La culture (de masse ou pas) et les arts, problématiques contemporaines

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[QUOTE=Twan;30095145]

Citation :
Publié par Twan
Après par contre, le public intelligent aura 3 jugements plutôt que 2 : c'est de l'art qui me touche, c'est susceptible d'être de l'art même s'il ne me touche pas et c'est une pure escroquerie.
Je pense qu'aucun lecteur de Proust n'ira dire "c'est une escroquerie" même en s'endormant après 30 pages. Par contre celui qui va voir un tableau tout blanc ou une crotte dans un bol, aura généralement un avis un peu plus tranché, la richesse de l’œuvre et ses chances de toucher quiconque apparaissant nettement plus limitées.
Lol, tes exemples sont un peu extrêmes, je ne sais pas si les gens vont admirer une crotte dans un bol.
Sur le fait d'être touché: on peut être touché par Mireille Mathieu. Mais je pense que quand tu as aimé La Callas, c'est difficile de revenir à du Mireille Mathieu. Et c'est pas parce qu'on n'est pas touché par La Callas, que La Callas, c'est de la merde.

Le petit truc qui me satisfait dans la vie: c'est que j'ai pressenti que certains étaient de grands artistes, alors qu'ils étaient archi pas connus, il y a 15 ans mettons. Maintenant, c'est devenu des vedettes inaccessibles. C'est ma petite fierté. Tu regardes un collectionneur comme Yvon Lambert: avec le recul, il ne s'est pas trop trompé.

Les gens qui font des placements, c'est comme pour les actions en bourse. En plus, ils sont parfois conseillés par des Bernard Madoff.

Je pense qu'il y a une promotion médiatique de la vacuité: parce qu'elle parle de notre propre vacuité, de la vacuité du système. Mais il n'y a pas que ça, non plus. Par exemple Guillaume Bresson (né en 1982). Moi, je trouve ça pas mal "objectivement":

201105252216.jpg

Par exemple, à la Biennale de Venise cette année: ben j'ai tout parcouru, j'ai rarement vu des trucs géniaux.

Mais un Beethoven, un Schubert, y en a un ou deux par génération. Il n'y a pas à s'alarmer.

Citation :
Publié par Keyen

@Worstbobo : j'ai peur de comprendre, est-ce que tu critiques sur le fond un mec que tu n'as en réalité jamais écouté (enfin si, 20 min)?
J'ai écouté 1h d'émission avec Mermet quand même.
Sentiment d'un discours cuit et recuit.
J'essaierai, je te l'ai dit, de le voir. Sauf si ça dure 4 ou 5h.

Dernière modification par Worstbobo ; 19/11/2017 à 01h54.
Citation :
Publié par Worstbobo
Moi, j'ai vu un passage (j'ai pas tenu au-delà de 20 minutes): il m'avait frappé par son mépris social, du style on emmène des gosses de banlieue voir des trucs qu'ils ne peuvent pas apprécier parce que gosses de banlieue.
Si l'Art n'intéresse pas c'est par ce que c'est réservé pour des professeurs du secondaires. Emmener des enfants ce n'est que rajouter un peu à l'absurdité.
Citation :
Publié par Xotraz
Si l'Art n'intéresse pas c'est par ce que c'est réservé pour des professeurs du secondaires. Emmener des enfants ce n'est que rajouter un peu à l'absurdité.
C'est méconnaître la réalité de l'action territoriale de certains théâtres.

Tu vois, ça, c'est un peu comme placer une femme violée dans un canapé défoncé. Assigner les individus à une place. Définitivement. C'est de la violence sociale.
En plus, ce spectacle/discours te conforte, n'apporte rien de ce que tu sais d'avance: cela assigne le spectateur à une place. Celle de spectateur paresseux pour ne pas dire mort.



Ai-je envie d'écouter ça 5 heures? Pas sûr. Moi, j'aime bien être transporté au théâtre.
Message supprimé par son auteur.
Citation :
Publié par Worstbobo
Lol, tes exemples sont un peu extrêmes, je ne sais pas si les gens vont admirer une crotte dans un bol.
Sur le fait d'être touché: on peut être touché par Mireille Mathieu. Mais je pense que quand tu as aimé La Callas, c'est difficile de revenir à du Mireille Mathieu. Et c'est pas parce qu'on n'est pas touché par La Callas, que La Callas, c'est de la merde.
Presque.

(oui je me suis dit aussi que j'aurais dù trouver un truc un peu plus comparable avec un livre, disons ce haiku : "Gros caca. Dans un bol. Pas de bol." ou un roman de gare genre Brigade des Mœurs ou Harlequin qu'on essayerait de faire passer pour un chef d’œuvre de la littérature)

Je ne parlais pas de revenir à mais de ne considérer ou pas comme de l'art.
Il serait absurde de ne considérer comme de l'art uniquement ce que tu apprécie plus que tout ce que tu as vu auparavant (ce qui signifierait aussi que tout ce que tu as vu auparavant cesserait d'en être).
Après c'est peut être ce genre de déformation professionnelle qui est la source de la vision de l'art de certains cultureux, où il y aurait des espèces d'élus (genre ton "un ou deux par génération", formule qui soit dit au passant me fait toujours rire, on aurait donc droit à autant de génies qu'au XVIIème siècle en étant 20 fois plus nombreux et 100 fois plus avancés techniquement et développés en terme de structures d'enseignement artistique) tandis que tout le reste serait plus ou moins sans valeur.

Perso c'est pas du tout la mienne. Si je crois plus ou moins au talent je pense plutôt qu'il y a un pourcentage relativement élevé (je sais pas 10% ?) des gens qui ont le nécessaire à devenir des grands dans leur discipline* et que sur ce groupe, selon leur travail et leur vie, un (bien) plus petit nombre (mais des dizaines/centaines de fois supérieur à ceux qui finissent personnages historiques) parvient à réaliser leur potentiel et vraiment influencer leur art (après qui en devient/reste considéré comme un génie en se voyant attribuer le mérite de l'évolution collective, comme toute histoire ça dépend de qui l'écrit).

