyager seule, je décline donc l’invitation de ma sœur de race, poliment.
Je me prépare aussi, avec mes quelques sorts. Dernières vérifications d’usages, je remet mon collier. Piètre précaution, en vérité : que pourrait il contre le tranchant d’une lame bien placée ?
Des bribes de conversations m’indiquent que le « Fort » est à nous. Ignorant où celui ci se trouve, je n’aurais d’autre choix que suivre de loin, furtivement ceux qui sortiront avant moi.
L’espace d’une seconde encore, avant de franchir les secondes portes, j’hésite.
Non. Il est trop tard.
Je découvre non sans inquiétude la zone environnante, me méfiant de chaque arbre, refusant de suivre le chemin, trop à découvert. Les autres devant courent trop vite et je finis par les perdre de vue, mais heureusement suivant leurs traces, je découvre un pont. J’aperçois des gardes et cours vers eux, à découvert cette fois.
Je m’arrête.
Le Fort. Majestueux. Là, sous mes yeux.
Je marche, et négligemment caresse la muraille comme pour en absorber un souvenir…
Je soupire de soulagement : le chemin n’aura pas été si long.
Que n’ai je réfléchis alors ? Bien que sur notre terre, je suis en territoire ennemi, je ne peux m’attarder ainsi !
Le temps d’entendre un ricanement, me retourner devant l’Invisible, et mon sang se met alors à brûler, une douleur me déchire les entrailles… Non !
Cela ne se peut, pas comme ça !
Je tente de toucher mon attaquant, au moins de le blesser ? mais mes forces m’abandonnent. Pourquoi les gardes ne réagissent ils pas ? Sont ils aveugles ?
Serrant les dents je tente jusqu’au bout de me raccrocher à ce fourbe mais mes coups lui font l’effet d’une piqûre de moustique : autant dire rien. Il s’enfuit, alors que j’agonise, sur de son coup. Le bruit de nos lames ont alerté les autres combattants.
Je longe la muraille, le souffle de plus en plus court, ma main à nouveau sur le bâtiment, mais cette fois pour me soutenir. J’étreins cet arc, qui n’a pu servir, d’une poigne ferme et faible à la fois.
Arrivant près d’un arbuste, je tourne la tête vers la gauche, un pont, encore…
Et des créatures aussi haute que des montagnes, courent vers le fort, accompagnées de ce qui pourraient être des lurikeen bleus.
Je me sens glisser, sur le sol.
Le poison a presque achevé son œuvre, une larme de frustration coule sur ma joue…
Je détourne mon regard de la bataille, les yeux mi clos sur l'entrée du Fort.
Je regarde La Porte.
Elle n’a pas de poignée.
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