[Orcanie] Un Nom Venu d'Ailleurs...

 
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Il était minuit passé au clocher de Camelot lorsque la porte de l'auberge de Broec le Tenancier laissa entrer un personnage dont le visage était enfoui dans l'ombre d'un large capuchon.

Dans cet établissement peu recommandable, les clients étaient habitués à voir débarquer toute sorte d'individus à toute heure de la nuit et pourtant l'arrivée de l'inconnu jeta un froid dans la salle ; les conversations laissèrent place à quelques chuchotements tandis que le nouveau venu s'attablait silencieusement dans un coin, et peu à peu un lourd silence s'installa.

Broec, un homme très mince et très grand au visage squelettique couturé de cicatrices, s'approcha de son nouveau client et se pencha pour lui parler à l'oreille :

- "Je...je dois vous dire..." commença-t-il en hésitant. " Vous savez, vous ne devriez pas rester ici. Il y a pas mal de gars assez excités ce soir... Enfin avec l'alcool, tout ça provoque pas mal de bagarres, c'est assez fréquent... Bref ce n'est pas un endroit convenable pour une dame, ici!"

Les habits de la jeune fille ne laissaient en effet aucun doute sur sa féminité. Sans même adresser un regard à l'aubergiste, elle répliqua :

- "J'espère bien que ce n'est pas un endroit pour les dames ! Ceux que je cherche n'ont guère l'habitude de fréquenter les salons de thé... Cesse de dire n'importe quoi et apporte moi un repas".

Elle sortit de sa bourse une pièce d'or et la posa avec un bruit sec sur la table. Le patron demeura pensif un instant, puis posa le doigt sur la pièce et la fit glisser jusqu'à lui avant de s'éloigner d'un pas nonchalant vers son comptoir.
Il revint peu après avec le repas - quelques légumes, un morceau de lard et une tranche de pain, qui valaient à peine le dixième de la pièce d'or - et tandis que l'inconnue mangeait en silence, les conversations reprirent peu à peu dans la salle.

Plus personne ne semblait faire attention à la jeune fille quand soudain un homme qui était assis à une table voisine avec quelques compagnons l'interpella d'une voix forte :

- "Eh, ma jolie ! Viens donc boire un verre avec nous ! Tu nous montreras ta frimousse... avant de nous montrer le reste !" ajouta-t-il en déclenchant les rires de ses amis.

L'inconnue n'avait même pas levé la tête, et gardait le silence. L'homme recommença :

- "Ne fais pas ta mijaurée, tu es venue pour ça pas vrai ? Viens donc ici ma belle !

Comme la fille ne semblait toujours pas disposée à lui prêter la moindre attention, il se leva d'un bond et s'approcha d'elle.

- "Tu m'as pas entendu ? On t'a invitée, moi et mes copains, et personne ne refuse une invitation de notre part.

- "Il faut qu'elle soit bien moche pour se cacher ainsi le visage ! Montre nous d'abord à quoi elle ressemble, Ashram !" cria un autre en riant.

L'homme se retourna vers ses compagnons et répondit :

- "Eh eh... Vous avez raison les gars ! Allez, enlève-nous ce capuchon pour commencer !" fit-il en tendant la main vers la cape de la jeune fille.

Avec la rapidité d'un chat, celle-ci lui saisit le poignet et lui tordit le bras d'un geste vif. Ashram poussa un cri de douleur ; reculant sous l'effet de la surprise, il heurta du pied un tabouret et tomba à la renverse sur le sol crasseux de l'auberge. Il se redressa encore hagard et s'aperçut que son manteau s'était déchiré dans sa chute.

- "Tu vas me payer ça, espèce de garce !" dit-il en tirant un long poignard de sa botte.

- Ne l'abîme pas trop tout de même ! firent les autres.

- Vous en faites pas, je vais juste lui apprendre la politesse... Elle sera toujours en état de servir après" grogna-t-il.

Il se releva et s'approcha de l'inconnue, brandissant le poignard. Sans dire un mot, la fille se leva lentement et abaissa son capuchon de ses deux mains. La stupeur cloua Ashram sur place tandis qu'un murmure d'étonnement parcourait la salle.

- "Une Elfe ici ? s'écria quelqu'un.

- Ce n'est pas une Elfe, imbécile ! Ça ne ressemble pas à ça !

- Elle n'est pas Avalonienne en tout cas ! fit un autre."

Jamais de mémoire d'ivrogne on avait vu pareille créature à Camelot. L'inconnue avait une peau très sombre - comme les Sarrasins - et son nez était bien plus fin et plus court que celui de la plupart des femmes de l'Empire ; mais ce qui frappait avant tout lorsqu'on la dévisageait, c'était ses yeux : leur couleur verte donnait au visage un air étrange et mystérieux, qui avait de quoi inquiéter la population crédule et superstitieuse du centre du Royaume.

Quelqu'un dans la salle prononça le mot "démon", qui fut aussitôt sur toutes les lèvres. Ashram, qui avait surmonté son étonnement, murmura entre ses dents :

- "Un démon... On voit que vous n'en avez jamais rencontré, bande de naïfs".

Puis il lança à l'étrangère :

- "Je sais pas ce que tu es exactement, ni d'où tu viens et encore moins ce que tu cherches ici. Mais je suis sûr d'une chose: tu n'aurais jamais dû venir seule".