(* après il peut y avoir un groupe plus petit d'ultra favorisés dans le cas d'arts bénéficiant de traits rares combinés, genre oreille absolue + ambitus exceptionnel en chant, mais il n'est a priori pas nécessaire d'être un tel mutant pour devenir un grand)

Quant au reste des gens faisant une carrière artistique certains finissent meilleurs que les talentueux les plus paresseux ou dont la vie a trop été un long fleuve tranquille (je crois peu aux purs artistes apolliniens, pour avoir quelque chose à exprimer il faut déjà le vivre), et encore un paquet d'autres sans s'approcher du génie parviendront à sortir quelques œuvres convaincantes en une vie. A l'arrivée je ne pense pas qu'il y ait beaucoup plus de "sans valeur aucune" que de talentueux, à moins que le degré de "corruption" d'un milieu artistique soit particulièrement élevé (après si les décideurs cherchent des "professionnels malléables" plutôt que des artistes, évidemment... enfin il y a peu de chances que la nouvelle Edith Piaf sorte d'un Girl's Band).

Enfin chacun son avis sur la question, mais sans être dans un absolu "tout le monde est un artiste / a un potentiel infini" je pense que l'excès inverse est encore plus ridicule, et que le milieu concerné et les critères qu'il utilisera pour choisir/écarter des gens, qui sont rarement leur seul talent artistique (demandera t'on à une chanteuse d'être belle en plus, à un peintre de savoir parler pour se vendre en galerie, etc.. même sans parler de milieux ou ce qui compte le plus est d'être fils de machin ou pote de truc) détermine bien plus de choses que le talent au final.

Dernière modification par Twan ; 19/11/2017 à 13h17.
Citation :
Publié par Worstbobo
Le problème avec l'art, c'est qu'il requiert aussi toute une initiation. Mais c'est pareil pour tout: on va pas lire Proust du premier coup. Donc cela rend les gens hargneux, avec un discours du type "l'art dégénéré".
Il y a pas besoin d'une initiation particulière pour trouver beau la chapelle Sixtine ou la flûte enchantée de Mozart.

Ce qu'on appelle "l'initiation" ne serait pas en réalité de l'auto-suggestion ?

Dernière modification par Borh ; 19/11/2017 à 08h27.
Citation :
Publié par Borh
Ce qu'on appelle "l'initiation" ne serait pas en réalité de l'auto-suggestion ?
C'est variable. Le travail de Carole Benzaken, si on t'en donne les clés, tu peux t'y intéresser, et même sans les clés tu peux ressentir que ce n'est pas quelque chose de totalement vain. Le clou planté dans un mur ou les boites de conserve "merde d'artiste", tu peux éventuellement t'en amuser quelques secondes, mais tu ne va pas les contempler. Et à l'inverse, les tableaux de Mad Meg (oh, elle doit plaire à Worstbobo elle...), tu peux rester très, très, très longtemps devant, même sans "initiation" (ça peut aider de connaître ses sources d'inspiration, mais elle les donne sur son site).
http://madmeg.org/
Je la vois pas trop être exposée à la FIAC par contre : elle "s'inspire" des peintures anciennes, elle fournit un travail énorme pour les réaliser, et ses œuvres on un sens. Ringarde quoi.
Citation :
Publié par Twan
Quant au reste des gens faisant une carrière artistique certains finissent meilleurs que les talentueux les plus paresseux ou dont la vie a trop été un long fleuve tranquille (je crois peu aux purs artistes apolliniens, pour avoir quelque chose à exprimer il faut déjà le vivre), et encore un paquet d'autres sans s'approcher du génie parviendront à sortir quelques œuvres convaincantes en une vie. A l'arrivée je ne pense pas qu'il y ait beaucoup plus de "sans valeur aucune" que de talentueux, à moins que le degré de "corruption" d'un milieu artistique soit particulièrement élevé (après si les décideurs cherchent des "professionnels malléables" plutôt que des artistes, évidemment... enfin il y a peu de chances que la nouvelle Edith Piaf sorte d'un Girl's Band).
Je rajouterai quand même que lorsqu'on étudie les dis génies d'un peu plus près on se rend surtout compte que ceux-ci ont un comportement monomaniaque. D'ailleurs le lient entre la folie, les pathologies mentales et le génie créatif est de plus en plus avéré, notamment avec la schizophrénie.
Citation :
Publié par Twan
Presque.

(oui je me suis dit aussi que j'aurais dù trouver un truc un peu plus comparable avec un livre, disons ce haiku : "Gros caca. Dans un bol. Pas de bol." ou un roman de gare genre Brigade des Mœurs ou Harlequin)

Je ne parlais pas de revenir à mais de ne considérer ou pas comme de l'art.
Dans les œuvres sélectionnées dans ton "Presque", je ne vois pas beaucoup d'anomalies. Perso, je trouve super l'installation "machine à caca" et je n'aime pas trop "Springle Brigade" mais il faudrait considérer ce que ça donne en tant que série, dans une énonciation.


Citation :
Après c'est peut être ce genre de déformation professionnelle qui est la source de la vision de l'art de certains cultureux, où il y aurait des espèces d'élus (genre ton "un ou deux par génération", formule qui soit dit au passant me fait toujours rire, on aurait donc droit à autant de génies qu'au XVIIème siècle en étant 20 fois plus nombreux et 100 fois plus avancés techniquement et développés en terme de structures d'enseignement artistique) tandis que tout le reste serait plus ou moins sans valeur.
Pour des trucs comme la peinture, qui ne nécessitent pas beaucoup de moyens, c'est sans doute vrai. Maintenant si tu écris pour un orchestre, tu as sans doute moins de chances statistiques de te faire entendre. Idem pour le cinéma, théâtre, etc.

Citation :
Si je crois plus ou moins au talent je pense plutôt qu'il y a un pourcentage relativement élevé (je sais pas 10% ?) des gens qui ont le nécessaire à devenir des grands dans leur discipline*

(* après il peut y avoir un groupe plus petit d'ultra favorisés dans le cas d'arts bénéficiant de traits rares combinés, genre oreille absolue + ambitus exceptionnel en chant, mais il n'est a priori pas nécessaire d'être un tel mutant pour devenir un grand)
Ton *, c'est ce dont je parlais.

