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La peur en nous
Livre V chapitre I
-"Viens."
La voix était sans appel, sans être un ordre non plus. Beroen avait toujours eu ce timbre singulier qui le faisait écouter par les autres, sans discuter.
...
Tous en se dirigeant vers la forêt du temple de Cazic Thule, protégé par une horde d'hommes serpent, Wizoom ne pouvait s'empêcher d'avoir une appréhension quand à cette nouvelle aventure. Cela lui serrait la gorge et son bâton avait tendance à glisser dans ses mains qui devenaient moites à la pensée d'aller dans un plan d'existence Divin.
Le plan de la peur... Là ou régnait sans partage Cazic Thule lui-même...
-"Mais quelle idée d'aller là-bas... Folie...."
Il fût prit à nouveau de frissons d'angoisse, des perles de sueurs glacées roulaient sur son dos, amplifiant ses frissons.
Le sorcier n'en revenait pas, depuis qu'il avait rencontré ses amis de la Confrérie du Tonnerre, ses aventures devenaient de plus en plus extraordinaires... Si c'était une source de joie et d'inspiration après y avoir participé, c'était surtout pour le moment une source de soucis !
-"Quellious ne pourra sans doute pas me venir en aide là-bas... Je ne sais pas si je vais en revenir..."
Le sorcier dégluti, une boule coincée dans son plexus, se demandant pourquoi maintenant que l'honneur de sa famille était retrouvé, il continuait à aller chercher l'exploit et l'aventure.
-"C'est une drogue sans doute, le parfum entêtant de l'action, la douce curiosité qui pousse les gens à aller de l'avant..."
Et puis, retrouver et aider ses amis était aussi important.
La route fut longue, mais il était enfin en vue des habitations des hommes serpent, le temple de Cazic se dressait en face de lui, majestueux malgré la malveillance qui s'en échappait.
Il devait retrouver sur place Tueurnes qui connaissait le passage secret menant à la porte du repaire de Cazic.
Les bras croisés en signe d'attente, il était à l'endroit indiqué.
-"Tu es en retard, cela m'a toujours étonné, toi qui a le pouvoir de te déplacer dans l'espace-temps" Il crispait ses muscles en même temps que les soubresauts de sont rire à gorge déployée se faisait entendre dans la forêt.
-"AH AH AH ! Allez, ne prends pas cette mine déconfite sorcier, viens, nous ne sommes pas loin, suis-moi."
Effectivement ils retrouvèrent la Confrérie après avoir longé un couloir taillé dans la roche... Et avoir occis quelques spectres qui devaient protéger l'entrée (au grand plaisir de Wizoom qui ne manquait jamais une occasion de se venger de ses douloureux souvenirs de jeunesse dans le désert d’Oasis).
La porte qui menait au plan de la peur était impressionnante, gigantesque, et le rayonnement qui en émanait était des plus lugubre.
L'érudit se souvint d'une anecdote que lui avait racontée Lenkha, la nourrice de Chatongris.
Un jour, lors d'un combat épique contre les drows du château Mistmoor, elle fut battue et renvoyée à son point d'attache... près de l'entrée du plan de Cazic. encore sous le choc et ne se souvenant plus ou elle était, elle avait traversé nue la porte... et n'avait pu faire que quelques pas avant de mourir...
À l’époque, c'était déjà une grande magicienne, dans son 56ème cercle des arcannes. Wizoom n'en était qu'à son 48ème et se demandait comment il pourrait survivre plus longtemps.
Il avait du parler à voix haute, car Lorehleii lui tendit un morceau de gâteau.
-"Bonjour Wizoom, ne t'inquiète pas, nous sommes nombreux aujourd'hui, il n'y aura pas de problèmes..."
-"Et je veillerai sur toi" Ajouta Volcane, la sorcière grise
-"Lorehleii, Volcane !! Je suis content que vous soyez la !"
-"Oui, n'ai pas d'inquiétudes, moi aussi je serai près de toi." Tueurnes lui envoya une tape dans le dos qui manqua de le faire trébucher et mis sur son épaule sa terrible hache.
Senbai le grand sorcier commença à expliquer la marche à suivre. Wizoom était partagé entre sa compassion et son amusement, Le grand sorcier avait trouvé l’amour, et il faisait des efforts pour être très chic... sa charmante tenue ne manquait pas de rappeler un bonbon rose, ou un petit lapinou rose, au choix, et le voir s'époumoner dignement dans cette tenue relevait de l'exploit.
À voir le sourire sur les lèvres de Belfedia, il n'était pas le seul à penser la même chose.
Mais l'ordre d'avancer fut donné... Et ils plongèrent tous dans l'horreur.
...
Ils s'étaient regroupés contre une colline sous le ciel d’un rouge morbide qui n'était pas sans rappeler la teinte sanguine d'une plaie qui ne se refermerait jamais. La luminosité ambiante donnait un aspect d'écorché vif à toutes les personnes présentes.