Il se jeta soudainement en avant pour tenter de se saisir de la fille afin de la maîtriser avec son arme, mais l'inconnue s'esquiva d'un bond de côté et attrapa au passage l'homme par les cheveux avant de le projeter avec force contre le mur, tête la première. Son visage heurta violemment la pierre et un murmure de dégoût parcourut la salle lorsque l'on entendit les os de la face craquer sous le choc.
Ashram se releva, gémissant de douleur, en s'essuyant la bouche du revers de la manche. Dans le même temps, il porta la main au pommeau de l'épée qui pendait à sa ceinture.

La foule des clients qui s'était amassée autour de lui recula d'un pas. Voyant son geste, la fille se saisit d'un étrange fourreau qu'elle portait dans le dos, et en tira lentement un long sabre de forme courbe, tel que n'en avait jamais vu aucun forgeron du Royaume.

Ashram, galvanisé par la douleur et les cris de la foule, ne songeait plus qu'à venger l'humiliation qu'il avait subie. Il tira brutalement sa lourde épée et se dirigea rageusement vers son adversaire. Celle-ci attendait, impassible, le sabre levé en une garde inhabituelle. L'homme bondit sur elle, assénant un coup furieux avec son arme.
Une nouvelle fois l'esquive avait été rapide, imprévisible et sans pitié. Le sabre avait fendu l'air avec précision et l'épée d'Ashram était tombée bruyamment sur le sol. Un silence horrifié s'abattit sur l'assistance.
Une main inerte était encore crispée sur la garde de l'épée et gisait à terre avec elle au milieu d'une flaque de sang. L'homme était à genoux, hurlant de douleur et serrant convulsivement de son unique main son bras mutilé. Le cimeterre l'avait tranché net, à mi-chemin entre le coude et le poignet, et la blessure saignait abondamment.

L'instant de surprise passé, quelques hommes sortirent de la foule et emportèrent le blessé.

La fille remit sa cape et se dirigea vers la sortie, tandis que la foule s'écartait sur son passage. Avant de sortir elle lança à l'aubergiste, sans s'arrêter :

- "Pour la casse, tu n'auras qu'à te payer sur la monnaie de ma pièce, et ne te plains pas : tu y trouves largement ton compte".

Elle poussa la porte et disparut dans l'obscurité.

Une fois dehors, elle s'éloigna à grands pas en direction de la sortie de la ville.

- "... Et rien à Camelot" pensa-t-elle... "Donc rien dans ce Royaume. Il va falloir que je descende plus au Sud."

Et tout en marchant, elle repensa aux circonstances qui l'avaient conduite ici. Tout s'enchaînait, tout était lié, rien n'arrivait par hasard... Ce qui s'était passé ce soir était inscrit dans son destin comme dans celui de cet homme bien avant leur rencontre. Elle lui avait coupé la main, sans plaisir mais sans remords non plus : elle l'avait fait parce qu'il le fallait. Pour la Guilde...
Elle fut tirée de ses sombres pensées par un cri :

- "Mademoiselle !"

Se retournant, elle aperçut un homme courir dans sa direction et elle se mit aussitôt sur ses gardes. L'homme arriva bientôt devant elle tout essoufflé et reprit un bref instant sa respiration, courbé en avant les mains sur les genoux.

- "Eh bien ? Que voulez-vous ?" fit-elle en considérant sévèrement l'homme.

Il paraissait jeune, était assez grand, plus grand qu'elle en tout cas, et portait une tunique délavée et pleine d'accrocs. Il la regardait avec un sourire niais et se passait la main dans les cheveux d'un air embarrassé.

- "Alors ? Vous êtes devenu muet ?"

- "Oh non ! Je voulais juste vous dire... Enfin c'était un beau combat. Bravo et merci, j'avais souvent des ennuis avec Ashram. Mais maintenant, vous lui avez donné une sacrée leçon !"

- "C'est tout ?"

- "Euh, oui enfin non, je voulais savoir aussi d'où vous veniez... Enfin si vous n'étiez pas l'une de ces mysterieuses sicaires Nemesis dont on n'ose a peine prononcer le nom par ici. Vous n'êtes pas d'ici, ça se voit. Et la façon dont vous avez mutilé cet homme ressemble à ce que l'on raconte sur les membres de cette guilde. Je m'intéresse beaucoup aux guildes étrangères... Un jour je pense que je partirai en voyage, découvrir tout ça... Hibernia, Midgard surtout, et les..."

- "Désolée de vous décevoir, cet homme n'était pas celui que je cherchais. Quant à moi je suis Humaine. Et pressée, en plus de cela" répondit la fille en reprenant sa marche.

Le jeune homme la suivit quelques pas, et continua d'une voix encore moins assurée :

- "Peut-être pourrions-nous nous revoir ? J'aurais tellement de..."

- "J'en doute fort" coupa la fille. "Je quitte la ville cette nuit et le Royaume très bientôt".

Déçu, le garçon s'arrêta. Puis il ajouta, en dernier recours :

- "Je m'appelle Arkos ! Et vous ?"

L'étrangère ralentit sa marche, sembla hésiter puis répondit finalement sans se retourner :

- "Azoria"

- "Azoria..." répéta à voix basse le jeune homme tandis que la fille disparaissait comme par enchantement.

- "Ce n'est pas d'ici, en effet" ajouta-t-il pour lui même avant de retourner sur ses pas.



Dsl pour la longueur... insomnie :baille:
/kiss <va dormir>
 

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