Citation :
A l'arrivée je ne pense pas qu'il y ait beaucoup plus de "sans valeur aucune" que de talentueux, à moins que le degré de "corruption" d'un milieu artistique soit particulièrement élevé.
Je ne crois pas qu'on puisse tenir longtemps sans aucun talent. Il y a généralement toujours du travail. Je ne pense pas pour autant qu'on puisse définir l'art uniquement par la maîtrise des moyens. C'est une vision du monde, une énonciation comme je disais plus haut. Forcément, certaines énonciations sont plus singulières, s'affirment avec plus de force que d'autres.

L'exemple qu'on donne toujours, c'est Céline: "je n'aime pas ses idées mais quel style!". Dans "quel style" on dissocie forme et fond, on croit "sauver" l’œuvre, on se situe dans l'évaluation marchande petit-bourgeoise. C'est pareil que le "c'est bien peint". Edward Hopper, c'est mal peint, mais on s'en fout. Ce qu'on aime chez Céline, ce n'est pas tant le style en soi, que le style qui est aussi une vision de l'homme, toute boueuse soit-elle. Je crois que c'est Duras qui faisait la distinction entre le style ("bien écrire", utiliser des ornements de langage...) et l'écriture. Le début de l'Etranger c'est du sujet-verbe-complément, c'est pauvre et dépouillé. Mais c'est de l'écriture (l'écriture blanche disait Barthes, le non style absolu).

Citation :
demandera t'on à une chanteuse d'être belle en plus
C'est sans doute vrai aujourd'hui pour la variété commerciale à destination des adolescents prépubères. Susan Boyd a été l'exception confirmant la règle mais elle n'avait pas une voix terrible non plus.


Citation :
Publié par Borh
Il y a pas besoin d'une initiation particulière pour trouver beau la chapelle Sixtine ou la flûte enchantée de Mozart.

Ce qu'on appelle "l'initiation" ne serait pas en réalité de l'auto-suggestion ?
Initiation n'est pas le bon mot, effectivement. Je pense que cela suppose de voir beaucoup de trucs, de se former le regard. Pourquoi l'exemple de la chapelle Sixtine? Parce que les corps Renaissance sont beaux? Je trouve que l'émotion esthétique n'a rien de spontané ou d'inné. Tu cites Mozart mais si tu prends Wagner, dont personne ne conteste le génie, ça ne flatte pas d'emblée les oreilles candides.

Citation :
Publié par Aloïsius
C'est variable. Le travail de Carole Benzaken, si on t'en donne les clés, tu peux t'y intéresser, et même sans les clés tu peux ressentir que ce n'est pas quelque chose de totalement vain. Le clou planté dans un mur ou les boites de conserve "merde d'artiste", tu peux éventuellement t'en amuser quelques secondes, mais tu ne va pas les contempler. Et à l'inverse, les tableaux de Mad Meg (oh, elle doit plaire à Worstbobo elle...), tu peux rester très, très, très longtemps devant, même sans "initiation"
Je ne crois pas que le critère soit la durée de contemplation ou la capacité à éveiller une rêverie. Il y a des œuvres que tu saisis d'un seul coup d’œil, conçues pour ça (cf le Pop Art par exemple où on est dans la visualité pure).

De plus, il y a aussi des "énonciations" qui ne durent pas. Le spectacle vivant en est la preuve: des corps, un moment présent qu'il faut toujours réinventer et faire exister. Si génial soit le metteur en scène, une pièce ne dure pas, vieillit très mal (je ne sais plus le nombre exact de représentations au-delà duquel il ne fallait pas aller selon Peter Brook, parce qu'après on n'est que dans la reproduction et non plus l'incarnation). Personne ne conteste le génie de Patrice Chéreau mais il paraitrait incongru de remonter ses pièces (d'autant plus qu'il n'est plus là pour diriger les acteurs). La compagnie de Pina Bausch continue de faire exister ses spectacles mais son absence, cela se ressent, apparemment. Et les captations vidéo, qui fixent la représentation pour l'éternité, ce n'est pas le théâtre.

Citation :
Publié par Aloïsius
elle fournit un travail énorme pour les réaliser, et ses œuvres on un sens. Ringarde quoi.
"Ringarde": il y a des tas de trucs "ringards" dans les expositions internationales, même à la FIAC. Il n'y a pas d'école, de style... Ce qui est médiatisé, c'est souvent le "scandale" confortant le public dans ses préjugés, avec lesquels jouent, bien évidemment, les artistes "scandaleux": vous pensez que l'art c'est de la merde, ben je vous offre une merde (Piero Manzoni).

Dernière modification par Worstbobo ; 19/11/2017 à 12h16.
Citation :
Publié par Avygael
Je rajouterai quand même que lorsqu'on étudie les dis génies d'un peu plus près on se rend surtout compte que ceux-ci ont un comportement monomaniaque. D'ailleurs le lient entre la folie, les pathologies mentales et le génie créatif est de plus en plus avéré, notamment avec la schizophrénie.
Ba c'est peut être cette touche de folie que j'appelle le talent ou le potentiel à la base. Après certains se soignent hélas, ou mènent des vies ne permettant pas d'y sombrer suffisamment, ou au contraire ne développent pas la technique (que ce soit artistique ou relationnelle) pour apparaitre comme des génies plutôt que des allumés à trop suivre leurs impulsions.

Je me rappelle d'une conteuse que tout le monde voyait comme ayant un des potentiels les plus énormes de ma génération, qui s'est avérée une vraie allumée capable de vendre un spectacle précis puis de se mettre à raconter un truc sans aucun rapport une fois sur scène sur un coup d'inspiration (et en plantant son musicien, tout perdu à essayer de la suivre), ou de faire du +/- 30mn sur une heure et quelque prévue, n'a jamais su s'entendre avec la petite poignée de gens qui comptent dans ce micro milieu (bon ça je la comprend, moi encore moins) et a fini vivotant dans le circuit B (bien nommé s'agissant de bibliothèques, etc...) quand elle semblait il y a 20 ans destinée à devenir une tête d'affiche de festivals de l'envergure d'un Yannick Jaulin.
(bon après le conte a une problématique particulière, du fait qu'en théorie et devant de petites audiences c'est un art basé sur la parole vivante et donc semi-improvisée, mais qu'en fait la majorité des conteurs s'adaptant un public plus large font plutôt du one man show théâtral totalement écrit et planifié, et que certains sont doués pour l'une et pas pour l'autre ; mais dans son cas c'était pas une question de capacité ou de refus de préparer des choses plus écrites mais du pur "je zappe en fonction de mon inspiration")
Le débat Schneiderman - Bonnaud continue dans Libé...

