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Pas forcément. Pas de suite maintenant.
A la base, j'ai repris des études surtout pour le plaisir, et pour m'occuper.
Et si, mon boulot d'orthophoniste me plaît.
Mais disons que oui, c'est pas non plus innocent, et plus ça va, plus ça prend racine... Je me ménage des issues de secours d'urgence rapide au cas où, vu comment le médico-social et la santé au global, ça sent le pâté actuellement en terme de réformes et de financements et de bienveillance dans l'accompagnement des patients.
En gros, le cadre dans lequel on me demande d'exercer mon boulot, lui, il me plaît pas, et c'est un faible mot...
En gros, pour ceux que ça intéresse...
Le libéral, c'est du salariat déguisé, t'es de plus en plus pressurisé de tous côtés, les administrations se déchargent de plus en plus de leur taff sur les professionnels en prime, et particularité orthophonique, aucune augmentation de tarifs depuis 17 ans (Bon si ok, la lettre-clef, l'AMO est passé de 2,37€ à 2,50 en 17 ans... Woot.) et une bonne dose de bénévolat exigé.
Donc le libéral, c'est l'enfer, c'est littéralement travailler plus pour gagner moins vu que tout augmente sauf ton chiffre d'affaire, donc tu augmentes ton temps de travail pour tenter de le maintenir au même niveau, vu que tes charges, elles, elles baissent pas. Pi comme ya que 24h dans une journée, et seulement 7 jours dans la semaine, ya un moment, ça devient tendax.
J'ai arrêté pour une bonne raison, j'y retournerai pas, pas dans ces conditions-là, et c'est pas près/prêt de changer dans le bon sens. Une bonne partie de mes collègues a amorcé le même changement => Arrêt du libéral et/ou reconversion dans des trucs qui n'ont rien à voir. Depuis que j'ai quitté mon cab ya 2 ans, une bonne vingtaine a suivi le même chemin dans mon cercle proche, 6 ont déjà définitivement raccroché leur diplôme pour changer de carrière. Et dans le cercle plus large, plus de 1300 orthos ont depuis juin énoncé une vraie volonté de reconversion à cause de tout ça. La profession sature et frôle le burn-out, comme la plupart des professions du monde médical en fait. C'est dramatique.
Donc niet, j'y remets pas les pieds tant qu'on sera traité comme de la merde, payé et reconnu au rabais, avec des injonctions merdiques et des conditions de prise en charge pour les patients de pire en pire.
Le salariat, c'est plus "peinard" en comparaison, avec un confort de vie bien supérieur du simple fait des 35h et des congés, et des arrêts maladies, et de la retraite etc...
Mais bon, globalement, moi j'ai eu de la chance, j'ai négocié un bon salaire. Globalement sinon, tu perds carrément en "salaire". (=> Pour rappel, ortho = Master 2, reconnu Bac +2, catégorie B, 1350€ proposés par les hostos et la plupart des établissements Médico-Psy, pour une ortho avec 7 ans d'xp pro, et des formations supplémentaires pointues dans 3 domaines du champ de compétence bien précis)+ une spé annexe complémentaire
Par contre, le cadre institutionnel fabrique de l'incompétence, et de l'immobilisme crasse, et de la maltraitance ; c'est du grand n'importe quoi. Le personnel ne se forme pas, ou pas assez (manque de budget, ou de volonté), n'est plus en cohérence avec l'évolution des publics adressés, ou au fait des "dernières" (de la dernière décennie, voire plus) avancées dans certains domaines...
Genre F34R les psys qui pensent encore que l'autisme est une psychose lié à une mère pas normale...
Et les éducateurs qui n'ont aucune notion sur les approches éducatives et communicationnelles à mettre en place pour ces enfants... "Un emploi du temps visuel ? Mais pourquoi faire ?" "Un classeur de communication ? Mais pfff, on n'a pas le temps de chercher le picto pour lui donner une consigne, ça va hein..."
Quand l'ARS finance seulement un 1/4 temps d'orthophoniste dans un SESSAD Autisme, alors qu'on sait que le rétablissement de la communication est la priorité dans l'autisme puisque l'accès à un mode d'expression permet de réduire drastiquement les troubles du comportement et des conduites sociales, de manière prouvée...
