Marvin ou la Belle Education
Je préviens d'avance que je ne suis absolument pas objectif concernant ce film : il est filmé dans mon département, dans mon village, avec des figurants que je connais. Il n'y a pas un seul passage dans ce film où je n'arrive pas à reconnaître les lieux. De plus, il narre une histoire qui me touche sur plusieurs aspects.
En définitive ce film est éminemment merdique, mais vraiment. On est pas loin de la nausée que j'avais eu en regardant Un+Une avec Dujardin. On se retrouve avec une espèce de Bienvenue chez les Ch'tis pour les bourgeois parisiens, il y a une sorte de violence indicible qui suinte du film et c'était vraiment douloureux pour moi. Le fim est une adaption libre du (très bon) roman "En finir avec Eddy Bellegueule" mais l'auteur, sentant certainement venir le travail de merde, s'est désolidarisé au dernier moment du projet. Le film se permet même d'être "méta", il adapte également la grosse polémique après la sortie du livre : l'auteur s'est fait renier par sa famille/son village à cause de la violence de son autofiction et les journalistes parisiens se faisaient un plaisir de venir dans son village pour interviewer, sans élégance, les habitants.
Le film remplace le Nord du livre par les Vosges et montre à l'écran des stéréotypes grossiers : pauvreté, racisme, alcoolisme, désoeuvrement et j'en passe. Des problématiques qui existent, certes, mais qui ne se dessinent absolument pas de cette manière quand on connaît ce milieu. Et c'est là le plus gros problème du film, la réalisatrice aborde l'histoire d'un environnement qu'elle ne connaît pas le moins du monde. L'accent vosgien grotesque du film n'existe pas dans la vie, pas plus que les expressions débiles des personnages ("ça sent le sapin", sérieux ?). Je ne sais pas où la réalisatrice a pioché l'idée que les jeunes hommes d'un village font des strip tease en dansant sur du K. Maro en pleine fête foraine ? Le film utilise les passages les plus violents du livre (l'anecdote de l'accouchement dans les toilettes, l'apprentissage de l'homosexualité avec des brutes adolescentes etc.) sans apporter un brin de nuance, de contexte, d'analyse. Cela ne fonctionne pas du tout, jamais. Le film met en parallèle deux époques (enfance du personnage et sa vie d'adulte), deux environnements (les Vosges profondes et le milieu homo des théâtreux parisiens) et égrène les clichés, les idées de merde, les dialogues gênants sans jamais user de subtilité.
Cerise sur le gâteau : on a une Isabelle Huppert qui joue son propre rôle et c'est franchement ridicule (alors que je suis un fétichiste de l'actrice). La voir danser sur un rooftop dans le marais, sur de l'électro à la con, me donne envie de chier sur les sièges.
Le film n'est pas entièrement mauvais, il esquisse une problématique pertinente (traitée par le livre) : la difficulté que rencontre une personne, reniée/incomprise par sa famille, qui souhaiterait se faire accepter dans une autre classe sociale. Il y a quelques dialogues qui touchent, le personnage de Vincent Macaigne n'est pas inintéressant. Idem le jeu de Finnegan Oldfield est, comme d'habitude, très bon et le gamin, Jules Porier, est impressionnant. Mais un film comme ça ne peut tenir sur ses acteurs, c'est insuffisant.
On peut aborder avec justesse un film de ce type, on peut montrer à l'écran, sans débilité crasse, des problématiques difficiles. Claudel y arrive très bien dans Une Enfance car, justement, il a vécu toute sa vie dans l'environnement qu'il montre à l'écran et cela fait toute la différence. Je n'ai pas honte de dire que j'aime le cinéma français. Par contre, en ce qui me concerne, ce cinéma là, ridicule au possible, peut bien aller crever la gueule ouverte.
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