Pif !
Boum !
Paf !

Perso je dirais 0-0 balle au centre, je trouve que DS (que j'aime bien d'habitude) illustre très bien tout ce qui cloche chez les SJW se mêlant d'art (amalgame de faits-divers, d'analyse "sociologique" de mini-extraits, d'une anecdote de tournage déformée, dramatisation de tout pour aboutir à des jugements à l'emporte pièce sans la moindre nuance) et Bonnaud chez les adorateurs d'artistes démiurges (mépris des gens n'ayant pas sa science du cinéma, ultra-contextualisation de tout, non condamnation de comportements relevant au minimum du harcèlement psychologique parce que l'Artiste a toujours raison*, victimisation outrancière).

* j'attends avec impatience la démonstration de la nécessité du degré de violence psychologique que pratiquent les Bertolucci, Kéchiche, Breillat, Brisseau selon ceux qui assimilent à ça ses "méthodes", etc... (entre autres réalisateurs - et bien d'autres dans le spectacle vivant, je résiste à sortir des anecdotes). Comment se fait il que tant d'autres ne semblent pas en avoir besoin, même pour faire de bons films sur des sujets tendax ? Et à partir du moment où rien ne démontre que ce soit la seule ou meilleure manière d'obtenir le meilleur d'un(e) interprète, pourquoi le monde de la culture s'obstine-t-il à justifier ces attitudes ?
Comme souvent dans ce débat, Bonneau hurle à la censure, hors Schneiderman n'a jamais appelé à la censure. C'est donc une bonne manière de ne pas répondre.
C'est un peu comme ici, Worstbobo qui hurle à la censure de Tex Avery quand on parle de l'image de la femme dans ses films alors que personne n'a appelé à la censure des dessins animés, simplement à l'analyse et la critique.

Du reste, ce qui est reproché à la cinémathèque, c'est pas tant de diffuser les films de Polanski, mais d'honorer l'homme, de l'inviter sur tapis rouge. Polanski est un très bon réalisateur qui a fait des chefs d'oeuvre, il n'est pas question de cesser de les regarder. Mais l'homme, c'est autre chose.
Citation :
Publié par Twan
L Et à partir du moment où rien ne démontre que ce soit la seule ou meilleure manière d'obtenir le meilleur d'un(e) interprète, pourquoi le monde de la culture s'obstine-t-il à justifier ces attitudes ?
Bah parce que ce sont des potes.

Sinon, j'aime bien ce genre de déclaration :
Citation :
«La libération de la parole via les réseaux sociaux, est-ce qu’elle ne s’accompagne pas à un moment d’un véritable choc totalitaire, et d’un retour à l’ordre moral ?»
L'ordre moral, pour rappel, c'était un ordre dans lequel la femme adultère était flinguée ou lapidée, mais où son mari pouvait, que dis-je devait, avoir une maîtresse pour montrer son statut social. Et allait au bordel avec ses potes de régiment voir y emmenait son fils pour célébrer sa virilité. L'ordre moral, c'est Zemmour qui l'incarne le mieux en France.
Quand au totalitarisme, ça existe encore. Demandons aux Nord-coréennes ou aux esclaves Yazidies qui auraient la possibilité de s'exprimer leur opinion sur la contrainte sexuelle, ce sera instructif. Pas dit qu'elles se rangent à l'avis que ce sont les féministes qui sont des nazies "demi-folles".

Mais une fois de plus, on est dans l'inversion orwellienne du langage : la libération de l'oppression sexuelle devient "ordre moral" et le respect de l'intimité de chacune (et de chacun) devient "choc totalitaire". On en déduira logiquement que violer librement c'est la libération sexuelle et qu'être contraint, ou plus souvent contrainte sexuellement c'est bénéficier de la démocratie. Et tout est à l'avenant : nos défenseur du droit demande aux femmes de faire appel à un système judiciaire qui les piétine systématiquement et nos chantre de la liberté intiment aux victimes de se taire, en parlant de "délation". Parlaient-ils de délation ou de lynchage quand les victimes de Brisseau, DSK ou Polanski étaient traînées dans la boue ? Non.
J'ai lu, en prépa, Voyages au bout de la nuit, un livre que j'aime beaucoup. Par contre, on a eu le droit à une contextualisation sur Celine et son oeuvre.

Par exemple, si demain la Cinémathèque décidait de faire une rétrospective de Griffith dont l'un des films emblématiques est The Birth of a Nation, un film dans la technique était très innovante pour l'époque, je suis sûr qu'elle contextualiserait son oeuvre en l'intégrant dans le contexte raciste de l'époque.

Citation :
Le film est controversé en raison de son interprétation de l'histoire. L'historien Steven Mintz (en) de l'université de Houston résume le message de Naissance d'une nation : la Reconstruction a été une catastrophe, les Noirs ne pourraient jamais être intégrés dans la société blanche d'égal à égal, et les actions violentes du Ku Klux Klan étaient justifiées pour rétablir un gouvernement honnête9.

Dans la deuxième partie, l'histoire explique la Reconstruction et la montée du Ku Klux Klan mais une des scènes choquantes montrant le lynchage d'un Noir suscite à juste titre un débat passionné.
Pour ce qui concerne Schneidermann, je ne trouve pas que sa position soit à l'emporte-pièce. Il condamne simplement la tendance d'une partie de l'élite culturelle à soutenir envers et contre tous des gens aux comportements problématiques.

