Naissance

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La nuit enveloppait le désert de sa main pesante. Le froid mordait les chairs des quelques Fyros postés sur une dune, immobiles. Malgré cette douleur, ils ne bougeaient pas, ni un muscle ni un oeil, tout entiers concentrés sur leur cible.

La caravane n'aurait jamais du entrer dans le désert. Ni cette nuit-là, ni aucune autre. Les clans errants étaient légions et celui qui l'attendait, posté comme un varynx à l'affût de sa proie, était l'un des plus dangereux. Ses membres avaient été bannis des communautés Fyros à cause de leur violence... De leur égoïsme. Ils ne voulaient pas sauver Atys et tous les homins du Souffle, mais seulement leurs propres vies, souvent au détriment de celle des autres.

Un cri déchirât la nuit. Puis un autre et encore un autre, la femme hurlait sa douleur. La vie ne naît pas dans la douceur.

Lorsque les hommes entendirent cela, ils hochèrent la tête : une vie qui naît dans la douleur sera propice à la donner, le clan s'en sortirait grandi et fort.

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La caravane approchait des dunes où étaient cachés les guerriers. C'était une caravane essentiellement composée de Fyros et de Mektoubs. Trois chariots disposés en ligne progressaient péniblement au milieu de la sciure corrosive qui recouvraient l'Ecorce dans le désert. Quelques gardes erraient entre les chariots, en exhortant mollement les mektoubs à accélérer. Ils étaient inquiets, les Fyros, même ce type de ramollis avaient le sens du danger.

L'attaque fut lancée en un éclair. Les flammes fusèrent sur les gardes ébahis. Le son de la mort et l'odeur de la chair brûlée emplirent l'air froid et cristallin de la nuit pendant que les guerriers dévalaient les dunes en créant des vagues de poussière. Les maîtres de la caravane sortirent des chariots pour se faire massacrer plus vite encore par les membres du clan.

La rosée n'avait pas eu le temps de se déposer que le clan se dirigeait vers son campement à quelques centaines de pieds de là avec son butin.

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Un Fyros sale et tâché de sang ouvrit la tente étanche. Sa compagne l'accueillit en lui montrant le nourrisson qu'elle avait enfanté.

"Donne lui son nom, Arreras.
_ Soit... Elle s'appellera Arries, la flamme du désert. Bienvenue en ce monde brûlant mon enfant..."
Message roleplay
Tempête
Les guetteurs revenaient de tout côtés vers le camp provisoire du clan d'Arrerras. Ce dernier appelait chacun des guetteurs à tour de rôle dans sa tente et écoutaient leurs informations. Elles n'étaient pas très réjouissantes, le campement était sur le chemin de la tempête et celle-ci promettait d'être impressionnante. Après avoir patiemment écouté tous les éclaireurs, Arrerras, le chef non-déclaré de ce clan, sortit de sa tente pour rejoindre celle de sa compagne, qui s'occupait de sa fille. Il remarquait les regards interrogateurs des autres Fyros, qu'il évitait sciemment. Il savait que sa décision mettait à tous leur vie en jeu.

Malgré leur condition de Bannis, ils savaient se serrer les coudes. La survie dans le désert ne peut être possible lorsqu'on est seul, une communauté est primordiale. La vie dans la sciure leur avait appris le sens de la vie en commun qu'ils n'avaient jamais acquis alors qu'ils étaient des Fyros des villes. Arrerras songeait à cela et pensa que cette punition n'était pas totalement mauvaise, leur vie regagnait un peu de sa dignité perdue. Ils pourraient peut-être rejoindre le Paradis des Oasis, qui sait...

Lorsque l'immense carrure du guerrier se profila dans l'ouverture de la tente des femmes, une petite fille qui n'avait pas encore marché dans le désert se jeta sur les jambes du grand Fyros. Celui-ci l'attrapa de justesse et la ramena à sa mère.

"Tu devrais l'éduquer un peu, une fille du Clan ne devrait pas faire autant de bruit. Surtout la fille du chef de ce Clan..."

La femme regarda Arrerras de ses grands yeux noirs, sans dire un mot. Ses yeux grands et noirs forcèrent l'homin à détourner les yeux. La petite fille observait, fascinée, la lutte de cette minuscule femme qui était sa mère et le mastodonte qui était son père se dérouler sans un mot, et la chute finale du géant. Un vieux Banni lui avait dit un jour que les yeux étaient le miroir de l'âme, sa mère n'était pas soumise, elle aurait pu diriger le Clan si elle n'avait été femme.

"Femme, cette enfant est destinée à devenir une guerrière, je ne peux pas tolérer qu'elle devienne dissipée ! Il en va là de la survie de notre clan, tu sais combien le silence est important !"
La jeune femme regarda la petite fille qui s'était mise à s'amuser avec les tapis déposés dans la tente puis son mari, avant de lui répondre, résignée : "Je ferais comme vous le désirez."

Elle fixa dans son esprit la petite fille enjouée qu'était Arries alors, et vit mentalement la guerrière qu'elle devait devenir. Sa manche couvrit sa figure alors qu'elle serrait sa fille contre elle.
La danse de la nuit
Les adultes s'étaient rassemblés autour d'un feu de joie. L'oasis où le campement était installé se situait quelques centaines de pieds plus loin, et n'était occupé que des enfants et des vieillards. En somme, tout ceux qui ne pouvaient participer à une chasse, les capacités physiques leur faisant défaut.

