Ce que je pense de la corrida ?
Le toréador
Il laissa échapper un petit gémissement de douleur. Son père le regarda, l’œil humide, et murmura au docteur « Je n’ai jamais entendu mon fils se plaindre, il doit terriblement souffrir, faite quelque chose ! »
« Désolé, monsieur, mais il est déjà sous antalgiques, nous ne pouvons rien faire de plus. Il vaut mieux le laisser dormir »
Sancisto, le père, jeta un coup d’œil au médecin, puis à son fils reposant d’un sommeil agité, sur le blanc lit d’hôpital.
« Vous avez raison, allons-y. » dit-il. Mais il resta une minute de plus, priant pour son fils, espérant qu’il se sortirait de cette maladie aussi inconnue que soudaine.
Paco, lui, mis un certain temps à comprendre ce qui se passait. Il était dans l’arène, comme il en avait l’habitude. Les spectateurs, excités, applaudissaient et hurlaient. Paco y était habitué, après tout, il était un célèbre torero, un matador de toros. Mais il y avait quelque chose qui clochait. Les gens… ne l’applaudissaient pas… pas lui… mais un autre… un autre torero dans l’arène… il y avait un autre toréador dans l’arène ! Paco, fou de rage, frappa du pied sur le sol et baissa ses cornes.
Ses cornes ? Il était le taureau ! Un rêve, cela ne pouvait être qu’un rêve, ou un cauchemar… Mais quand un picador lui planta sa pique dans le dos, le sang jaillit et, mugissant sous la douleur, il essaya de renverser le cheval.
Sancisto pointa la tache rouge, sur le côté droit de son fils, et s’écria : « Il saigne ! » Le médecin se précipita, regarda la blessure et appela à l’aide. En un instant la chambre fut le théâtre d’une activité intense.
« Une brusque hémorragie externe ! »
« Mais causée par quoi ? »
« Je ne sais pas, il saigne beaucoup, il faut intervenir de suite ! »
« Là ! Docteur, regardez ! Une autre blessure vient d’apparaître, une autre hémorragie ! »
« Il faut l’opérer tout de suite, refermer tout cela ! »
Paco, blessé à plusieurs reprises par les banderilleros et les picadors, faisait bravement face au torero. Il faiblissait. Oh oui, il avait lutté. Il avait presque touché ces lâches qui le blessaient, ces humains qui l’avaient amené ici pour le tuer. Mais ils étaient trop nombreux, ils l’avaient tellement blessé, le sol buvait son sang, il sentait sa vie le fuir, sa force se diluer dans le néant… Il comprit qu’il n’avait aucune chance, le combat était joué d’avance, ils avaient tout prévu pour assurer leur victoire… Il se plaça devant le torero, décidé à en finir, à l’emmener avec lui dans les pâturages de la mort… il fonça, le torero esquiva et lui donna le coup de grâce, plantant son épée avec une précision chirurgicale.
Sur le lit d’hôpital, Paco eut un sursaut. Une blessure plus importante que les autres, à la base du cou, vomit un flot de sang. Il ouvrit les yeux une dernière fois, et ils se figèrent à jamais.
Fin