Citation :
Le site de l’Obs exhumait cette semaine le dossier Jean-Claude Brisseau, ce réalisateur français condamné voici une dizaine d’années pour agression sexuelle sur des comédiennes. En substance, pour avoir amené chez lui des comédiennes, leur avoir demandé de se masturber devant lui, sans parfois même les filmer, lui-même se masturbant aussi, et la séance se concluant par une pénétration digitale, en signe de bonne camaraderie. Tout le monde savait. Les critiques de cinéma savaient. Cela ne les empêchait pas (et certains critiques de Libé au premier rang) d’encenser Brisseau, au nom de son cinéma. Bon cinéma ne saurait mentir. Dans le regard désormais porté sur ces œuvres apparaîtra désormais Harvey Weinstein, en surimpression. Le travail ne fait que commencer.
Pour rappel, Brissaud a été condamné, n'a jamais fait montre d'excuses et au contraire, il est revenu dans un film pour s'absoudre, film qui a été encensé par une partie des critiques. Il n'a visiblement pas changé ses méthodes et ça ne pose pas de problèmes visiblement pour ces gens. Le fait d'être un artiste ne devrait pas autoriser un traitement de complaisance au nom de l'art. Ca ne veut pas dire qu'il faut censurer ses films, mais simplement les contextualiser.

D'ailleurs, je trouve problématique l'utilisation du terme SJW, social justice warrior. C'est un terme utilisé par les gamergaters pour désigner péjorativement
Citation :
un individu défendant des causes sociales progressistes (comme le féminisme, la lutte pour les droits civiques, le multiculturalisme, et dont on insinue que l'attitude constituerait un biais de validation personnelle et une recherche d'augmentation de sa réputation personnelle plutôt qu'une véritable défense des causes en question.
C'est un peu l'équivalent de droit de l'hommiste. On amalgame un peu tout le monde dans de terme dès que leur position ne plait pas. Alors, oui il en existe des vrais SJW, on en voit souvent sur twitter, mais assimiler ceux qui dénoncent le fonctionnement actuel de nos sociétés à des SJW, je trouve ça gênant. C'est comme si on disait que ceux qui s'opposent à eux sont forcément des masculinistes hyper-conservateurs. Dans les deux cas, on est dans la généralisation qui n'apporte rien sur des positions souvent plus complexes.

Dernière modification par Aedean ; 19/11/2017 à 21h45.
Je ne sais pas quelle "contextualisation" appréciée des féministes serait adaptée à la projection d'un film de Polanski.

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Vous allez voir le Bal des Vampires, mais rappelez vous que parodier un film de la Hammer n'était probablement qu'un prétexte pour ce réalisateur pervers à montrer des vampires embrassant de force des femmes dans le cou, d'ailleurs plus tard il a violé des fillettes !

Vous allez voir Le Locataire, mais rappelez vous que s'il se déguise en femme c'est un probable indice de perversion sexuelle, il a violé des fillettes !

Vous allez voir le Pianiste, mais rappelez vous que le réalisateur n'est pas qu'un enfant du ghetto de Cracovie dont la moitié de la famille a été exterminée, il a aussi violé des fillettes 30 ans plus tard (et 30 avant de réaliser ce film, coïncidence ?) !

Vous allez voir The Ghost Writer, mais rappelez vous que s'il attaque la soumission de Tony Blair aux intérêts américains, c'est probablement pour régler ses comptes avec l'Amérique où il a été accusé de violer des fillettes !


(désolé de faire mon Worstbobo mais c'était trop tentant)

Au passage c'est ça qui a fait employer à Bonnaud l'expression de "demi-folles" (et lancé la polémique via une chronique de DS sur @si) : quand une manifestante pour justifier de bloquer la projection du Bal des Vampires est allée sortir (enfin inventer plus probablement) à un journaliste l'histoire de sa fille ado trouvant ce film odieusement sexiste au premier visionnage (on ne saura jamais s'il avait été "contextualisé" d'abord -enfin dans mon exemple ça lui aurait au moins appris que ce film était parodique).

Perso, même en admettant que les critiques idéologiques ne visent qu'à "lancer un débat" (plus je lis la virulence de certaines moins j'y crois mais...) je comprend très bien que les cinéphiles ou autres amateurs de tel ou tel art ne veulent pas qu'il se déroule dans les termes de militant(e)s qui vont tout déformer et ramener au même sujet.

Enfin la grande difficulté c'est comment parvenir à un débat entre cinéphiles et féministes ou autres militants, si la moitié des gens veulent qu'il parle de qualités filmiques, ou des sources d'inspiration d'une œuvre, et l'autre moitié tient absolument à tout ramener à des trucs ayant entre peu et rien du tout à voir mais infiniment plus importants que tout le reste pour elle.

D'où l'intérêt de débattre sur internet peut être, où il y a de superbes trucs comme la capacité d'ignorer les gens qui en font trop dans un sens ou dans l'autre. Mais bon vu que ça fait aussi que les camps s'enferment dans des bulles et se radicalisent dans l'entre soi c'est pas tip top non plus.

Tiens en parlant de "débat" (et pour changer des féministes) ça me rappelle l'affaire Exhibit B, cette pièce/installation/performance basée sur des tableaux du colonialisme joués par des acteurs vivants qui a complètement subjugué un pote à moi qui la considère comme la création antiraciste la plus géniale jamais faite (tout étant basé sur le regard des acteurs qui se mettent progressivement à soutenir celui du public et lui font réaliser sa propre position de voyeur visitant une expo coloniale).
Enfin donc quand des SJW un peu crétins (mais à forte influence médiatique) ne s'inquiétant pas d'être accompagnés de mouvements genre CRAN et autres dieudonistes ont décrété (des mois après sa création, et alors qu'elle avait déjà tourné à l'étranger et été représentée à Avignon sans problème) que la pièce était raciste car le metteur en scène était blanc (et sud africain en plus), le théâtre a tenté d'organiser un débat entre la troupe et ses détracteurs... Qui a été principalement l'occasion de couvrir les acteurs d'injures genre "Oncle Tom" et de lancer des appels à bloquer les représentations suivantes sans que personne ne débatte. Suite a quoi le théâtre s'est dit que la pièce représentait trop de risques pour lui et (même si les tentatives de l'interdire avaient échoué) décidé "sur la recommandation de la préfecture de police" d'écourter le séjour de la troupe.
Citation :
Publié par Twan
Perso, même en admettant que les critiques idéologiques ne visent qu'à "lancer un débat" (plus je lis la virulence de certaines moins j'y crois mais...) je comprend très bien que les cinéphiles ou autres amateurs de tel ou tel art ne veulent pas qu'il se déroule dans les termes de militant(e)s qui vont tout déformer et ramener au même sujet.