Quand on sait que les plans Autismes pointent la nécessité de suivis intensifs (à raison de minimum 3 séances par semaine), et que du coup, avec un 1/4 temps, tu peux faire... 1 petite séance par semaine pour seulement certains des enfants, parce qu'en un 1/4 temps, t'as pas le temps de les voir tous déjà une fois...
Pi là, avec les CPOM, la réforme financière des établissements, et certains autres trucs qui passent avec cette réforme SERAFIN-Ph... ça sent le sapin.
On te vend l'inclusion sous une belle propagande de favoriser le droit commun et l'inclusion citoyenne des personnes handicapées ( et ça serait beau, si c'était vrai !), mais quand tu lis les textes, et que tu vois comment ils négocient ça dans les instances avec les MDPH et l'ARS, ça pue le truc exprès juste pour faire des économies drastiques en serrant ++ les budgets, en favorisant les absorptions/fusions d'associations/établissements, en fusionnant les services, en transformant tout ça en "plateau technique", avec tout ce que ça entraîne, et sans aucune amélioration de l'encadrement, de l'accompagnement, de la formation des professionnels, etc... Bien au contraire !
Quand on te dit que d'ici à 3 ans, 80% des gamins devront être inclus dans le milieu ordinaire, que la scolarité est la priorité absolue, que le thérapeutique passera après (lol), hors temps scolaire et hors les murs de l'éducation nationale dès que possible, tu te dis que derrière, les infrastructures de l'éducation nationale ne suivront pas, ou pas assez vite, que ça va être un bordayl monstre, qu'ils ont pas prévu de former plus d'enseignants spécialisés, de former mieux les profs aux divers handicaps auxquels ils vont être confrontés lors des inclusions en "classe ordinaire", que les AVS ça va rester le même délire (pas assez nombreux, pas formés, pas assez d'heures attribuées), et que bah, demerden sie zich, nous on devient des plateaux techniques pour réduire les coûts et on se démerde avec ça, à courir d'un établissement à l'autre, d'une école à un domicile, en pouvant voir encore moins de gamins, en passant plus de temps en bagnole, et en tentant de limiter la maltraitance scolaire/institutionnelle liée à ces changements pour des enfants avec des particularités sensorielles qui les rendent hyper sensibles et fragiles dans l'environnement global pour certains (foule, sonneries, bruits, rythme, lumières, etc), bah merde.
J'ai pas envie d'en faire partie. Pas mon soin, pas ma cam', pas ma façon d'envisager le suivi et l'accompagnement des patients (notamment autistes).
Donc quitte à ce que mon travail actuellement soit équivalent à pisser dans un violon au vu de mes temps de présence erratiques sur les 3 services par rapport au nombre de jeunes présents et en besoin, et qu'à l'avenir ça risque d'être pire, je préfère baisser les bras, quitter le navire avant qu'il coule, et aller voir ailleurs si j'y suis.
Chu ptetre archi pessimiste, mais franchement, de ce que je vois au quotidien dans la préparation des changements pour l'application de ces réformes : nous on prépare le terrain pour ces classes externalisées qu'on nous demande pour inclure les mômes, mais que t'as pas un établissement scolaire de la région au courant de ces réformes, de cette obligation etc, et quasi aucun qui aurait la place de mettre à dispo 2 pièces supplémentaires, la formation ou l'envie d'accueillir une classe, dans tous les contacts qu'on a eu, bah c'est pas engageant...
Brayf, non, je ne déborde pas d'un enthousiasme forcené quant à mon avenir dans cette profession, pi quant à l'avenir de ma profession au global, pi quant à l'avenir de l'accompagnement des enfants handicapés à besoins spécifiques et du soin en général.
Donc si je peux, quand je peux, quand j'aurai complètement perdu toute foi en notre pratique du soin, je me casse avant d'y laisser mon moral, ma santé, et ma bonne humeur.
Ou je repars à l'étranger. A voir. Mais au moins j'aurai un autre diplôme potentiellement monnayable pour le jour où en plus j'en aurai marre des gens.
Voilà.
Dernière modification par Madee ; 11/01/2018 à 16h07.
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