Wizoom s’aperçut qu’il ne pouvait laisser courir son imagination, sans qu’elle soit détournée et modifiée par la puissance de Cazic. Et nombreux était dans cet état, seul les plus puissants arrivaient à se contrôler.
Quand les gardiens du plan arrivèrent, ce fut pire. Monstres virevoltant et grimaçants, mains privées de corps, zombies, monstruosités et surtout... Guerriers aux visages horribles, dardant des tentacules vibrantes, tout en hurlant une mélopée stridente et dissonante qui portait sur les nerfs.
Clac
-"Ne sois pas perturbé, et concentre-toi sur tes sorts !"
En face du sorcier qui se frottait la joue, se tenait un moine. Il avait planté son bâton dans le sol et s'appuyait dessus en fixant le sorcier. Wizoom hocha la tête, plein de dépit.
-"Et désole pour la claque, mais rassure-toi, j'en ai donné d'autres, et c'est pour une bonne cause !"
Sans lui laisser le temps de répondre, il s'empara de son bâton et le fit tournoyer à vive allure. On sentait que ce bout de bois était la pour éradiquer l'engeance monstrueuse qui les attaquait.
-"Je suis Bagareur, et la droiture de mon arme va redresser votre âme dans la mort !".
La maîtrise de soi, voila pourquoi Bagareur n'était pas affecté par le trouble de l'esprit. Le sorcier observa le moine qui se battait un peu en contrebas.
Alors que la plupart ressemblaient à des machines de guerre, tout en puissance, assénant de grands coups d'épée ou de hache, s'aidant de leur force musculaire pour tenter de faire le plus de dégâts possible. Bagareur, lui, utilisait son savoir. Économisant ses mouvements et s'aidant de la force même de ses ennemis pour riposter. Chacun de ses coups portait au but, et à chaque fois des parties vitales, pourtant bein protégés. Son bâton s'enfonçait dans un œil derrière un casque, frappait une gorge d'un monstre qui suffoquait, tapait sur une articulation d’un autre le faisant lâcher son arme...
Il était partout et nul part, ses passes d’armes étaient aussi esthétiques qu’efficaces, Il dansait parmi les monstres et son ballet mortel les envoyaient un par un vers le monde de l’oubli.
Un géant abatis son épée vers sa tête, le coup était puissant et semblait imparable, pourtant, modifiant la trajectoire de l’arme d’une simple pression de son bâton, il profita de l’élan du bras de la créature pour lui briser l’articulation de l’épaule d’un simple revers. On entendit un craquement comme si tous ses os venaient de se casser... Wizoom observait la créature incapable d’effectuer le moindre mouvement tant sa douleur devait être insupportable, mais Bagareur était déjà loin, d’une roulade il s’était retrouvé entre les jambes d’un autre géant et lui assaini un coup vicieux.
D’un signe de la main le sorcier salua la performance, même si l’intéresse ne s’aperçut pas de son geste, puis il tendit ses bras vers une créature verdâtre et envoya une décharge d’énergie. Il était hors de question qu’il soit mis de côté dans ce combat !
Puis l’horreur apparue...
-”DRACOLICHE !!” S’écria Senbai, le vieux sorcier pointait du doigt un gigantesque dragon, ou plutôt sa carcasse osseuse. L’immense créature mort-vivante se déplaçait lentement vers eux... Chacun de ses pas faisait vibrer le sol et pour beaucoup, il se prolongeait par des frissons de terreur. De la magie pure, la malveillante créature avait échappé à la mort grâce à son pouvoir, et il allait se déverser sur eux... Mais le courage de la confrérie faisait bloc, aucun d’entre eux ne s’enfuit. Même désespérés, ils affronteraient la bête !
Les guerriers se jetèrent contre les membres du Dracoliche, mais leurs armes semblaient inefficaces contre ses protections magiques, il en était de même pour les lanceurs de sorts... La vie du grand Drake, ou plutôt la magie qui le maintenait vivant ne s’amenuisait presque pas, alors que les guerriers tombaient un à un, malgré les soins intensifs des guérisseurs et des prêtres. Bagareur lui aussi succomba à son tour, finalement tous étaient à terre, et le Dracoliche se redressa et déploya son cou pour un rugissement muet de triomphe, comme il l’aurait fait de son vivant. Puis Dignement, reparti vers son domaine.
...
Wizoom se traîna péniblement vers le sorcier Senbai qui semblait respirer encore. Le vieux sorcier avait la main crispée sur sa robe, protégeant la déchirure de son habit rose et de celle, plus grave, de son corps. Le sang ruisselait entre ses doigts et venait ajouter du carmin aux teintes rosâtre du tissu.
-”Courage Senbai, les guérisseurs vont arriver...” L’érudit était plein de compassion pour le mourant.
La main libre du sorcier agrippa le col de Wizoom dans un dernier effort, ses yeux qui commençaient à se voiler fixèrent le visage de son jeune collègue.