Enfin la grande difficulté c'est comment parvenir à un débat entre cinéphiles et féministes ou autres militants, si la moitié des gens veulent qu'il parle de qualités filmiques, ou des sources d'inspiration d'une œuvre, et l'autre moitié tient absolument à tout ramener à des trucs ayant entre peu et rien du tout à voir mais infiniment plus importants que tout le reste pour elle.
Je pense que le problème, c'est que tu crées une opposition stérile entre féministes et cinéphiles. On peut être cinéphiles et être féministes, l'un n'exclut pas l'autre.

On peut être cinéphile et considérer que la célébration de Brissaud comme un génie sans rappeler les problèmes que peuvent poser un film comme Les Anges exterminateurs qui est un film d'auto-absolution du réalisateur.

Comme je le disais précedemment, si l'on devait faire une rétrospective sur Griffith pour ce qu'il a apporté au cinéma, je ne doute pas qu'on aurait le droit à toute une partie sur le caractère polémique de son film The Birth of a Nation pour son côté raciste.

C'est d'ailleurs pour ça que je trouve problématique que Bonnaud se tienne à une position où la cinémathèque ne ferait qu'un travail patrimonial, ce qui selon lui excuse le choix de la programmation. Cette position ne tient pas. Programmer, c'est choisir. Mettre en avant tel réalisateur au lieu d'être un autre, c'est aussi un choix. Surtout que la programmation va bien au-delà de l'exposition, c'est une réelle célébration. Une contextualisation de ce film, au lieu d'une glorification de son réalisateur, ça aurait pu être intéressant.

Ce qui a posé problème, ce n'est d'ailleurs pas tant la rétrospective sur Polanski que son invitation par la Cinémathèque comme si l'on ne pouvait séparer l'homme de l'artiste.

Je trouve que cet article illustre bien le problème.

Citation :
Tout d’abord, le communiqué ci-dessus entend rappeler que le rôle de la Cinémathèque « ne consiste pas à placer qui que ce soit sur un quelconque piédestal moral ». On ne sait trop s’il s’agit de naïveté coupable ou d’ignorance crasse. À l’évidence, l’institution, qui compte parmi les plus à la pointe dans son domaine et jouit d’un prestige évident, fait des artistes qu’elle invite plus que des pièces de musée, à fortiori quand ils sont mis en avant de leur vivant.

Qu’on se souvienne de l’émotion qui s’était emparée de toute une partie des cinéphiles lorsque la Cinémathèque avait invité John McTiernan, et on mesurera que l’institution est bien plus qu’un simple stand d’exposition, que sa mission et sa puissance symbolique vont bien au-delà d’une simple mission de patrimoine. Les réalisateurs n’y sont pas simplement présentés, ils y sont, et c’est heureux, célébrés.
Citation :
Par conséquent, on suppose, quand bien même le communiqué de la Cinémathèque ne reprend pas à son compte la célèbre formule, que nous sommes invités à garder notre sang froid et « séparer l’œuvre de son auteur ». Pourquoi pas, encore que ce principe, s’il est éminemment respectable pourrait être un chouïa interrogé, tant il relève plus souvent de la fin de non-recevoir, de l'argument d'autorité ou de l’exception absurde, plutôt que du concept philosophique. A la réflexion combien d'artistes bénéficient vraiment de ce cloisonnement, et pourquoi d'autres professions n'entraînent-elles pas ce genre de distinction ? Se demande-t-on d'un boulanger meurtrier si la qualité de ses petits pains autorise à envisager son oeuvre indépendamment de ses méfaits ?
Tu me demandes ce qu'il aurait du faire concernant Polanski ? Je n'ai pas de réponses certaines, mais puisque tu te poses la question, je me permets de lancer quelques pistes. Déjà ne pas l'inviter pour le célébrer vu ce qu'il a commis et qu'il a refusé de purgé sa peine. On aurait ainsi séparé l'oeuvre de l'homme. Célébrer l'oeuvre, et j'aime beaucoup des films de Polanski, sans glorifier l'homme en lui faisant l'honneur de l'invitation et de la mise en avant propre à ce type d’événement.

Il faut bien comprendre que la problématique Polanski va bien au-delà de cet évènement à la cinémathèque. Elle s'inscrit dans une polémique plus longue qui dure depuis des années. Toute une frange de la classe médiatique et politique a pris fait et cause pour Polanski. Koucher qui parle d'un homme d'un tel talent, Costa Gravas qui justifie le viol en disant que la fille de 13 ans en paraît 25, Mitterand qui parle d'une histoire qui n'a pas de sens, Finkielkraut expliquant qu'à13 ans "ce n'était pas une enfant". Bref un deux poids deux mesures. Car si BHL nous explique que s'il n'était pas le grand réalisateur, il serait tranquille depuis longtemps, il oublie de dire que s'il n'était pas Polanski, on ne verrait pas grand monde défendre un homme ayant couché avec une gamine de 13 ans qu'il avait drogué.

Ensuite, ils auraient pu annoncer, à la cinémathèque, une exposition sur la place des femmes dans le cinéma par exemple ? Ils auraient aussi pu proposer de travailler avec les associations concernées pour ouvrir un débat sur ce sujet au lieu de répondre que ce ne sont que des demi-folles ou qu'ils n'ont "rien à débattre". C'est un peu aussi ça l'intérêt de ce genre de lieu : un lieu de débat et non d'excommunications inutiles. Non ?

Dernière modification par Aedean ; 19/11/2017 à 23h41.
Citation :
Publié par Aedean
Je pense que le problème, c'est que tu crées une opposition stérile entre féministes et cinéphiles. On peut être cinéphiles et être féministes, l'un n'exclut pas l'autre.
Ce n'est pas moi qui crée cette opposition mais ce type de situation à mon avis, où il n'y a pas vraiment d'option autre que choisir son camp, et ça se voit très bien dans les commentaires de l'article.

