Du haut des remparts, un cri brise enfin l'attente nerveuse. Les combattants cessent à la hâte les joutes destinées à faire passer le temps alors que les fins outils spécialisés des artisans sont rangés précautionneusement en leurs trousses de cuir. Sur les remparts, les armes sont sorties, la magie crépite, bondissant d'être en être, renforçant les leurs corps et leurs âmes. Et alors, pendant quelques instants, chacun dédie à une prière à son Othila, dans un silence uniquement brisé par le claquement des étendards au marteau ornant les murs de Caer Benowyc.
Martelant la boue de leurs bottes métalliques, la horde d'acier s'élance. Les pierres antiques du fortin craquent alors que ses créneaux sont engouffrés dans un déluge de feu, et déjà les premiers défenseurs s'écroulent, chutant en un bruit mat d'os brisés, la peau brunie par la chaleur. Les coups sourds d'un bélier retentissent, bientôt doublés, puis triplés, et lentement de lourds et massifs madriers de charme font trembler les portes closes, en cœur des cantiques des paladins de la Lumière.
Crépitements de magie. Cris d'horreur alors que les plaies se referment à vif. L'Eir-Othila est à l'œuvre, calmant les esprits, relevant les morts. La cours est en effervescence, et sous les cris impératifs de l'un d'entre eux, les guérisseurs organisent les premières civières de fortune. Dans un coin, des kobolds s'activent à une de leurs machineries de morts, leurs travaux improbables ponctués de ricanements sadiques.
Se dressant sur une tour, telle une montagne de gris et d'azur naissant en accélérée, un gigantesque troll écarte les bras, un regard noir déformant son visage recouvert d'une tête de loup. Un bourdonnement nauséeux fait vrombir l'atmosphère, et les hordes d'Albion sont recouvertes par une nuée de mouches fétides, attirées par la pourriture accélérée de leurs propres corps. La peste frappe, Zourgol sourit.
Un éclair retentit, et le ciel devient noir. Lentement, menaçant, en un manège funèbre; de lourds nuages noirs tournent au-dessus du fort, zébrés d'arcs électriques. Une gourde passe de main en main, deux regards se croisent, deux sourires se dessinent au creux de leurs barbes. Brandissant leurs marteaux, ils frappent à terre, furieusement. La foudre s'abat, une masse de métal fondu s'écroule. Ce soir, une veuve pleurera son maître d'arme. Les coups s'abattent des cieux, brisant, fauchant les rangs des assaillants sous le courroux de lumière bleuté. A travers Doywan et Goldim, c'est Thor lui-même qui frappe de son Mjolnir.
Un sifflement puissant cache à peine le cri de douleur d'un kobold coincé dans les rouages. Le bras grinçant se détend d'un seul coup, balayant l'air. Dans une explosion de bois et de chair mêlées, la pierre s'abat, brisant béliers et servants. Déjà, la catapulte grince alors qu'elle est réarmée. A ses cotés, une à une, des consœurs s'érigent. Mort soudaine fondant sur les hommes, le ciel se charge de plusieurs tonnes de rochers.
Lorsque le cri de guerre retentit, que les portes s'ouvrent enfin, c'est pour vomir la horde barbare. Et ce sont des ennemis usés, blessés et fatigués qui tombent sous les haches des berserkers. Ce soir encore, les caves de Benowyc Faste seront vidées par les vainqueurs…
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