-”Il faut que tu lui dises...” Dit le vieil elfe.
-”À qui ?... quoi ?...”
-”J’allais me marier avec elle.. elle est si...” Il avait du mal à s’exprimer, des goutelettes de sang s’échappaient de la commissure de ses lèvres.
-”Mais qui Senbai ?”
-”Arley, la clérique Arley... Il faut que tu lui dises... que je l’aime.. que c’est à elle que mes dernières pensées... je... Elle est si...”
L’érudit ne disait plus rien, ainsi c'était l'illusion...
-”Mais, maître Senbai... c’est l’illusion, celle qui m’a pris mon nom... “
Serrant plus fort le col de Wizoom, il continua de parler, comme si la fièvre de la passion lui avait redonné quelques forces cachées..
-”Je le sais, n’oublie pas qui je suis... Mais ce n’est pas pareil, nous nous apportons mutuellement quelque chose que tu ne connais pas, et que tu connaîtras peut-être plus tard, quand tu auras vécu plus de choses... Elle est..” Il eu une nouvelle convulsion de douleur et crispa d’avantage sa main.
-”Ne t’inquiètes pas Senbai, je lui dirai. Ne crains rien non plus, tout est oublié pour moi, Le temps a effacé cette aventure. Depuis Quellious m’est apparue et m’a fait voir le vrai sens de la vie Norrathienne, ma façon de voir les choses dans ce monde est tout autre.” Mais il n’écoutait plus, le vieil elfe était mort, la pression de la main se relâcha et elle glissa doucement le long de son corps, lentement, comme au ralenti. Toute trace de douleur avait disparu et les quelques paroles de bonheur échangées, lui avait laissé un rictus heureux sur le visage.
Wizoom repensa à ce que lui avait dit sa Déesse.
-"Ne me laisse pas sorcier !" La tête de l'érudit se posa contre le torse de Senbai, trop lourde de chagrin.
-”Je regrette que tu n’ais pas pu te marier avec Arley... Tu le méritais, comme tu méritais une fin paisible, entouré des tiens..”
-”Et alors gamin ? tu crois que c’en est fini ?”
Une prêtresse s’agenouilla près du corps, posa ses mains de chaque côté de la tête de Senbai, un flash bleu aveugla Wizoom qui cligna des yeux. Quand enfin il pût voir à nouveau... Senbai se tenait sur ses coudes, le visage étonné d’être revenu à la vie.
-”Hu hu hu, il semblerait que vous puissiez lui dire vous-même, maître Senbai !”
Wizoom lui tendit le bras et l’aida à se relever.
Frottant son flanc droit, là ou les côtes avaient été déchirées. Il semblait surpris qu’aucune éraflure sur sa peau ne fut visible, et seul sa robe en lambeaux portait encore la trace du coup de griffe.
-”Hum... ma belle robe rose... mais bon, je suis sûr qu’Arley se fera une joie de la repriser !”
-”Content de voir que vous avez retrouvé votre humour, allez venez, rejoignons les autres, il semblerait finalement que nos dieux nous aient accompagnés, l’heure de la résurrection des nôtres a sonné !”
-”Oui... et restons loin de ce Dracoliche voulez-vous ?...”
-”Hu hu hu !”
...
Il en fut ainsi tout au long de ce périple, et même si les forces de Cazic eurent le dessus une autre fois dans la journée, il n’en resta pas moins que le golem, pour lequel ils étaient tous venus, avait été détruit par leurs soins. Et c’est de bonne humeur qu’ils rentrèrent chez eux fêter cette aventure, sous la musique de Gildorr le barde bleu qui les avait rejoint en cour d’expédition.
Ils trinquèrent jusqu'au lendemain matin, laissant les deux sorciers copains comme cochons, endormi l’un contre l’autre sous une table de la taverne.
De nouveau chez lui, le sorcier érudit s’imagina le retour du sorcier dans son foyer, et s’en trouva ravi d’être célibataire, au moins, personne ne risquait de lui faire une réflexion sur sa mine déconfite !
-”Hu hu hu”
Il soupira,
-“Tout le monde a le droit au bonheur malgré tout.” pensa-t-il
-”Longue vie à vous deux... outch..” Le sorcier plaqua sa main sur son front.
-”Quel mal de crâne !!...Erleindrielle !! outch...”
-”Oui maître ?”
Une vielle haute elfe à l’air hautain entra dans le salon ou se reposait le sorcier, elle avait le visage fermé par le mécontentement.
-”Oui, je sais chère gouvernante, que mes frasques vous déplaisent, et je compte bien m’en passer, mais par pitié, allez me querir Dame Metraton, je suis certain qu’elle aura quelques onguents ou potions pour faire passer cet horrible mal de crâne.”
-”pfff...” Et elle fit demi-tour, outrée, pour s’acquitter de sa tache.
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