Autant tu as tout à fait raison sur le fait que ça aurait pu être évité en amont (après comme Bonnaud le souligne il y a eu zéro opposition au moment où Polanski a été programmé, mais bon il aurait pu anticiper). Et ce serait certainement la meilleure idée pour la cinémathèque de consacrer une période à la femme au cinéma ou autre pour mettre fin à ce conflit.

Mais à partir du moment où des gens cherchent à empêcher une projection tu peux avoir été cinéphile et choisir d'être militant sur le coup, ou l'inverse, selon tes priorités, je vois pas comment tu peux rester les deux. Au passage cinéphile veut dire aimer le cinéma, ne vouloir le voir que sous l'angle "culture du viol" et bloquer des projections me semble un amour quelque peu paradoxal.

Enfin perso à ce niveau j'ai choisi le mien depuis longtemps, si pas sur la cinéphilie en particulier, et n'irai certainement pas manifester contre une manifestation ou œuvre (fusse t'elle juste à prétention) artistique quelle qu'elle soit mais plutôt m'opposer à ce genre de meute. J'étais contre l'interdiction des spectacles de Dieudonné bien qu'il soit un escroc fasciste avec un public moitié antisémite moitié con faisant monter sur scène Faurisson, je vais pas soutenir des personnes qui font le siège d'une cinémathèque, d'un théâtre ou d'un musée quelle qu'en soit la raison, et particulièrement pas quand ça annule la projection de films n'ayant rien de condamnable en eux mêmes, ou quand le terrrible scandale consiste à accueillir un type qui s'il est peut être condamnable ne va rien y prôner de dangereux.

S'il collait régulièrement dans ses films de long plans sexualisant des personnages de très jeune filles, comme Luc Besson, ou si comme Brisseau il tournait avec ses victimes, à la limite, je comprendrais, mais là je vois encore une fois rien à "contextualiser" sous l'angle de ses crimes dans son œuvre (enfin pas dans la douzaine de films que j'ai dû voir au moins). La question ici n'est pas "faut il séparer l'homme de l'artiste" en général (oui ne pas l'inviter au départ c'eut sans doute été le mieux, cette guéguerre ne profitant ni à la cinémathèque ni aux féministes*) mais "est ce pertinent de tenir à évoquer ce qui est reproché à cet homme particulier pour parler de ses films particuliers" (est il nécessaire d'évoquer des viols commis il y a 40 ans par ton boulanger pour parler de la texture de ses croissants ? l'allégorie de Blanche Gardin peut être complètement retournée).

Par contre si on parle d'organiser un débat général, sur des sujets comme la vision de la femme au cinéma, ou les scènes pouvant renforcer la culture du viol (séparation utile pour rappeler que la culture du viol ne réside pas dans des œuvres mais leur interprétation, entre beaucoup d'autres choses, comme excusant certains comportements réels). Évidemment c'est tout à fait possible et il n'y a pas de raison de ne pas le faire dans un climat apaisé à la cinémathèque ou autre lieu culturel. C'est débattre avec ceux ou celles qui viennent avec un énorme parti pris idéologique et souhaitent interdire un truc qui me semble impossible et peu souhaitable.

* après par contre de là à faire le drame du siècle de "l'honorer", pour rappel il reçoit des récompenses régulièrement et est invité dans un paquet de petits festivals etc.. (voir la vidéo où Bonnaud liste ses apparitions précédentes).
Combien de cinéastes femmes ont été honorées par une rétrospective de la cinémathèque ? Je veux dire, ils arrivent à programmer deux violeurs coup sur coup, je suis curieux de savoir... Je suis globalement hostile aux quotas, mais comme toute mauvaise solution elle peut finir par s'imposer si la situation est plus mauvaise encore.
Citation :
Publié par Twan
Enfin perso à ce niveau j'ai choisi le mien depuis longtemps, si pas sur la cinéphilie en particulier, et n'irai certainement pas manifester contre une manifestation ou œuvre (fusse t'elle juste à prétention) artistique quelle qu'elle soit mais plutôt m'opposer à ce genre de meute. J'étais contre l'interdiction des spectacles de Dieudonné bien qu'il soit un escroc fasciste avec un public moitié antisémite moitié con faisant monter sur scène Faurisson, je vais pas soutenir des personnes qui font le siège d'une cinémathèque, d'un théâtre ou d'un musée quelle qu'en soit la raison, et particulièrement pas quand ça annule la projection de films n'ayant rien de condamnable en eux mêmes, ou quand le terrrible scandale consiste à accueillir un type qui s'il est peut être condamnable ne va rien y prôner de dangereux.
J'ai le même avis, au lieu de bloquer des représentations mieux vaudrait s'attaquer aux problèmes de justice qu'il y a derrière ces affaires.

Tient d’ailleurs j'ai regardé les conclusions du tribunal de cassation concernant l'affaire Our Body, l'exposition interdite de corps humains plastinés. Au final ils ne sont pas parvenus à prouver que l'origine des corps était illicite. Du coup, ils l'ont interdite mais parce que: « l’exhibition de cadavres humains à des fins commerciales est contraire à la décence et, de ce fait, illégale en France »

Plutôt comique, surtout que toute la presse illustrait ses articles avec des gros plans des dis cadavres. Encore plus risible de voir qu'une autre exposition avec le même concept c'est ouverte et que la même polémique revient: Body World.

Dernière modification par Avygael ; 20/11/2017 à 09h28.
Pour cette histoire our bodies, peu de gens sont visiblement au courant mais on a en France une des plus anciennes collections de ce type au musée de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort et malgré le lieu, c'est bien en majorité des cadavres humains.
Sans compter que nous avons aussi Fragonard, le musée d'histoire naturelle, et le musée des moulages dermatologiques dans l’hôpital Saint Louis. Ce qui rend toute cette histoire encore plus risible.


Dernière modification par Avygael ; 20/11/2017 à 09h28.
Citation :
Publié par Twan
(est il nécessaire d'évoquer des viols commis il y a 40 ans par ton boulanger pour parler de la texture de ses croissants ? l'allégorie de Blanche Gardin peut être complètement retournée).
Sauf que ton boulanger, s'il avait drogué une fille de 13 ans bossant en stage chez lui avec du Quaalude (un sédatif), pour ensuite la sodomiser contre son gré, je doute qu'on aurait beaucoup de personnes pour le soutenir, même si la justice se rappelait à lui 40 ans après.

