Je pense (mais je n'affirme pas) que toutouyoutou estime, comme de plus en plus de gens, que la menace djihadiste n'est prise au sérieux aujourd'hui ni par le gouvernement, ni par la justice, ni par les forces de l'ordre, dans la mesure où ils sont traités comme des criminels ordinaires ce qui leur permet d'échapper souvent à des sanctions à la hauteur de la menace qu'ils représentent et génère un sentiment d'impunité.
C'est toute la difficulté quand des barbares s'attaquent à un État développé et démocratique doté du système de justice qui va avec et qui est fait et équipé pour traiter les "déviants" habituels, pas forcément ceux qui constituent une menace plus grande pour la confiance et l'unité de la nation.
Le souci c'est que mettre en place une justice d'exception conduit très souvent (je serais tenté de dire systématiquement) à des dérives qui impactent le citoyen ordinaire (cf l'état d'urgence qui a permis d'interdire de manifestation des militants de gauche, wtf)
Non. Il y a un malentendu.
Je connais personnellement (et c'est le hasard de la vie) des gens engagés dans la lutte contre le terrorisme. Dans différents corps d'élite et d'intervention de la police et de la gendarmerie, dans l'armée, dans la Justice et dans l'Education Nationale. Je sais que le risque désormais est compris et pris au sérieux, et qu'il y a un véritable travail de fond derrière. Et je le sais vraiment de sources de premières main qui sont tant sur le terrain que assez haut dans la hiérarchie (pas au plan national).
Quand je dis que je connais, ça veut dire que certains sont des amis de très longue date, des intimes, quasiment la famille (mais pas tous, évidemment).
Donc, pour faire clair, je sais que l'Etat est sur le coup, qu'il a compris la menace (notamment depuis Paris et Nice), qu'il est conscient qu'il a merdé, et qu'il entend ne plus le faire.
De cela, je ne doute pas (enfin... disons que j'ai envie d'y croire...).
Je comprends aussi ce qui peut paraître comme un double discours des autorité. C'est juste habile. E ça prend en compte la réalité multiculturelle de la France, avec un impératif de maintien de l'ordre (à défaut de la concorde civile véritable).
Ce n'est pas l'Etat qui est en question, mais la manière dont la société est prête à affronter le problème. Et elle est prête, mais pas trop... A la mode "tiède", tout à fait dans le ton de Macron. Et jusque dans mon établissement, où je me suis heurté à mon adjointe après le CA de cette semaine. Il y a une césure entre les gens qui ont vécu les actes en direct, et qui ont été contraints de voir la réalité dans sa brutalité et son horreur, et à prendre acte en vivant avec, et ceux qui ne l'ont pas vu, qui feront tout ce qu'ils peuvent pour ne pas y être confrontés, et qui se cachent derrière leurs idéaux pour ne pas avoir à voir en face la merde dans toute sa noirceur.
Moi, je le sais, je suis atteint de ce que j'appelle pour plaisanter le "syndrome de Kurtz" (ça a intrigué mon psy d'ailleurs). Comme le colonel Kurtz dans
Apcalypse Now de Coppola, j'ai été soumis à une expérience qui m'a fait prendre conscience tragiquement d'une réalité brutale. Et je pense que notre situation en Europe aujourd'hui est très bien résumée par certaines scènes de ce film grandiose. La plupart des gens sont comme des généraux qui dissertent à table sur ce qui est "décent", sans plonger les mains dans la merde. Pour eux, l'horreur est une idée, une abstraction, mais de fait, ils n'y seront jamais véritablement confronté. Surtout, ils feront tout pour la nier le plus longtemps possible, et pour l'esquiver autant qu'ils le pourront, tout en continuant à donner leur avis et à juger... S'ils devaient y être confrontés, ils s'effondreraient immédiatement... Ils serraient comme tous ces gens que j'ai vu s'effondrer en courant et en hurlant, oubliant jusqu'à leurs propres enfants dans la panique, pour vivre ensuite avec cette honte...
Ceux qui les y plongent (les mains dans la merde) savent très bien que ce n'est qu'un ramassis de conneries qui ne peut mener qu'à la défaite, mais ils ne peuvent pas le dire ouvertement, et ils ne peuvent pas non plus cesser de faire ce qu'ils ont à faire...
Quant aux autres, les Kurtz, ils savent très bien ce qu'il est nécessaire de faire, parce qu'ils ont vu l'horreur en face, dans sa crudité. Mais ils savent que le faire c'est franchir toutes les limites, et ils n'y sont pas nécessairement prêts, et ils savent surtout que les autres ne le sont pas, et que s'ils le font, ils le feront en rompant. C'est juste qu'ils acceptent l'idée de le faire, en espérant ne jamais avoir à le faire. En définitive, à la fin, ce sont les généraux à table qui gagnent, et tous les autres qui vivent avec l'horreur et qui en font une part d'eux- même (leur part d'ombre...).
Mais... je pense qu'une partie de la population n'a pas compris. En clair, et je le regrette : il faudra encore des morts (des dizaines, minimum) pour que les gens soient plus ou moins contraints de se remettre en question. De toute manière, c'est humain : on ne se remet en question que par nécessité.
En revanche, je pense (je crois ?) qu'une forte minorité ne veut pas comprendre la situation (ou n'en est pas capable), et ne veut surtout rien changer.
Quand je parle de changer, je parle juste d'adapter notre outil judiciaire et policier à cette menace très spécifique qui n'a pas été prévue, et à laquelle nous devrons de toute manière nous adapter.
S'y adapter, comme je l'ai dis il y a des mois, ça consiste à traquer et à punir les coupables et les complices, et non pas à surveiller tout le monde (comme c'est le cas). A ne pas accepter les discours d'amalgame. A ne rien transiger sur les principes et à les appliquer. Il n'y a aucun honneur dans le procès de Jawad : juste une insulte aux citoyens de ce pays.
NB : bon, désolé pour le côté décousu et les fautes qui restent. Ce n'est pas simple en fait...