La jeune fille avait réalisé sa première chasse une poignée de lunes auparavant, et devait subir son épreuve d'initiation au cours de cette danse obscure. On lui avait appris à la danser mais elle ne se sentait toujours pas prête, l'endroit était infesté de minuscules morceaux d'écorces et d'insectes vénéneux. Cependant, son père lui avait appris la bravoure des guerriers, et si les adultes dansaient, elle danserait aussi. Elle entrecroisa ses pieds nus au milieu de la sciure et tourna la tête à la recherche de nouvelles occupations. Elle gardait toujours une part d'enfance en elle...

Son regard se porta sur ses parents, et leurs vêtements flamboyants, c'étaient les membres les plus importants du Clan et le montraient ainsi une fois par cycle. Son père était vêtu d'une robe d'apparat, vieille mais possédant toujours la beauté, volée dans une caravane, de couleur rouge et jaune, symbolisant le Feu, destructeur et salvateur. Sa mère se tenait près de lui, ses cheveux enserrés dans des anneaux d'or, et ses bras nus exposés à l'aridité du désert. Elle regardait les flammes où étaient brûlés les morts du dernier pillage, les yeux secs. C'était la seule cérémonie que les Bannis du Clan accordaient à leur morts normalement dévorés par les charognards et la sciure abrasive. L'oncle d'Arries faisait partie des squelettes qui se calcinaient, il avait rudement combattu, mais avait été trop impétueux, l'intelligence de la bataille lui avait fait défaut. Ainsi était punis les morts, soit le ciel soit l'estomac des oiseaux leurs servaient de sépulture.

Lorsque les cadavres ne furent plus que cendres volant au vent de Coriolis, quelques personnes ouvrirent les sacs qu'ils avaient apportés et en extraire d'immenses tambours. La nuit tombait rapidement et un vent frais fit frissonner hommes et femmes. Aucun n'osait lancer la danse, et les membres du Clan lançaient de discrets regards aux parents de la seule initiée de cette Danse, les invitant à se lancer eux. La mère de l'enfant le fit, elle esquissa deux pas de danses discrets tout en tendant une main gracile à son homme. Il la saisit et se lança en un tourbillon.

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Les Lunes contemplaient la Danse de la Nuit. Les vêtements des hommes et des femmes volaient de plus en plus vite, le vent s'engouffrait entre les tissus, refroidissant les chairs portées à vif par le tourbillon sauvage. Les corps emportés se serraient et s'éloignaient avant de s'embrasser et de s'effondrer.

La Danse prenait fin, les corps enlacés se retrouvaient, et une petite fille, pas encore adulte regardait et attendait la fin de la nuit pour pouvoir accomplir la dernière Danse.


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Ils se réveillaient lentement, s'étirant doucement, embrassant tendrement leurs amants d'un soir ou d'une vie, et contemplait le désert rosé par le soleil levant offert par la journée de l'Initiation.

Arries allait devenir adulte en cette journée. Elle était au centre d'un cercle constitué des guerriers et des chasseurs du Clan, et elle allait devoir faire la preuve de sa détermination à lutter pour tous.

"Le Feu est notre ennemi, et nous en sommes les gardiens. La vie doit être sauvegardée de l'horreur du Coriolis et chacun doit lutter. Arries, fille d'Arrerras et de Yalea, tu dois faire la preuve de ta détermination. Découvre ton dos et montre que tu sais être vulnérable."

Arries enleva le haut de sa tunique, tandis que son père prenait l'épée de la main de sa mère. Elle avait été taillée dans l'écorce, et dans son fil coupant se mirait le soleil. La jeune Fyros s'accroupit dos à son père et attendit. Elle ne le fit pas longtemps. Elle tressaillit violemment en serrant ses bras menus contre son corps, et quelques larmes de douleur coulèrent le long de ses joues pour s'écraser dans la sciure. Ce n'était pas le seul liquide qui s'écoulait le long de son corps, elle sentait le sang venir créer des fleurs pourpres sur les dunes. Elle se leva, elle connaissait la suite de l'épreuve. Son corps juvénile était exposé, la honte de la chair et la douleur étaient passées et étaient mortes. Maintenant...

"Danse à présent, et montre nous ta détermination. Montre nous la force de ta vie, ma fille !"

Arries entama un pas de danse. Un deuxième, malgré la douleur déchirante qui lui coupait même l'envie de pleurer, puis le troisième qui envoya valser une pluie de gouttes rouges maculer le désert.

Elle dansa longtemps, sa force, sa vie et sa détermination coulant avec le sang suintant de sa blessure ouverte. Elle dansa pour sa vie et pour son honneur déchu de Bannie. Et le soir, elle s'effondra dans la sciure, son énergie vitale presque disparue, mais triomphante

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Arrerras porta sa fille évanouie jusqu'au campement et cautérisa lui-même la marque qu'il lui avait appliqué. Tu as dansé longtemps, reposes-toi maintenant, petite guerrière...
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