Et il y en aurait encore moins pour expliquer que c'est un grand boulanger faisant de très bons croissants, comme si cela justifiait quelque chose, qu'il est attaqué parce qu'il est un grand boulanger et que la gamine ne faisait pas 13 ans ou qu'à 13 ans, on est plus une gamine.

La pétition de l'époque :

Citation :

"Nous avons appris avec stupéfaction l’arrestation par la police suisse de Roman Polanski à son arrivée samedi 26 septembre 2009 à Zürich (Suisse), alors que celui-ci se rendait à un Festival de cinéma qui devait lui décerner un prix pour l’ensemble de sa carrière.

Cette arrestation fait suite à un mandat d’arrêt américain prononcé contre le cinéaste en 1978, dans une affaire de mœurs.

Les cinéastes et auteurs français, européens, américains et du monde entier, tiennent à affirmer leur consternation. Il leur semble inadmissible qu'une manifestation culturelle internationale, rendant hommage à l'un des plus grands cinéastes contemporains, puisse être transformée en traquenard policier.

Forts de leur extraterritorialité, les festivals de cinéma du monde entier ont toujours permis aux œuvres d'être montrées et de circuler et aux cinéastes de les présenter librement et en toute sécurité, même quand certains États voulaient s'y opposer.

L'arrestation de Roman Polanski dans un pays neutre où il circulait et croyait pouvoir circuler librement jusqu’à ce jour, est une atteinte à cette tradition : elle ouvre la porte à des dérives dont nul aujourd'hui ne peut prévoir les effets.

Roman Polanski est un citoyen français, un artiste de renommée internationale, désormais menacé d’être extradé. Cette extradition, si elle intervenait, serait lourde de conséquences et priverait le cinéaste de sa liberté.

Les cinéastes, acteurs, producteurs et techniciens, tous ceux qui font le cinéma du monde, tiennent à lui manifester leur amitié et leur soutien. "
D'une part, cette pétition réduit le viol par sodomie d'une gamine de 13 ans à une affaire de moeurs, ce qui, je le rappelle, signifie un scandale sexuel non conforme à la morale d'un pays, ce qui revient à relativiser ce qu'a commis Polanski en une simple chose un peu en dehors de la norme. Mais surtout, tu penses qu'on aurait beaucoup de gens pour dire, concernant ton boulanger aux super croissants :

Citation :
"Michel Dupont est un citoyen français, un boulanger de renommée internationale, désormais menacé d'être extradé. Cette extradition, si elle intervenait, serait lourde de conséquence et priverait le boulanger de sa liberté"
Citation :
Publié par Aloïsius
Combien de cinéastes femmes ont été honorées par une rétrospective de la cinémathèque ? Je veux dire, ils arrivent à programmer deux violeurs coup sur coup, je suis curieux de savoir... Je suis globalement hostile aux quotas, mais comme toute mauvaise solution elle peut finir par s'imposer si la situation est plus mauvaise encore.
La cinémathèque a d'abord une mission de conservation patrimoniale (son fondateur Langlois, qui était un amateur cinéphile a eu l'idée de collectionner/sauvegarder de vieilles pellicules promises à la destruction si elles étaient restées dans les studios). L'histoire du cinéma, c'est, au moins, depuis 1895. Tu as des quotas (hommes /femmes, blancs/"racisés") dans tes cours d'histoire ?

Dans des festivals comme le festival de Cannes, on est davantage dans une logique de programmation, effectivement.

Cet été, Biennale Théâtre Venise: au nom de ce politiquement correct, le nouveau directeur ne programme que des spectacles de metteuses en scène de moins de 50 ans. Exception : le festival s'ouvre avec un spectacle de lui, qui est un homme de plus de 50 ans. Moi, ca m'a fait marrer parce que c'est comique, ce sans-gêne épanoui et bête presque. Parce que dans cette "hystérie" (pour reprendre un de tes termes) bien pensante, il y a beaucoup de tartufferie aussi.

Questions : pour ceux qui ont vu cette programmation (dont moi, enfin pratiquement tout), les pièces sont-elles de meilleure qualité ? Réponse : non (pas forcément pire, quoique...cela ne fait pas partie des programmations impérissables dans le souvenir on va dire) . A-t-on affaire à un théâtre radicalement différent, dans ses thèmes, dans son langage? Réponse: non.

Dernière modification par Worstbobo ; 20/11/2017 à 12h58.
Citation :
Publié par Twan
Ce n'est pas moi qui crée cette opposition mais ce type de situation à mon avis, où il n'y a pas vraiment d'option autre que choisir son camp, et ça se voit très bien dans les commentaires de l'article.
Ben non. Il y a d'autres options que choisir son camp, comme par exemple considérer que les films de Polanski peuvent être diffusés mais qu'il serait bon de ne pas l'honorer lui, sans pour autant intervenir, ou encore, rester neutre et en retrait. C'est en réduisant ceci à une opposition frontale, parce que c'est ce qui est le plus visible, qu'on perd les nuances.

Au passage, du coup, ensuite certains vont carrément demander à des gens qui n'ont rien demandé de se positionner sur le sujet, comme s'il fallait forcément avoir un avis sur la situation.

Les nuances elles existent. Je voyais une féministe, il y a quelques jours, parler d'un livre qui lui donnait le sentiment qu'Hitchcock avait une conscience aiguë des problèmes féministes, et que ça pouvait se retranscrire dans ses films, ce qui n'empêchait pas un coté misogyne. Et expliquait qu'elle aimait ses films et ceux de Polanski. (Et elle est renseigné sur les actes qu'ils ont commis).

Du coup, opposer les deux, c'est juste contribuer à ce que seule l'opinion radicalisée aie l'occasion de s'exprimer. Souvent derrière cependant pour les enjoindre au silence (puisqu'elles sont extrémistes) sans avoir évidemment jamais rien fait pour permettre le dialogue avec les personnes qui ne le sont pas mais ont aussi des choses intéressantes à dire.
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